Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets
« La question n'est pas un nom. La question, c'est quelle majorité peut se dégager à l'Assemblée pour qu'un gouvernement de la France puisse passer des réformes, passer un budget et faire avancer le pays. » (Emmanuel Macron, le 23 juillet 2024 sur France 2).
Nous avions eu Castex, voici qu'on veut nous imposer Castets. Lucie Castets, plus exactement, obscure ronde-de-cuir, technocrate, énarque (issue du prestigieux Trésor), certainement fort estimable femme de pouvoir de 37 ans mais tellement inconnue du bataillon qu'elle n'avait pas de page Wikipédia jusqu'à maintenant. Certes, cela ne signifie bien sûr rien, mais cela donne une idée sur la manière dont les apparatchiks de la nouvelle farce populaire (NFP) se moquent de la tête de leurs propres électeurs qui, eux non plus, ne savaient pas qu'en votant pour un candidat du NFP, ils allaient voter pour Castets à Matignon.
Il faut dire que les apparatchiks du NFP non plus ne savaient pas qu'ils allaient la choisir, après avoir tenté de proposer deux grand-mères, fort estimables aussi, de plus de 73 ans, qui avaient l'avantage, au moins, d'être des politiques et d'avoir fait leurs preuves en politique, enfin, pour au moins l'une d'elles, Huguette Bello (l'autre Laurence Tubiana avait une petite, très petite expérience avec la Conférence citoyenne pour le climat).
Le choix de Lucie Castets est complètement dément. Pourquoi elle ? J'ai l'impression que ces hiérarques de la gauche ultradicalisée (un nouveau mot venu soudain sur mon clavier) voulaient absolument un nom avant l'intervention télévisée du Président de la République Emmanuel Macron prévue le mardi 23 juillet 2024 à 20 heures. Ainsi, la fumée blanche s'est échappée des cerveaux bouillonnants, endoloris par une sorte d'autisme, du NFP le mardi 23 juillet 2024 à 19 heures 01. L'impression aussi que dans ce vaste jeu de téléréalité, ce nom a été pioché au hasard dans l'annuaire téléphonique... de la Ville de Paris.
Jean-Luc Mélenchon serait-il pour Matignon ce que Clemenceau était pour l'Élysée : celui qui trouve le personnage qui ferait le moins d'ombre possible, avec le moins d'éclat possible, afin de parfaire sa candidature à l'élection présidentielle de 2027 ?
Si on tente de définir politiquement Lucie Castets, on pourrait dire qu'elle serait une sorte (très bizarroïde) de socialiste tendance mélenchoniste, un genre qui s'apparente à une sorte de fanatisme militant sur les services publics qui pourrait inquiéter sur la neutralité de nos hauts fonctionnaires. J'insiste sur ce point qui ne semble jamais être abordé lorsqu'on évoque Lucie Castets et qui me paraît particulièrement choquant. Chacun a le droit d'avoir ses opinions politiques, bien sûr, y compris les policiers, les gendarmes et les autres militaires, mais à mon sens, ce qu'on impose à un "petit" fonctionnaire du fisc quand il présente des éléments de trésorerie à des municipalités pendant la récente campagne électorale, à savoir répondre qu'il n'a pas le droit de répondre aux questions (alors qu'il n'y a rien de politique) parce qu'il a un devoir de réserve. Où est le devoir de réserve pour les hauts fonctionnaires qui s'occupent de gérer (mal) les finances d'une collectivités publiques ?
Car ce qu'on a retenu en premier, et ce n'est pas fait pour la rendre populaire, c'est que Lucie Castets est directrice des finances et des achats de la Ville de Paris. Autant dire qu'elle donne toute confiance dans la capacité à gérer un pays comme la France, déjà surendettée, alors que la Ville de Paris a près de 10 milliards d'euros d'endettement et que les contribuables parisiens ont vu leur note fiscale doubler en quelques années. Les défenseurs de la candidate surréaliste à Matignon précisent alors qu'elle n'est à ce poste que depuis octobre 2023 et n'est pas la responsable de ces finances municipales en faillite, néanmoins, elle était auparavant dans le staff de la maire Anne Hidalgo comme conseillère depuis 2020, en charge du budget et des finances. Je reste quand même dubitatif. David Alphand, membre LR de la commission des finances de la Ville de Paris, peut témoigner : « Lucie Castets à Matignon ? Ce serait une très mauvaise nouvelle pour les Français, synonyme de hausse massive des impôts et de dérive de la dette. En tant que conseillère de la maire de Paris, elle n'a pas été que l'exécutante des décisions politiques prises par les élus. Elle est l'une des architectes de l'effondrement de la ville depuis 2020. » (cité par "L'Express" le 25 juillet 2024). Éloignée des gens parce que technocrate, éloignée des gens parce parisiano-parisienne, éloignée des gens parce que faiseuse de dettes et de hausse d'impôts. Sur le CV d'un futur Premier Ministre, on peut quand même attendre mieux.
Sans vouloir répéter inlassablement que le NFP n'a pas de majorité même relative à l'Assemblée Nationale, sinon son candidat André Chassaigne aurait été élu au perchoir puisque l'élection s'est faite au troisième tour à la majorité relative, revenons aussi sur une affirmation stupide de quelques enragés du NFP qui expliquaient que mettre seize jours à trouver un Premier Ministre, c'était moins que plusieurs mois dans d'autres démocraties.
Décidément, ces excités aiment bien tromper les Français, ou du moins, les maintenir dans une sorte de confusion mentale. Dans des démocraties européennes comme en Allemagne, aux Pays-Bas, en Italie, etc., le temps long vient du temps des négociations pour trouver un compromis entre plusieurs coalitions alors qu'aucune d'entre elle n'a la majorité absolue. En revanche, si chacune de ces coalitions avait la majorité absolue, le nom du chef du gouvernement aurait été connu dès l'issue des élections, c'était le cas justement avec Giorgia Meloni qui, fait rare en Italie, bénéficie d'une majorité absolue.
Ici, ce temps long n'était pas pour chercher un compromis avec d'autres forces politiques, les apparatchiks du NFP crient en permanence l'idée que c'est impossible. Ils ont passé ces seize jours à tenter de ne pas mécontenter Jean-Luc Mélenchon. Pourtant, le temps long normal, celui que demande d'ailleurs Emmanuel Macron, ce sont les négociations pour que des coalitions différentes puissent se mettre un minimum d'accord pour pouvoir gouverner ensemble, puisque aucune d'entre elles n'a la majorité ni absolue ni relative.
Lucie Castets ne serait qu'une fondée de pouvoir de Jean-Luc Mélenchon et répétons-le, pour cette haute énarque supposée compétente en finances publiques (malgré l'état lamentable des finances de la Ville de Paris), 193 ne fera jamais 289. Il manque 100 députés pour pouvoir gouverner. L'arithmétique est simple, basique, claire, là où la politique est confuse, brouillardeuse, trompeuse et hurlante. Ce n'est pas parce qu'il y a un gourou qui a dépassé les strates de la réalité cosmique qui a dit avec vacarme : "nous avons gagné !", en donnant d'ailleurs odieusement un faux espoir à des électeurs qui y croyaient sincèrement qu'ils ont réellement gagné. Rien que les faits !
Candidate aux élections régionales en Normandie en 2015 sur la liste de l'actuel maire PS de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol, rival malheureux de l'actuel premier secrétaire du PS Olivier Faure au dernier congrès cacophonique du PS, membre du bureau de l'Observatoire de l'extrême droite aux côtés de Thomas Portes, député FI connu pour sa grande tolérance des idées des autres (!), Lucie Castets s'est rapprochée d'Anne Hidalgo et de Clémentine Autain. Elle fait partie de ces militantes écorchées, arrogantes, qui pensent qu'elles ont raison contre les faits, contre la logique, contre l'intérêt national.
Incontestablement, Lucie Castets, par son parcours, est une connaisseuse de la chose publique, au contraire d'un Jordan Bardella qui n'a rien fait de sa vie professionnelle sinon faire de la politique politicienne. En revanche, Jordan Bardella aurait dix mille fois plus de légitimité politique que Lucie Castets, malgré son jeune âge, sa vacuité intellectuelle et professionnelle, si le RN avait obtenu ne serait-ce qu'une majorité relative parce que les électeurs du RN étaient respectés ; s'ils votaient pour un candidat RN, ils votaient clairement pour Jordan Bardella à Matignon, que cela plaise ou pas. C'était le cas aussi aux trois dernières cohabitations, le nom du Premier Ministre n'a jamais été secret ni caché aux élections des forces politiques qui ont gagné les élections législatives de 1986 (Jacques Chirac), 1993 (Édouard Balladur) et 1997 (Lionel Jospin).
Les internautes ne s'y sont d'ailleurs pas trompés. Les réactions sur Twitter, déjà proposées ici, sont assez parlantes. Ainsi : « Manu t’a dit non. C’est dommage, parce qu’elle avait l’air d’avoir bien géré le budget à la ville de Paris. ». Un autre, pas plus charitable : « Sur ton CV. Première Ministre : 48 heures ». Un troisième plus réaliste : « Bravo, vous êtes dans le Guinness Book du Record du plus éphémère Premier Ministre de la Ve République avec 1 seconde et 10 centièmes ! ». Un autre dans l'anti-élitisme primaire : « Énarque et incapable de calculer des %. Le mal de notre pays. ». Un cinquième qui a tout compris : « Ce #NouveauFrontPoplulaire est un spectacle trop cher dont le casting ne comporte que des figurants et des seconds rôles. ».
Le verdict des sondages n'est pas plus prometteur pour Lucie Castets. Par exemple, selon un sondage réalisé les 23 et 24 juillet 2024 par Elabe pour BFMTV, 58% des sondés considèrent qu'Emmanuel Macron ne doit pas nommer Lucie Castets à Matignon.
Le NFP vit désormais dans une réalité alternative. C'est dangereux car ses apparatchiks emmènent avec eux une partie de la population, leurs électeurs, qui, peu respectés par eux, vont aussi se placer dans cette réalité alternative. La réalité vraie, si j'ose dire, c'est que 193 n'est pas égal à 289, et aussi que 207 est inférieur à 220, les voix obtenues respectivement par André Chassaigne et Yaël Braun-Pivet le 18 juillet 2024 au perchoir. Tant que les groupes politiques du NFP ne comprennent pas cette petite chose toute simple, aucun gouvernement ne pourra être formé.
Heureusement, les électeurs, plus éclairés que les apparatchiks, ont bien compris ce problème et cet enjeu. Dans les sondages, ils plébiscitent la solution d'une grande coalition allant de la gauche gouvernementale à la droite républicaine. Lorsqu'ils sont un peu plus pressants sur les députés du NFP, ceux-ci vont pouvoir enfin prendre leur responsabilité. L'idée générale est : débrouillez-vous pour vous mettre d'accord, seul, l'intérêt national compte. Visiblement, on en est encore loin.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (25 juillet 2024)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
Appel aux sociaux-démocrates.
Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
Sidération institutionnelle.
Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.
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