Le vrai risque du passage du Sénat à gauche
Le Sénat est le dernier rempart de notre parlementarisme dépassionné et par cela authentiquement démocratique.
Le spectacle que donne trop fréquemment l'opposition à l'Assemblé Nationale en est l'illustration prémonitoire et la séance extraordinaire d'hier 27 septembre en a encore fourni le lamentable exemple. Qu'un élu connu pour ses excès, allant de l'intrusion organisée de ses sectateurs sur les bancs des députés en pleine séance à l'injure caractérisée, cherche par tous les moyens à se forger l'image d'un anarchiste plutôt que d'un démocrate est une chose, mais que le reste de l'opposition, parti socialiste en tête, l'approuve en est une autre.
L'applaudir, manier comme lui, au nom d'un "antisarkozysme" primaire l'amalgame, la diffamation, le procès d'intention sans la moindre preuve ; en se contentant de gesticuler, brailler et brandir des journaux transformant les pires mensonges en vérités en échange d'un soutien n'ayant plus rien à voir avec l'information, en est une autre
Le Premier Ministre François Fillon a répondu, sans détour en des termes que trop peu de media ont fait connaître à l'opinion, qu'il y a dans un tel comportement davantage qu'une faute politique que pourrait expliquer, sinon excuser le manque de programme et d'arguments crédibles face à la situation telle qu'elle est ; il y a faute morale. Et nous aurons la juste mesure de la gravité de cette faute lorsque le Sénat offrira un spectacle copié sur celui de l'Assemblée Nationale. Il ne restera alors à la rue qu'à s'en inspirer pour que la violence, de parlementaire et verbale, devienne populaire. Des troupes sont prêtes à manifester cette violence, précédés des casseurs. Elles viendront de tous les extrémismes, motivées par une insatisfaction qui, pour aussi compréhensible qu'elle soit, est partout suscitée de manière irresponsable et surtout attisée par ceux qui, plutôt que d'agir et tenter d'expliquer les raisons réelles et profondes de difficultés traversées par tous, s'imaginent encore qu'une pyramide peut tenir sur sa pointe ou être réduite à l'état de champ plat ou règnerait l'égalitarisme. Ils oublient de dire, s'ils en ont conscience, que la pyramide est la représentation immuable de toute société, avec sa base et son sommet, et que tout pouvoir, quel qu'en soit la couleur, se manifeste avec ses puissants et ses riches –, qui veulent le rester ou l'être davantage– et sa base, qui voudrait bien être plus puissante et riche qu'elle ne l'est. Il s'y commet dans tous les cas des erreurs dont on parle beaucoup, ce qui est naturel et souhaitable en démocratie, et des réussites, dont on parle peu tant il y a à faire.
Quoi qu'il en soit, la parole et la décision revenant en dernier lieu à l'Assemblée des députés élus au suffrage universel, il pourrait être fondé de considérer le Sénat comme une institution caduque, si ce n'était justement le rôle modérateur qu'il a joué jusqu'ici dans la vie parlementaire de notre nation. Jean-Pierre Bel se veut apaisant en nous assurant qu'il veillera à ce qu'il continue d'en être ainsi. Mais cela n'engage que lui et en aucun cas le PS dont il est membre et qui ne saura ni ne pourra résister à l'occasion de s'afficher en leader de l'opposition, condamné pour cela à une complicité objective avec les pires extrémistes, quand ce n'est pas en se limitant lui-même à user des arguments que sont l'invective et l'obstruction.
Le vrai risque est que le Sénat devienne un instrument de blocage et que tombe ainsi le dernier rempart de notre parlementarisme dépassionné et par cela authentiquement démocratique.
22 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON