Le « séisme » des élections européennes
« On ne résout pas un problème avec les mêmes modes de pensée qui l’ont engendré » [Albert EINSTEIN].
Par décision n° 2007-560 du 2 décembre 2007 le Conseil Constitutionnel a estimé que « l'autorisation de ratifier le traité modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution ».
Ce jugement signifie que sans la réforme constitutionnelle lancée par Nicolas SARKOZY en 2008, le traité de Lisbonne modifiant le traité établissant une Constitution pour l'Europe, refusé par la France lors du référendum de 2005, n’aurait jamais pu être ratifié.
Notre actuelle Constitution qui avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et la Charte de l’environnement de 2004 constituent le sommet de la hiérarchie des normes garantissant l’ordre juridique dans notre pays, a été modifiée 24 fois depuis son entrée en vigueur le 4 octobre 1958.
Une révision de notre Constitution a été nécessaire pour chacun des nouveaux traités établissant de nouvelles prérogatives à l’Union européenne (transfert de compétence de la nation à l’Union européenne, ou – si vous préférez – abandon de la souveraineté populaire sans l’acceptation du peuple). Cela démontre très clairement que l’Europe s’est construire de façon inconstitutionnelle et antidémocratique puisque le peuple n’a jamais été consulté pour de telles modifications. Et lorsqu’il l’a été en 2005, sa décision n’a pas été respectée.
Cette situation n’est sans doute pas étrangère au fait que depuis quelques années, nous observons au sein de la société un relatif regain d’intérêt pour la démocratie directe[1] qui a vu naître diverses initiatives indépendantes de l’influence des partis politiques.
Fédérés en collectifs ou en associations, les membres de ces divers groupes constituent un champ fertile sur lequel une réforme de société véritablement démocratique, que nous sommes de plus en plus nombreux à appeler de nos vœux, pourrait germer.
A l’intérieur de ces cercles de réflexions se développe un courant de pensée particulier gravitant autour de plusieurs idées fortes qui invitent à un changement de paradigme appelé à rendre nos institutions vertueuses par une modification en profondeur de leur organisation en appliquant au pied de la lettre le seul principe constitutionnel qui donne une définition précise de ce que doit être une vraie démocratie, soit le « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » (article 2, titre premier « De la souveraineté » de notre Constitution).
Selon ce principe constitutionnel, nul n’est légitime pour décider à la place du peuple des lois auxquels il doit se plier.
Dès son article trois, cette même Constitution stipule que :
Alinéa 1 : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. »
Aliéna 2 : « Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice. Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret. »
Alinéa 3 : « Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques. »
Pour autant, depuis l’adoption par référendum de la Constitution de 1958, nous avons connu 62 élections et seulement 10 référendums. Ce qui revient à dire que nous votons 6,2 fois plus pour élire des représentants décidant de tout à notre place que pour choisir nous-mêmes les orientations politiques que notre pays doit suivre engageant de facto le peuple et la nation (cf. Petit cours de propagande politicienne : Vote ou élections).
Cet état de fait révèle un important problème de souveraineté nationale puisque les élections créent un sérieux déséquilibre entre d’une part les représentants et d’autre part la voix du peuple qui ne peut s’exprimer lors d’un référendum que lorsque le président de la République l’y invite (cf. l’article 11 de la Constitution pour prendre connaissance des dispositions spéciales et des domaines restrictifs auxquels s’applique le référendum).
L’alinéa 1 de l’article 3 de notre Constitution n’est donc pas respecté. Pas plus d’ailleurs que n’est respecté le second alinéa de ce même article qui précise qu’« aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice… »
Tout comme n’est pas respecté non plus l’article 4 de notre Constitution : « Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. Ils contribuent à la mise en œuvre du principe énoncé au second alinéa de l'article 1er dans les conditions déterminées par la loi. La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. »
Constatant l’inefficacité démocratique de nos institutions et le non-respect par ses dernières des principes qu’elles sont pourtant censées garantir, notre association s’est engagée à défendre les véritables valeurs démocratiques capables de redonner le pouvoir au peuple. C’est dire si la tâche est immense.
Plusieurs voies sont à l’étude au sein des différents groupes de réflexion qui se sont organisés ou s'organisent un peu partout en France et en Europe.
Conscient que le changement ne pourra survenir qu’à la condition que le peuple puisse acquérir une responsabilité politique qui actuellement lui fait défaut, principalement en raison du fait que la classe dirigeante ne tient absolument pas à lâcher le pouvoir qu’elle exerce sur les populations, notre association se donne également pour objectif de mettre en place des solutions pour palier aux carences de notre éducation civile, car la démocratie a toujours évolué du niveau local au niveau national jusqu’au niveau transnational et non l’inverse.
Or, la construction européenne telle quelle se déroule aujourd’hui sous nos pieds nie ce principe démocratique fondamental en imposant des dictats que la majorité des peuples désapprouvent.
Tel est par exemple le procédé par lequel l’Union Européenne négocie dans le plus grand secret le nouveau traité transatlantique, plus connu sous le nom de TAFTA (cf. TAFTA : Le traité qui va nous maltraiter, approuvé tant par François HOLLANDE que par son prédécesseur), qui fait peser sur les épaules de tout Européen une menace que nous avons encore peine à évaluer, mais dont nous pouvons bien percevoir la dangerosité en lisant la note d’analyse émise à l’attention de la commission du commerce international du parlement européen, très critique envers l’étude d’impact réalisée par la Commission Européenne qui se déclare favorable à cet accord.
Une construction européenne antidémocratique et inconstitutionnelle centralisant les décisions au niveau d’institutions aux ordres des multinationales américaines, une population qui au fil des ans et des gouvernements successifs a perdu toute confiance envers ses représentants, un sentiment croissant d’incompréhension entre peuple et élus… sans doute ne faut-il pas chercher beaucoup plus loin les raisons du résultat de ces élections.
La leçon qu’il conviendrait d’en tirer, que nos élus actuels se refuseront à voir compte tenu de leur égo hypertrophié, c’est qu’une réforme de l’organisation des pouvoirs publics est à envisager d’urgence si nous ne voulons pas que notre « démocratie représentative » puisse muter en « démocratie totalitaire »[2] sous l’impulsion d’un « eurofascisme »[3].
L’analyse de ce scrutin est un exercice périlleux. Chacun voyant midi à sa porte, nous avons tous tendance à ne voir dans ces résultats que ce que nous voulons bien y trouver.
Toutefois, il est navrant de constater que les figures politiques les plus en vue du moment jouent tous sur la corde sensible des électeurs en faisant de plus en plus appel à l’émotionnel plutôt qu’au bon sens de la population.
Cette stratégie payante à court terme indique très précisément à qui sait voir et entendre que la principale obsession de nos représentants, de quelques bords politiques qu’ils soient, est et demeure le résultat des prochaines élections. Dans cet état d’esprit, les préoccupations du moment de la majorité des Français tels que le chômage, la retraite, l’avenir de la sécurité sociale, de l’éducation, de la justice, etc. sont toutes reléguées au second plan, car le principal souci qui guide les politiques publiques est, du point de vue de nos élus, de conserver le pouvoir acquis ou d’établir des stratégies pour le reprendre s’il s’avère être perdu et peu importe les problématiques de société actuelle. Cette attitude se résume en peu de mots, c’est la devise des irresponsables égocentriques : « après moi le déluge ».
La presse nationale s’est également empressée de commenter la « montée » du Front national en faisant ses gros titres par des superlatifs tels que « choc », « séisme », « tsunami », « tremblement de terre », « raz-de-marée », etc. se faisant par là complices de cette surenchère politique.
La recette n’est pas nouvelle. De tout temps, nos différents gouvernants ont conduit les foules en jouant sur leurs sentiments. C’est ce qui s’appelle faire de la démagogie.
Or la démagogie est d’essence fasciste et l’histoire nous renseigne sur la contrepartie que nous devrons payer pour s’être laissé aller (nos dirigeants) ou laissé prendre (le peuple) à de telles manipulations qui ont toujours eu des conséquences dramatiques pour les deux camps.
Dans cette optique nous ne pouvons que déplorer le mélodrame auquel participent nos élus aidés en cela par la complicité aveugle de médias aux ordres du système.
Sans doute est-ce là un « choc » pour notre classe politique qui se partage le pouvoir depuis des décennies en raison du fait que l’UMP et le PS devront céder quelques sièges de député au FN, mais il faut avoir le courage de reconnaître que ce « séisme » reste toutefois d’une amplitude modérée comparée à celui des dernières élections présidentielles. Pour autant, il n’a absolument pas été interprété de la même manière par l’ensemble de la classe politique et des commentateurs : « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir » (Jean de la FONTAINE).
Pour exemple :
Au niveau national, lors de ces élections européennes, le parti de Marine LE PEN a obtenu 4 711 339 voix sur 46 555 253 inscrits, ce qui représente 10,1 % du corps électoral, alors que pour les élections présidentielles de 2012, ce parti avait rassemblé 6 421 426 voix sur 46 028 542 inscrits, soit 14 % de la totalité des électeurs (source Ministère de l’Intérieur).
Il est intéressant de remettre en perspective l’importance accordée à la victoire du FN par rapport à la totalité des électeurs de notre pays, car dès lors quelle signification donner à un vote qui assure la victoire aux élections à un parti ne représentant que 10,1 % des citoyens ?
Cela remet totalement en cause le fonctionnement de notre système représentatif qui, force est de constater, n’a absolument rien de démocratique.
Dans un tel système, où est donc cette majorité qu’une véritable démocratie exige ?
Nous pourrions ainsi développer les exemples à l’infini, mais le plus important consiste à ne plus se voiler la face et à prendre acte de l’échec de notre système représentatif actuel.
Un peuple véritablement souverain ne saurait en aucun cas permettre de se voir déposséder de sa légitimité par une oligarchie irresponsable qui s’enrichit sur le malheur de ses concitoyens en n’hésitant pas à le trahir impunément, car « de toutes les injustices il n’y en a pas de plus énorme que celle des gens qui, au moment même où ils trompent les autres, s’arrangent pour paraître homme de bien »[4] (CICÉRON, De Officiis).
Or, n’est-ce pourtant pas là ce que font continuellement tous les professionnels de la politique pour qui la parole donnée n’engage que ceux qui y croient ?
[1] L’expression « démocratie directe » est un pléonasme rendu nécessaire par la perversion et la perte de sens du mot « démocratie ». En effet, l’étude historique et étymologique de ce terme laisse apparaître qu’une vraie démocratie est forcément directe, participative, citoyenne, etc. Si le sens de ce mot n’était pas autant perverti dans le discours politique actuel, il se suffirait à lui-même et n’aurait nul besoin d’adjectif, de substantif, de superlatif ou autres pour en éclairer le signifiant.
[2] Concept d’Alexandre ZINOVIEV (cf. l’interview : Quand Alexandre ZINOVIEV dénonçait la tyrannie mondialiste et le totalitarisme démocratique).
[3] Concept émis par Emmanuel TODD lors d’un passage à l’émission de Frédéric TADDEÏ (voir la vidéo).
[4] Cité par le traducteur de La République de PLATON aux éditions Gallimard, collection Tel, p. 53 : « … le chef d’œuvre de l’injustice, c’est de paraître juste sans l’être ».
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