Dans les médias on ne reçoit plus que des commentateurs raisonnables qui nous préparent à avaler des pilules de plus en plus grosses car, voyez-vous, les peuples doivent comprendre qu’ils ne peuvent plus vivre au-dessus de leurs moyens et que de sévères restrictions s’imposent en matière de salaires, de retraites, de protection sociale, de services publics…
Ah, ces fonctionnaires ! Trop nombreux, trop payés, trop protégés et qui ne sont pas efficaces, la RGPP n’a pas attendu la chute soutenue des bourses pour les mettre au régime sec. Toutes les réformes ou plutôt les contre-réformes vont dans le même sens : faire payer la crise aux plus pauvres pour ménager les très hauts revenus, ceux du capital et de ses serviteurs zélés.
Mais personne ou presque sur les plateaux télé, pour parler de la cause, l’unique cause de la crise qui se trouve relancée alors que l’on cherchait à nous convaincre qu’on était en train d’en sortir ! Ils ne manquent pas pourtant les politiques, les syndicalistes, les économistes, les sociologues, les citoyens…de sensibilité anti-libérale pour exposer leur analyse et leurs solutions. On ne les invite pas.
Comme en Angleterre ou aux Etats-Unis, les citoyens n’entendent que ceux qui ne remettent pas en cause l’économie de marché, entendez le libéralisme, mot qu’ils préfèrent à capitalisme parce qu’il sent moins la lutte des classes, cette vieille lune qu’ils croient avoir éteinte à jamais.
Mais au fait, qui sont ces « marchés financiers » qui font la pluie et le beau temps dans les temples que sont les bourses à la gloire du dieu profit ? On a vraiment l’impression d’une main invisible, d’une puissance occulte qui, au-dessus des gouvernements, décide à qui on peut prêter et à combien, parce que ce sont les spéculateurs qui ont le pouvoir d’émettre le crédit dans ce monde à l’envers en train de s’écrouler.
Et les banques centrales, le FMI ne font qu’aller dans le sens de leurs intérêts et dictent aux Etats les plus endettés, les conditions à réunir pour être en mesure de rembourser des intérêts prohibitifs qui les endettent un peu plus !!
Le problème c’est que tous les Etats et en particulier ceux qui veulent continuer de dominer le monde en lui imposant leur système économique, sont endettés bien au-delà du raisonnable car la dette des Etats qui équipent leurs pays pour y créer de la richesse et de l’emploi n’a rien à voir avec un endettement dû à l’importance des intérêts de la dette qu’il faut servir aux prêteurs que sont les banques privées seules émettrices du crédit.
Elles ont pourtant mis le feu aux poudres, fin 2008, en révélant leurs méthodes et leurs gains faramineux bâtis sur l’escroquerie pure et simple. Les Etats devaient, la main sur le cœur, y mettre bon ordre. Nous avons, en France, le fantassin de la moralisation du capitalisme : on allait voir ce qu’on allait voir : les paradis fiscaux, les hauts revenus, les primes des traders…allaient être mis à la raison à défaut de disparaître !
Tu parles, les Etats les ont renfloués, à coup d’argent public et la spéculation est repartie de plus belle, prenant des proportions extraordinaires car pour les capitalistes l’exigence première c’est la rentabilité des capitaux. Or ils ne sont plus seuls au monde et ils doivent lutter pour maintenir leurs taux de profits.
Comme la philanthropie n’est pas leur fort, ils préfèrent nettement obtenir des gouvernements qu’ils inspirent et orientent, qu’ils fassent payer l’addition aux peuples qui ne sont pour rien dans les turpitudes des marchés financiers, haut lieu de la spéculation.
Les Grecs en savent quelque chose qui, outre l’ampleur des sacrifices que leur impose l’UE et le FMI, y perde leur indépendance nationale. Comme quoi cette Europe n’est pas celle des peuples mais celle du capital. Et l’on assiste, comme en Grande Bretagne et en France à l’union sacrée des partis de droite et sociaux démocrates pour « venir en aide à la Grèce » !
Son déficit public est de 13,5% du PIB, mais en Angleterre il est à 12%, en France à 8%, le Portugal, l’Espagne, l’Italie…encore plus mal. Quant aux E-U, c’est le pays le plus endetté de la planète !
C’est une faillite collective, c’est celle du capitalisme. Chut, ne le répétez pas il ne faut pas que ça se sache.
René Fredon