Les acteurs de l’université sont-ils des incompétents politiques ?
Des universitaires craignent de perdre « la ressource la plus précieuse de l’universitaire : son temps d’autonomie ».
« La ressource la plus précieuse de l’universitaire »
La fin de l’année 2008 a montré que face au gouvernement, les soupçons des enseignants restent vifs. Ainsi, Le Monde du 6 janvier publie une tribune de plusieurs universitaires qui rejettent la loi LRU (ou loi « Pécresse », qui vient d’entrer en vigueur) avec des arguments violents, à bien des égards corporatistes (« le service public affaibli », « normalisation par le bas », « assimilation de l’universitaire à un employé … » « concentré les pouvoirs » … Ces universitaires contestent le fait que l’on puisse demander à ceux qui feraient moins de recherche d’enseigner plus, et à ceux qui ont une activité de recherche plus important d’enseigner moins !
L’application de la nouvelle loi porterait atteinte aux « libertés académiques », mettant en cause « la ressource la plus précieuse de l’universitaire : son temps d’autonomie ».
Il n’y aurait ainsi pas d’alternative à leur faire chaque mois des chèques en blanc, en priant qu’ils utilisent bien leur temps au bénéfice de la nation. Les juristes qui ont signé ce texte auraient-ils oublié que la déclaration des droits de l’homme de 1789 disposait que Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. Demander quelques comptes aux universitaires qui vivent des subsides de l’Etat, et donc de la contribution de leur concitoyens, n’est pas illégitime.
Le fameux classement de Shangai en enfonçant (inexorablement ?) nos universités dans les profondeurs de l’oubli international, avait mis sous les projecteurs la faiblesse de nos universités. Malgré les réactions juridique (loi LRU) et budgétaire, le changement est lent à apparaître. C’est pourquoi il est bon de rappeler les causes de cette situation pour amener les universitaires à faire preuve d’un peu plus d’humilité et à ne pas s’agiter comme le feraient des potaches au fond des amphis.
Pourquoi la situation de l’université reste-t-elle désastreuse ?
Après mai 1968, la loi Edgar Faure a donné aux universités une autonomie pédagogique. En revanche, la gestion des moyens et des personnels qui concourent à leur mission est restée fortement centralisée au niveau du ministère chargé de l’enseignement supérieur.
Cette situation explique en partie la faiblesse de la culture de gestion des universités et l’appel régulier à l’intervention de l’Etat en cas de problème courant.
L’autonomie de l’université est encore à conquérir, et cela devra probablement se faire au détriment de la très large autonomie, bien réelle aujourd’hui, des universitaires.
Consanguinité et corporatisme
Consanguinité ? les enseignants d’une discipline, extérieurs à un établissement ont toujours eu du mal se faire recruter par des comités de sélections qui privilégiaient la cooptation d’un enseignant de l’établissement, poussant le système figé d’enseignement à se reproduire sur des dizaines d’années.
Savons-nous qu’au cours de leur carrière, les enseignants du supérieur ne sont JAMAIS évalué sur leur enseignement (contrairement au primaire et au secondaire) ?
La plupart du temps, les choix pédagogiques dans les UFR ont été dominés par une politique de l’offre : quels sont les enseignements que les professeurs souhaitent poursuivre dans une logique liée à l’activité de recherche ? Savons nous qu’il reste des enseignants disant que leur rôle est de transmettre des savoirs, pas d’apprendre un métier. On voit la réticence d’une partie d’entre eux devant la nouvelle mission de l’Université sur l’orientation et l’insertion professionnelle.
La responsabilité des gouvernements, de gauche et de droite
Les gouvernements de gauche et de droite ont leur part de responsabilité, notamment en ayant laissé aussi longtemps l’enseignement supérieur en déshérence. Il faut dire que la faiblesse de la gouvernance du système et la « démocratie des conseils » instaurée en 1984 par la loi « Savary » leur ont facilité la tâche. Là où tout le monde décide, il est difficile de faire des vrais choix et on en revient le plus souvent à la gestion de petits périmètres « corporatistes » au niveau des UFR : tu me laisses tranquille chez moi et je ferai de même pour toi.
Il y a aussi le clientélisme politique : 87 universités toutes semblables entre elles, au moins en théorie sous l’aile protectrice de l’Etat garant de l’égalité de traitement et de dignité. Il faudrait en réalité 20 grandes universités nationales dans le pays capable de conduire un politique de recherche et de se situer favorablement dans la compétition féroce qui règne au niveau international
Les universités auraient-elles pu éviter cette situation désastreuse ?
Certaines y sont parvenu. Il serait intéressant d’examiner pourquoi et comment. Mais la plupart ont été immobilisées par le système de gouvernance hallucinant auquel la loi LRU a voulu mettre fin : imaginez comment se prennent à la majorité des deux tiers les décisions d’un conseil d’administration de 60 personnes.
La majorité des enseignants n’ont pas le moindre idée de ce qu’est concrètement la gouvernance d’un établissement public. Mesdames et messieurs les enseignants, vous allez être totalement RESPONSABLES de votre université plus que de vous-même comme c’est trop le cas aujourd’hui. Cela ne se fera pas si vous ne désignez pas des représentants auxquels vous ferez confiance pour participer activement à la gouvernance de l’université, c’est-à-dire aux travaux du conseil d’administration, des autres conseils et comités.
Mais alors, pourquoi certains universitaires refusent-ils toute évolution ?
Une cause est véhiculée dans les médias : l’opposition n’a rien à voir avec un texte de loi quel qu’il soit. C’est un sorte de troisième tour de l’élection présidentielle. Mais c’est aux actes en régime démocratique que l’on juge un pouvoir : le délit d’intention relève plutôt du procès du même nom. Il faut prendre ce gouvernement au mot et l’obliger par un accompagnement vigilant et actif à aller jusqu’au bout de ses déclarations. D’autant que l’on sait bien que certaines forces portent, elles, un vrai projet politique de « privatisation » de l’université.
Un espace démocratique pour agir.
La loi LRU offre un espace démocratique, mais un paradoxe est que les étudiants qui se plaignent de n’être pas écoutés se désintéressent des élections de leurs représentants : le taux d’abstention aux élections universitaires atteint 95 à 97 % selon les universités !
Est-ce parce que, comme l’aurait dit Bourdieu, les étudiants et les enseignants ne se reconnaissent pas comme compétents en matière de politique des universités ?
Pour Bourdieu, la compétence politique associe un ensemble de connaissances permettant de prendre des décisions et la maîtrise du langage.
Si l’espace démocratique offert par la loi LRU reste inoccupé, conduisant à un nouveau dysfonctionnement de la gouvernance de l’université, il faudra se résoudre à reconnaître que les acteurs de l’université, enseignants et étudiants, sont des incompétents politiques.
Il faudrait alors craindre que des systèmes de direction plus autoritaires, pour le coup à l’image que ceux que l’on rencontre dans les entreprises où la notion de démocratie est très relative, viendraient se substituer au dispositif de gouvernance qu’installe la loi LRU.
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