Le service minimum d’accueil dans les écoles est relégué
Sous couvert de modernité, le droit d’accueil dans les écoles promu par le Président Sarkozy qui agite l’opinion avec zèle, montre la situation pitoyable de l’administration de la République. Un simple examen de la méthode et du contenu de la loi du 20 août 2008 dénonce une gestion du personnel archaïque, des parlementaires sans autorité et une confusion des pouvoirs entretenue contre toute ambition de modernisation par la décentralisation.

Plusieurs précisions ont été apportées par le Législateur après l’annonce de principe faite par le Président de la République au cours du printemps. D’abord le nouvel article L133-1 du code de l’Education indique que ce service minimum ne concerne pas que les grèves, mais toutes les absences d’enseignant. Cet article paraît plus déclaratif qu’autre chose puisque tout le reste de la loi porte sur le droit de grève et que l’Etat reste maître d’oeuvre du service minimum, sauf en cas de grève.
L’article L133-2 prévoit une prévention des conflits. Vu l’état du dialogue social dans l’Education Nationale, bon courage !
Le maire met en place le service minimum lorsque 25% ou plus des enseignants font grève et c’est le maire qui informe les familles des modalités d’organisation du service d’accueil par la commune. L’article L133-7 prévoit que le Maire propose « une liste des personnes susceptibles d’assurer le service d’accueil ». C’est une sorte de liste d’agrément puisque les services académiques vérifieront que les personnes proposées « ne figurent pas dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes » et qu’il n’est pas question que les collectivités interrogent directement le casier judiciaire.
L’Etat verse une compensation financière (L133-8) qui a été revue à la hausse par rapport à la pratique inaugurée en janvier dernier, et la responsabilité administrative de l’Etat est substituée à celle de la commune (L133-9). Des dispositions similaires sont prises en faveur des organismes de gestion des écoles privées sous contrat chargés de la même mise en oeuvre que les communes pour les écoles publiques.
Quelles conclusions en tirer ?
-
Sur le plan matériel, les principales revendications des collectivités territoriales ont été satisfaites : revalorisation de la compensation, et prise en charge de la responsabilité administrative par l’Etat ;
-
Sur le plan de l’organisation, une clarification très incomplète a été faite avec l’obligation de fournir une liste de personnes pour assurer le service « en veillant à ce qu’elles possèdent les qualités nécessaires pour accueillir et encadrer des enfants ». Formule creuse jusqu’à ce qu’un juge définisse les « qualités nécessaires ». Ainsi les élus locaux, élus du suffrage universel, vivent-ils en permanence sous la férule de quelques hauts fonctionnaires, juges administratifs et conseillers d’Etat, qui peuvent imposer leur jurisprudence n’importe quand.
-
Sur le plan du principe, quel que soit le nombre d’élus locaux parlementaires on peut marcher sur le ventre des élus locaux tant qu’on veut quand le Gouvernement veut faire aboutir un projet. « Si demain les éboueurs de ma commune sont en grève, je ne vais pas aller demander aux instituteurs d’aller ramasser les poubelles. C’est une question de principe. » avait déclaré Jacques Pélissard, président de l’Association des Maires de France (AMF). On constate que le Président de la puissante AMF est la 5ème roue du char.
La loi prévoit une évaluation au bout d’un an. Il reste de fait quelques incertitudes : comment savoir si les personnes figurant sur la liste transmise à l’académie par le maire seront disponibles et même d’accord pour effectuer le service d’accueil ? Et si le personnel municipal fait lui aussi grève, de quel encadrement disposeront les personnes chargées de l’accueil ? Le problème est particulièrement évident dans les écoles maternelles. En un mot, le « droit d’accueil » est affiché mais le service n’est pas tout à fait garanti.
En revanche, de cette loi, on peut dégager une douloureuse certitude : 25 ans après les grandes lois de décentralisation, on entretient toujours la confusion des pouvoirs, la décentralisation est un échec. L’Etat est tellement persuadé de son incapacité à gérer sa plus grande administration nationale qu’il a été incapable de simplement penser à assurer par lui-même le service minimum d’accueil dans les écoles. Malgré la logorrhée libérale, on nous promeut un "droit d’accueil" tel un état-providence venu du passé et l’on oublie totalement de "mobiliser les énergies" des parents d’élèves que, dans un grand nombre de cas, les communes vont proposer de salarier avec leur compensation financière. Submergé par sa propre inaptitude à gérer son personnel, incapable de favoriser l’organisation des responsabilités locales, l’Etat ne délégue pas, il relègue ses problèmes.
16 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON