Le système politique français a t-il besoin de plus de démocratie ?
La France est en pleine tourmente économique et sociale. La solution est-elle dans le « plus de démocratie » ? Quelques éléments de réflexion.
1. La fréquence des élections
Les élections de 2007 constituent à la fois une opportunité et un risque démocratique.
Opportunité : c’est l’occasion de repenser notre modèle, de faire un état des lieux, de donner une nouvelle impulsion, d’apporter une vision, de trouver des solutions.
Risque : la France cesse d’être gouvernée pendant la campagne. Elle a peut-être même déjà cessé de l’être, un an et demi avant l’échéance (voir le budget 2006...)
Quinquennat, plutôt que septennat : progrès démocratique. Mais s’agit-il pour autant d’un progrès social ? Peut-on admettre qu’un pays soit gouverné (si tant est qu’il le soit) pendant trois ans et demi sur cinq (soit 70% du temps), et un an et demi en campagne (30% du temps). Quel est le bon équilibre ?
2. La légitimité des politiques
On dit
beaucoup que les politiques ont perdu le contact avec les citoyens,
qu’ils ne comprennent plus, qu’ils ne représentent plus.
La solution est-elle dans le "plus de démocratie" ? Autrement dit, faut-il développer les mécanismes d’écoute du peuple, comme le référendum ?
En interrogeant les Français sur la constitution, Jacques Chirac a donné la parole au peuple. Beaucoup d’intellectuels regrettent le non à la constitution : un exercice de démocratie a-t-il ainsi tué le progrès ? Et cet exercice démocratique sert-il à quelque chose, si la classe politique n’est pas capable de tirer des conclusions de ce vote franc ?
3. La considération du peuple
Tout le monde (politiques, marques, etc.) dit que les gens sont intelligents, mais tout le monde (les mêmes) agit comme s’ils étaient stupides.
Notre "niveau de démocratie" est-il un indicateur de "l’estime" portée au peuple ? Doit-on considérer que les citoyens sont mûrs, et aller vers "plus de démocratie", ou l’inverse ? La démocratie est-elle mère de la démagogie ?
Un vote ou un sondage est une somme d’expressions individuelles. Mais l’intérêt collectif est-il la somme des intérêts individuels ?
A contrario, quels résultats ont obtenus les gouvernements qui, tout au long de l’histoire, ont pris le pouvoir sans en référer à la volonté du peuple, prétendant détenir une vérité suprême ? Est-il possible d’aller dans le sens de l’intérêt du peuple tout en agissant contre sa volonté ? Les masses sont-elles dans des logiques auto-pénalisantes ?
4. L’information éclairée
L’exercice d’écoute du peuple, pour être efficace, suppose que ce dernier soit éclairé sur les enjeux sur lesquels il se prononce.
Une plus grande écoute du peuple, donc "plus de démocratie", est-elle possible, quand les problèmes du monde sont largement ignorés des grands médias ?
Et une information éclairée est-elle possible, quand les parties prenantes (partis, candidats) entrent dans des logiques électoralistes ?
5. La prise en compte d’intérêts divergents
L’exercice démocratique suppose d’écouter toutes les parties prenantes dans un problème donné.
Cela n’ouvre-t-il pas la voie aux lobbies de toutes sortes (industriels, corporatistes...) dont l’action individuelle est paralysante pour l’ensemble ?
L’écoute des intérêts de tous ne conduit-elle pas systématiquement aux solutions les plus molles et les moins satisfaisantes pour la collectivité ?
N’est-ce pas pour cela que les entreprises, qui recherchent l’efficacité permanente, ne sont pas des espaces démocratiques ? Et que, lorsqu’elles recherchent le consensus, elles patinent ?
6. La recherche de solutions globales
Les problèmes du monde sont des problèmes globaux qui devront, tôt ou tard, être traités globalement.
Les résoudra-t-on par "plus de démocratie" ? Un gouvernement mondial doté de pouvoirs réels, une baisse des dépenses militaires pour transférer les budgets d’armement vers l’humanitaire, l’environnemental et le social... sont-ils "décidables" démocratiquement ?
Je conclurai avec ces mots :
"La démocratie est quand même le seul régime acceptable, ce que la civilisation a inventé de mieux depuis très longtemps.
Et pourtant (...), la démocratie n’a jamais réussi à mobiliser, à créer de l’émotion, de l’enthousiasme. (...) Pas une vibration, pas une émotion (...) sur un des plus beaux miracles des temps modernes : la façon dont l’Espagne est passée de la dictature fasciste à la démocratie.
La démocratie est, partout, absolument fragile. D’autant qu’avec son refus de la violence a priori, elle n’a pas facilement la décision de violence à portée de main (...) Je pense aussi bien à Munich, à la non réaction contre la montée d’Hitler, qu’à la Yougolsavie et la Bosnie d’aujourd’hui (...)
Par rapport à tout cela, et bien au-delà
de la liberté d’expression nécessaire pour faire réfléchir les gens et
pour améliorer le système, nous sommes devant une nécessité de penser,
d’approfondir, de philosopher, de lire et de dialoguer."
- Michel Rocard, entretien avec les Inrockuptibles, mars 1995 -
12 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON