Le savoir et l’école, des marchandises comme les autres ?

L’instruction n’est pas seulement un droit, mais une richesse, la seule richesse que l’on puisse dépenser sans s’appauvrir
Cette dynamique s’installe petite à petit en France et plus globalement en Europe du fait des politiques mises en place par l’Union Européenne comme le Processus de Bologne ou la Stratégie de Lisbonne. Ces initiatives sont la porte d’entrée de la globalisation économique et financière dans tous les pans de la société. L’impact de la globalisation sur l’enseignement n’est pas une harmonisation du système selon Geneviève Azam¹, (maitre de conférences en économie et chercheur à l’université Toulouse II) mais bien la suppression des lois qui donne une autonomie au système de recherches, c’est permettre au capitalisme d’étendre son champ de compétence et d’exercice sur des lieux qui lui étaient jusque là infranchissables. Ce qui ce caractérise par le dérèglement du système éducatif et sa soumission aux règles pernicieuses du marché. C’est pervertir ce bien universel qu’est la connaissance, pour en faire un bien marchand, donc rare. Résister à cette transformation c’est reconnaître que l’instruction n’est pas seulement un droit, mais une richesse, la seule richesse que l’on puisse dépenser sans s’appauvrir.
Selon un rapport de la Table ronde européenne des industriels de 1989, « L’éducation et la formation [...] sont considérées comme des investissements stratégiques vitaux pour la réussite future de l’entreprise ». Cette simple phrase résume à elle seule le défi qui est celui de toute la gauche aujourd’hui : résister à l’entrée dans l’économie de la connaissance (valorisation marchande et privatisation de la connaissance) et défendre l’un des seuls éléments de la société que les oligarques mondialistes n’ont pas encore affiché à leur tableau de chasse.
En France, depuis plusieurs années la droite au pouvoir ouvre les portes à ce système en acceptant des conditions ruineuses et humiliantes pour notre système d’Education Nationale : Loi LRU, masterisation, réforme du lycée… les différents gouvernements s’acharnent à vouloir mettre en place la marchandisation des savoirs. A cela se mêle un discours ambiant purement utilitariste relayé par certains médias, prosternés devant le dogme néolibéral. On a pris l’habitude de nous présenter ces changements comme des réformes, cependant ils sont tout sauf des améliorations pour notre société républicaine. La redéfinition des politiques éducatives en fonction des exigences du monde des finances et de l’économie vise à nous faire croire que l’école à sa place dans la compétition économique et qu’elle doit s’adapter au système mondiale.
Ce qui entraine une pénurie en terme de transmission des connaissances avec des savoirs minimalistes et utilitaristes
Au quotidien cette nouvelle vision de l’école et du savoir fait passer sous les fourches caudines du marché l’ensemble du monde de l’éducation et de l’enseignement : en début de chaine, on assiste de plus en plus à des suppressions de postes (16000 en 2010), fermeture de classe d’un coté, surcharge de classe de l’autre, recule de l’âge de la scolarisation (en 2000 2/3 des moins de 3 ans étaient scolarisés, aujourd’hui ils ne sont plus que 1/5 selon la FSU)… En fin de chaine ce sont les hausses des droits d’inscription dans les facs (l’affichage de droits d’inscriptions élevés devenant même un indicateur de qualité), la dégradation des conditions d’études et de travail, une explosion des inégalités entre établissements et filières, un nombre croissant de formations qui ne se font plus que dans des lycées privés… Ce qui entraine une pénurie en termes de transmission des connaissances avec des savoirs minimalistes et utilitaristes comme en atteste la définition du socle commun au collège, l’évaluation par compétences, la diminution de la place occupée par la philosophie au lycée ou de manière plus symbolique la suppression de l’Histoire et Géographie pour les terminales scientifiques. Une fois de plus rappelons le, pour ces gens, tous ce qui ne rapporte rien ne mérite que du mépris : d’où comme l’affirme Jacques Généreux : « la suppression de toutes les disciplines qui n’ont aucune utilité dans la guerre économique (sciences humaines et sociales, aux études d’art et de culture …), en particulier parce que ce sont des disciplines qui donnnt une autre image de la société »². « Un peuple de citoyens intelligents c’est le cauchemar des néolibéraux comme de tous les charlatans » J. Généreux.
Aujourd’hui l’école engendre moins les problèmes qu’elle ne les concentre
Pour les néolibéraux, l’école doit être réformée et c’est par un discours pernicieux qu’ils tentent de nous en convaincre : l’école ne corrigerait pas les inégalités sociales et économiques de notre société, elle ne forgerait pas un esprit national d’unité voire pire, elle produirait une société plus injuste…. Mais depuis quand l’école possède t’elle des pouvoirs si miraculeux ? Comment pourrait-elle réussir là ou la société, les gouvernements et les politiques dans leur ensemble échouent depuis plus de 30 ans ? D’autant que ce n’est pas son rôle, mais bien celui des pouvoirs publics qui tentent avec ce discours accusateur, de se dédouaner de toutes responsabilités en faisant de l’école la seule responsable de cette situation inacceptable. Aujourd’hui l’école engendre moins les problèmes qu’elle ne les concentre.
Comment notre idéal de l’école publique et laïque universelle et émancipatrice pourra t’il résister à tant de dégradations, lui qui subit déjà la pression concurrentielle du secteur scolaire privée ou encore des attaques incessantes de ses fondements comme la laïcité (loi Debré, loi Carle…).
Face à cette situation préoccupante, le Parti de gauche et plus globalement le Front de gauche organiseront dans le cadre du programme partagé un atelier début 2011 à Rennes, intitulé : Face à la marchandisation des savoirs, quelle école voulons-nous ?
« Le peuple qui a les meilleures écoles est le premier peuple ». Jules Simon
² Voir La Grande Régression de Jacques Généreux.
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