Le succès électoral d’Europe écologie : une mutation durable ?
Suffit-il d’une seule performance électorale, même remarquable, pour faire d’une force politique habituée aux strapontins électoraux un agent majeur du marché électoral d’un pays ? Suite au succès d’Europe Ecologie aux élections européennes, nombreux sont ceux qui ont affirmés que ce rassemblement électoral, dont la stabilité reste encore largement à prouver, constituait désormais la troisième force politique française. A ceux-là, il est nécessaire d’avancer quelques arguments de prospectives sur les évolutions des écologistes sur le marché politique français durant les années qui viennent.
D’abord, ce n’est pas parce que les électeurs sont de plus en plus animés de considérations écologiques que ceux-ci doivent nécessairement déboucher sur un vote écologiste. Tous les partis voudront s’afficher plus écolos. Ce phénomène est particulièrement visible au sein de l’UMP : le parti du président de la République met déjà en avant le grenelle de l’environnement, arguant qu’il a plus fait en matière de politique verte qu’aucune autre force politique, même les Verts, avant lui. Cette tendance va s’accentuer, et s’accentue déjà : même s’il ne s’agissait que de façades, l’écologie tendra à devenir une condition essentielle de victoire dans le nouveau marché électoral français.
Cette tendance jouera paradoxalement contre les verts. Tout comme la social-démocratie, devenue consensuelle dans les opinions publiques occidentales, a entraîné le déclin des forces de gauche, l’écologie devenue un patrimoine politique commun ne pourra justifier l’existence d’un parti dont l’ADN sera uniquement écologique. Face à cette tendance, la réaction la plus probable des écolos sera de diversifier leur offre politique, premier pas vers une banalisation qui constitue pour eux un risque mortel. La plus logique serait de tirer le raisonnement historique jusqu’au bout : vu que le déclin des forces de gauche suite au consensus sur la social-démocratie s’est accompagné d’une vague de libéralisme, les écologistes devront présenter cette dilution comme une menace mortelle pour la réalisation du programme qu’ils défendent.
Même s’ils y parvenaient, des facteurs endogènes au marché électoral français joueront en leur défaveur dans les années à venir. En France, les prochaines élections seront les régionales de 2010, des élections à deux tours. Pour y bien figurer les Verts devront arriver devant les socialistes au premier tour pour être en mesure d’imposer autour d’eux le rassemblement nécessaire au gain du second tour. Bien qu’ils aient failli réussir cet exploit pour les européennes, grâce à une participation faible en général et une forte mobilisation de l’électorat écologiste - à mettre à leur crédit - il est peu probable qu’ils puissent le réaliser en 2010, tout simplement parce que le taux de participation à ces régionales sera au moins 20 points supérieurs à celui des européennes. Les socialistes ont donc des réserves de voix bien plus importantes que les écologistes.
Mais finalement pour juger d’une force politique en France, c’est l’élection présidentielle qui fait étalon. Ce sera pour 2012 : on y verra les mêmes éléments jouer contre les Verfs (comme le scrutin à deux tours), parfois en pire (la participation sera encore plus forte que pour les régionales). De nouveaux éléments apparaîtront : les Verts n’ont pas de leader naturel susceptible d’empêcher la division que provoque la personnalisation du scrutin présidentiel (Cohn-Bendit pourrait l’être s’il était français et/ou candidat), et ils se déchireront comme ils ont si bien su le faire par le passé, détournant nombres de voix qui pourraient se porter vers eux sur d’autres forces politiques.
Bien sûr, le raisonnement prospectif n’est jamais certain à 100%, et plus encore dans un monde en crise qui change plus vite que jamais. Mais il faut bien voir que le monde politique à des permanences et des évolutions largement indépendantes du monde réel. Dès lors, le plus probable est que le succès des Verts aux Européennes ne soit qu’un feu de paille, en tout cas ne constitue pas l’acte de naissance d’une force politique définitivement majeure dans notre paysage politique.
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