Le Rassemblement National est le grand gagnant des régionales 2021
Depuis l'annonce des résultats du premier tour des élections régionales de 2021, le cortège de mort des perroquets qui nous servent d'éditorialistes répète en boucle une unique analyse politique sur tous les médias existants : les Républicains en seraient les grands gagnants et le Rassemblement National le grand perdant. Dans cet article, je réfute cette lecture et je démontre même le contraire. Le Rassemblement National est le grand gagnant de ces élections et la présidentielle de 2022 sera le contraire des régionales de 2021. L'abstention est l'enjeu véritable.
Fidèle à ma réputation naissante de commentateur iconoclaste de l’actualité politique, je me devais de vous partager mon analyse des résultats du premier tour des élections régionales de 2021, puisqu’elle s’oppose en tout point à l’analyse officielle des éditorialistes qui, de Libération à Valeurs actuelles, proposent une unique grille de lecture de ces résultats.
Cette unanimité n’est-elle pas le signe d’une absence de pensée ? Suffit-il de faire le décompte des voix des partis politiques pour savoir, mécaniquement, qui en est sorti vainqueur ? Est-ce toujours le parti arrivé en tête qui est le gagnant des élections ?
Si tel était le cas, il n’y aurait plus besoin d’analyser les résultats, ils se suffiraient à eux-mêmes, et le ministère de l’intérieur, en publiant les résultats, pourrait immédiatement nous stipuler les enseignements à en tirer, sans que personne ne puisse légitimement les contester et en proposer une autre lecture. Ce sont toutes ces questions qui sont devant nous.
Je me propose ici de réfuter l’analyse qui prévaut et de lui substituer une nouvelle, plus fidèle à la réalité de ce qu’il s’est passé.
* * *
La donnée fondamentale de cette élection est l’abstention, qui s’élève à 66,72%.
Que signifie-t-elle ?
Au lieu de l’interpréter, ce qui est toujours difficile, bien qu’il semble qu’elle soit un mélange à la fois de désintérêt pour les régionales et de dégoût pour les politiques, je propose de reformuler cette donnée chiffrée en un énoncé.
-
Les français ne sont pas allés voter.
A proprement parler, cette phrase n’est pas vraie : certains français se sont déplacés, ils sont allés voter, on peut même très exactement les chiffrer - justement - à 33,28% du corps électoral.
Il est intéressant de noter que très peu de médias se sont intéressés à la composition de ce groupe à contre-courant, qui est allé voter, mais qu’ils se sont focalisés sur les abstentionnistes. Or, les deux groupes nous apportent autant d’informations, ont autant d’intérêt l’un que l’autre, car ils ne sont rien d’autre que les deux faces d’une même médaille - le peuple français dans son ensemble.
D’un côté, il y a ceux qui sont allés voter et qui, sociologiquement, sont plus riches, plus diplômés et plus vieux. De l’autre, il y a ceux qui ne sont pas allés voter et qui sont, statistiquement, plus pauvres, moins diplômés et plus jeunes.
Ces deux faces d’une même médaille désignent en réalité deux classes sociales distinctes, qui ne se rencontrent pas dans la vie, qui ne travaillent pas ensemble, et qui ne se croisent même plus dans les bureaux de vote.
L'énoncé :
1. « Les français ne sont pas allés voter. »
devient donc :
2. « Les riches, les diplômés et les vieux sont allés voter pendant que les pauvres, les peu diplômés et les jeunes ne sont pas allés voter. »
L’interprétation politique de ce premier tour des régionales devient la question de savoir comment on peut rapporter le résultat sorti des urnes à la sociologie des votants et des abstentionnistes.
La politique, c’est de la sociologie.
* * *
Quels ont été les résultats ?
Comme le montre la carte, les « grands gagnants » de ce premier tour seraient le Parti Socialiste (PS) et Les Républicains (LR), alors que le Rassemblement National (RN) serait le « grand perdant » de la soirée dans l’exacte mesure où il ne gagnerait aucune région et où son score a diminué comparativement au premier tour des élections régionales de 2015.
Les éditorialistes ajoutent également La République En Marche (LREM) dans le camp des perdants dans la mesure où le parti présidentiel ne serait en tête dans aucune région, alors que c’est le parti à la tête de l’État. Ici, perdre, c’est ne pas être doublement à la tête de l’État et des élections, comme si cela devait forcément aller ensemble. En réalité, LREM n’a jamais été un parti d’implantation locale, et on ne saurait dire qu’il s’agit d’une défaite, même si ce n’est certes pas une victoire, car LREM n’a pas pour but de gouverner les Hauts-de-France, ou la mairie de Tulle, mais la France entière à l’échelle nationale - ce pourquoi LREM fait de beaux scores aux européennes, par exemple.
Cette interprétation majoritaire chez les éditorialistes repose donc sur une absence de pensée, et plus profondément sur l’ignorance de la nature tout à fait singulière de la LREM, un parti qui aussitôt créé a vu son candidat élu à la présidence de la République, un parti qui est un rassemblement de traîtres, et de gauche et de droite, comme l’a très justement souligné Rachida Dati. LREM n’est pas un parti comme les autres et ne saurait être jugé avec les mêmes critères. Cela pourrait être le sujet d’un autre article, mais ma thèse est que LREM est le parti de l’unification de la bourgeoisie pour s’assurer la conservation exclusive du pouvoir exécutif à l’échelle nationale, contre toute victoire possible de l’extrême-gauche et de l’extrême-droite. Ce n’est donc pas un parti « ni de gauche ni de droite », comme le voulait la campagne de 2017, mais un parti « et de gauche et de droite », le rassemblement de la bourgeoisie de gauche et de droite en un faux centre contre le peuple français.
Revenons aux résultats de ce premier tour des élections régionales.
Les Républicains seraient les grands gagnants de la soirée. Les éditorialistes nous assurent que la course à la présidentielle de 2022 est entièrement relancée, que les sondages ont été démentis, et que désormais, tout se joue entre Pécresse, Wauquiez et Bertrand, pour autant qu’ils sont arrivés en tête dans leur région et LR en tête au niveau national.
Rien ne me semble plus faux, et c’est là que ça devient intéressant.
Contrairement à ce que répètent comme des perroquets les éditorialistes de toutes les chaînes de télévision, de toutes les radios, de toute la presse écrite, le « grand gagnant » de ce premier tour est le Rassemblement national.
Pourquoi ? Comment est-ce possible alors que leurs scores électoraux semblent indiquer le contraire ?
Tout tient à pondérer les scores électoraux par la donnée fondamentale de ces élections, à savoir l’abstention.
Reprenons.
- « Les français ne sont pas allés voter. »
- « Les riches, les diplômés et les vieux sont allés voter pendant que les pauvres, les peu diplômés et les jeunes ne sont pas allés voter. »
Ajoutons désormais à ces deux énoncés un nouveau :
- « Les Républicains ont fait un score élevé, le Rassemblement National a vu son score baisser ».
Nous obtenons donc une corrélation entre l’abstention des français et l’augmentation du score en pourcentage des Républicains et la baisse de celui du Rassemblement national.
J’en tire l’énoncé suivant :
- « Quand les français ne vont pas voter, les Républicains montent et le Rassemblement national baisse ».
Il y a donc une corrélation entre « les français » et « le Rassemblement national », alors qu’il y a décorrélation entre « les français » et « les Républicains » (voire aussi « le Parti Socialiste » dans une moindre mesure).
Autrement dit, alors que le RN s’affaiblit en terme de score électoral, il manifeste une étonnante proximité avec les français, il est même en phase avec les français, il n’y a désormais plus rien qui distingue un français moyen d’un électeur du RN.
Ceci est un événement politique de premier plan.
Pour le mesurer, il faut se rappeler qu’en 2002, Jean-Marie Le Pen n’a pu accéder au second tour de l’élection présidentielle que grâce à l’abstention massive des français pour ce type d’élection, à savoir 28,40%.
Entre 2002 et 2021, le lien entre « les français » et « le Front National » puis « le Rassemblement national » s’est donc inversé.
L’opérateur, ou plutôt l’opératrice, de ce renversement est Marine Le Pen, qui a opéré, justement, le passage du « Front National » au « Rassemblement national ».
Cette opération, appelée « dédiabolisation », est donc un succès.
Quel enseignement pouvons-nous donc tirer de ce premier tour des élections régionales ?
Contrairement à ce que disent les éditorialistes, la montée des Républicains, si elle n’est certes pas une mauvaise nouvelle, n’exagérons rien, signifie néanmoins que l’électorat des Républicains est déconnecté de l’ensemble des français et même qu’il s’agit d’un électorat minoritaire constitué de vieux, de riches et de diplômés. Loin d’être une force, c’est une faiblesse - du moins, s’ils ne parviennent pas à élargir au-delà de cette base dans les prochains mois. Seul Nicolas Sarkozy avait réussi à droite en 2007 à réunir les vieux et les riches avec les pauvres et les jeunes. C’est cette alliance qui permis son élection. Elle ne s’est plus revue depuis, et à mesure que le Rassemblement National progresse, les Républicains sont toujours plus minoritaires, c’est-à-dire vieux et riches.
A l’inverse, le Rassemblement national est en phase avec la société française. Son électorat est plus pauvre, plus jeune, moins diplômé. C’est dire immédiatement que son électorat est beaucoup plus grand que celui des Républicains.
Qu’est-ce que cela signifie ?
C’est simple : dès que l’abstention baissera, que les français iront voter, les scores des Républicains et du Parti Socialiste baisseront mécaniquement, plus exactement baisseront proportionnellement au nombre de français votants, alors que le score du Rassemblement National, et de la France Insoumise dans une moindre mesure, monteront.
Je peux donc tirer l’énoncé suivant :
- « Quand la participation remontera, les Républicains baisseront et le Rassemblement national montera. »
Le Parti Socialiste et les Républicains n’ont gagné les élections régionales que parce qu’ils sont les partis dinosaures des boomers, c’est-à-dire des vieux et des riches, alors que Rassemblement National n’a perdu électoralement que parce qu’il est le parti des jeunes et des plus pauvres.
Il ne faut donc pas tirer un enseignement de ces régionales de 2021 pour les présidentielles de 2022.
Ou plutôt : dans la mesure où les élections présidentielles mobilisent toujours plus l’électorat que les régionales, l’enseignement qu’on peut tirer de ces régionales, c’est que les présidentielles seront inversement proportionnelles aux régionales.
Les « gagnants » des régionales seront les perdants des présidentielles.
Les gagnants d’aujourd’hui sont les perdants de demain.
Dans la mesure où il vaut mieux préparer demain que d’être simplement satisfaits aujourd’hui, qu’il vaut mieux gagner les présidentielles que les régionales, je peux donc conclure :
- « Le Rassemblement national est le grand gagnant des élections régionales ».
CQFD.
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