Le Venezuela au Vatican
Hier, le 17 juin, le pape François recevait dans sa bibliothèque personnelle le Président du Venezuela, accompagné pour la circonstance de plusieurs dignitaires, dont sa conjointe, Cilia Flores.
Dans un tête-à-tête d’une durée de 20 minutes, le Pape et le Président ont échangé sur divers sujets, dont la situation politique, économique et sociale au Venezuela. Il a été question des principaux défis qu’il affronte présentement, particulièrement ceux reliés à la diminution des indices de pauvreté ainsi que ceux liés à la lutte contre les ravages de la criminalité et de la contrebande des drogues. Le pape a manifesté sa joie pour les efforts du Venezuela en faveur de la paix en Colombie. À ce sujet, le président Maduro a réaffirmé l’engagement du Venezuela pour que le peuple colombien trouve une solution au conflit armé
Il a profité de l’occasion pour indiquer au Pape que la reconnaissance de l’Organisation des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation (FAO) est consécutive à l’effort déployé par le Venezuela, au cours des dix dernières années, pour atteindre les grands objectifs du Millénaire dans la lutte contre la faim et la pauvreté.
« Au cours d'une cérémonie de haut niveau à laquelle ont assisté plusieurs chefs d'État, 18 pays se sont vus décerner un diplôme reconnaissant qu'ils ont atteint, de manière anticipée, tant le premier objectif du Millénaire pour le développement (OMD 1), à savoir la réduction de moitié des personnes souffrant de la faim d'ici 2015 , que du second objectif, plus ambitieux, consistant à abaisser de moitié le nombre absolu de personnes sous-alimentées d'ici 2015. »
Le président Maduro a proposé au pape François de faire une grande alliance sociale entre le Saint-Siège et le Venezuela, pour développer et soutenir à travers le monde des politiques qui ont été des succès en Amérique latine, en matière d’alimentation, de santé et de bien-être social. L’objectif étant de rejoindre les plus humbles pour leur apporter santé et éducation.
Ce fut une rencontre cordiale qui a ému profondément le président Maduro qui ne cache pas la foi qui l’anime. D’ailleurs, en se retirant, il a demandé au pape de le bénir, ce qu’il fit en signant de sa main une croix sur le front du croyant Maduro.
Pour compléter ce bref résumé, je vous renvoie aux photos qui en disent beaucoup plus long sur cette rencontre.
http://www.sibci.gob.ve/2013/06/encuentro-del-presidente-maduro-con-el-papa-francisco-foto/
18 juin, ce fut le tour des représentants de l’opposition à être reçus, non pas par le Pape, mais par le secrétaire d’État, responsable des relations extérieures. Ces derniers, en dépit du fait qu’ils aient beaucoup insisté pour que le Pape les rencontre, ont dû s’en tenir à ce qui avait été préalablement prévu.
Le site espagnol, Religion Digital, celui-là même qui avait, la veille, commis la bavure d’une photo truquée pour coiffer la rencontre du président Maduro avec le pape François, ne fit aucune allusion à cette rencontre. Il en fut de même ce matin, mercredi, lors de l’audience générale du Pape sur la Place St-Pierre. Ces derniers devaient y participer, mais rien n’a été relevé de leur présence dans les médias consultés. C’est comme si, à Rome, la machine à propagande n’avait pas fonctionné.
Je ne puis m’empêcher de faire allusion au sermon que le pape François a l’habitude de faire à sa messe quotidienne dans la chapelle Santa Marta où il réside. Le sujet de ce jour était de prier pour ses ennemis, de ne pas chercher à se venger, mais à apprendre à les aimer en priant pour eux, pour que leur cœur s’ouvre à la vie.
Ce message m’a rappelé celui des années 1960 et 1970, que l’Église latino-américaine utilisait à profusion pour contenir les mouvements révolutionnaires qui voulaient des changements structurels devant favoriser la justice et la solidarité. À l’époque, les oligarchies civiles s’en accommodaient bien, puisque l’Église, par son message, incitait ses fidèles à chercher la transformation des cœurs plutôt que celle des structures.
Aujourd’hui, le même discours se retourne contre ces oligarchies qui commencent à perdre de leurs pouvoirs. Ce sont elles, maintenant, qui élaborent des plans de déstabilisation et de renversement de gouvernements par la force, par la corruption, par l’assassinat. Elles ne le font pas pour qu’il y ait plus de justice et de solidarité, mais pour reprendre le contrôle du pouvoir et des richesses. Une opposition qui sait utiliser le mensonge aussi souvent qu’elle le peut et la haine chaque fois que c’est possible.
J’ignore si le pape François a pensé à ces temps pas trop lointains. Toujours est-il, qu’il a développé cette réflexion au lendemain de sa rencontre avec le président Maduro et le jour même où l’opposition oligarchique et agressive du Venezuela rencontrait au Vatican le responsable des relations extérieures.
Le pape François, qui a subi, à n’en pas douter, de fortes pressions pour les rencontrer, n’a pas donné suite à leur requête. C’est comme s’il disait à cette opposition dont le caractère violent a été porté à son attention : « Aimer ses ennemis c’est difficile, mais c’est ce que nous demande Jésus. »
CONCLUSION
Je crois que cette rencontre du président Maduro et du pape François marque un tournant important dans les relations de l’Église avec le Gouvernement bolivarien.
Déjà des rencontres entre des représentants de l’épiscopat vénézuélien se réalisent dans le but de mettre en commun les efforts visant la résolution des problèmes de pauvreté, de violence, d’exclusion sociale.
L’opposition n’aura pas eu au Vatican la même attention que lui a accordée Santos, en Colombie et l’Administration étasunienne à Washington.
Le pape François a relevé ce premier grand défi politique avec les honneurs et la cohérence de son message évangélique.
Oscar Fortin
Québec, le 19 juin 2013-06-19
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