Les élections législatives grecques du 17 juin 2012 ont eu lieu !
Le même jour où le second tour des élections législatives avait lieu en France, la Grèce votait à nouveau un mois et une semaine après le précédent scrutin, qui n'avait pas permit de dégager de majorité. L'enjeu était très important, visant à trancher clairement entre pro et anti mémorandum.
Depuis le dernier scrutin que j'avais analysé en détail, pas mal de choses avaient changé. D'abord, la DISY, scission libérale centriste de la ND, est retournée dans le giron de cette dernière en s'alliant avec elle. Ensuite, le KOISY, scission anti-austérité du PASOK, s'est allié à SYRIZA, cependant que la DIMAR, scission de SYRIZA, maintenait sa liste autonome en alliance avec l'ELP, une scission du PARMAP (lui-même scission anti-austérité du PASOK allié à l'ANEL, scission anti-austérité de la ND).
Dans le même temps, deux des partis nés de la crise qui avaient rencontré le plus de succès, DX et l'alliance libérale DRASI-FS décidaient de faire liste commune après que la DISY ai préféré la ND. A l'extrême-gauche, l'EEK, l'OKDE et l'OAKKE renonçaient à présenter des listes, réduisant le nombre de listes d'extrême-gauche à 2 (chiffre exceptionnellement bas) : la coalition ANTARSYA d'une part, et l'alliance entre le KKE (m-l) et le M-L KKE d'autre part.
Finalement, ce sont seulement 22 listes (contre 31 le 6 mai dernier) qui se sont présentées, dont trois seulement purement farfelues.
L'abstention a atteint le niveau record de 37,53% des inscrits (34,90% le 6 mai 2012, précédent record). Aucun nouveau parti n'est entré dans le parlement (à l'exception de la DISY et du KOISY, alliés à des partis représentés dans le parlement sortant).
Forces en présence :
Résultats :
Logos |
Partis |
Orientation |
Résultat 06/05/2012 |
Résultat 17/06/2012 |
Évolution |
|
ND |
Droite |
21,40% (18,85%+2,55%) |
29,66% |
+8,26 |
|
SYRIZA |
Gauche radicale |
17,74% (16,78%+0,96%) |
26,89% |
+9,15 |
|
PASOK |
Gauche |
13,18% |
12,28% |
-0,90 |
|
ANEL |
Droite radicale |
10,60% |
7,51% |
-3,09 |
|
XA |
Extrême-droite |
6,97% |
6,92% |
-0,05 |
|
DIMAR |
Gauche radicale |
6,11% |
6,25% |
+0,14 |
|
KKE |
Gauche radicale |
8,48% |
4,49% |
-3,97 |
|
DX |
Centre |
3,95% (2,15%+1,80%) |
1,59% |
-2,36 |
|
LAOS |
Extrême-droite |
2,90% |
1,58% |
-1,32 |
|
OP |
Centre |
2,93% |
0,88% |
-2,05 |
|
DEN |
Autre Inclassable |
0,88% |
0,39% |
-0,49 |
|
ANTARSYA |
Extrême-gauche |
1,19% |
0,33% |
-0,86 |
|
KOINONIA |
Droite radicale |
0,45% |
0,29% |
-0,16 |
|
ENKE |
Centre |
0,61% |
0,28% |
-0,33 |
|
KPE |
Autre Inclassable |
0,51% |
0,23% |
-0,28 |
|
PANKI |
Autre Inclassable |
|
0,20% |
|
|
KKE (m-l) |
Extrême-gauche |
0,25% |
0,12% |
-0,13 |
|
ETEL |
Extrême-droite |
|
0,07% |
|
|
KP |
Centre |
0,06% |
0,01% |
- 0,04 |
Composition du nouveau Parlement :
KKE : 12
SYRIZA : 71
DIMAR : 17
PASOK : 33
ND : 79 + 50
ANEL : 20
XA : 18
Analyse des résultats :
Le premier enseignement du scrutin, évidemment, c'est le résultat exceptionnel enregistré par la gauche radicale, qui augmente son résultat précédent et déjà record absolu de 5,30 points, soit une hausse totale de 25,49 points par rapport aux élections de 2009.
Mais cette hausse considérable de la gauche radicale prise dans son ensemble dissimule d'importantes disparités. En effet, le nouveau rapport de force au sein de la gauche radicale qui s'est fait jour le 6 mai dernier s'est confirmé et largement amplifié hier. Le KKE, qui avait été jusqu'en 2009 largement en tête d'une gauche radicale confinée sous la barre des 15% des suffrages et qui récupérait petit à petit le niveau électoral des années 1980 au point de flirter avec les 10% n'avait que fort peu progressé le mois dernier, passant de 7,54% à 8,48% seulement quand SYRIZA quadruplait son résultat de 4,60% à 16,78% et qu'une scission de SYRIZA, la DIMAR, concurrençait le score du KKE en atteignant 6,11%. Au sein de la gauche radicale, la tendance contestataire pure et dure se maintenait donc mais n'enregistrait quasi aucune progression malgré le contexte. Le résultat du 17 juin a été sans appel : alors que la gauche radicale réalisait une performance historique, alors que SYRIZA concurrençait directement la ND en dépassant les 25% de suffrages, alors que la DIMAR se maintenait et même progréssait très modestement, le KKE s'est effondré en obtenant le plus mauvais résultat de son histoire.
Cependant, malgré cette contre-performance historique de ce qui a été pendant presque 38 ans le troisième parti du pays, dirigeant jusqu'au début des années 2000 la plupart des syndicats avant d'en perdre brutalement toutes les directions en 2006-2007, la secrétaire générale du KKE Aleka Papariga a déclaré que ce résultat sanctionnant durement sa stratégie et son orientation ne lui faisait "ni chaud ni froid" et a estimé avoir eu "la meilleure stratégie possible".
Pour ce qui est de la droite radicale, l'ANEL, qui avait réussi une belle percée au-dessus des 10% il y a un mois et dont l'ambition affichée était de dépasser le PASOK pour devenir la troisième force du pays et une alternative à la ND marque sérieusement le pas, manquant de se faire rattraper par la XA.
De son côté, l'extrême-gauche, après une petite performance en demi-teinte le mois dernier, obtenant 1,61% sur 6 listes dont 1,19% pour la seule ANTARSYA, la toute neuve fédération de l'extrême-gauche, retourne à ses résultats marginaux (0,51%) alors même qu'elle n'était, fait inédit, divisée qu'en deux listes. Manifestement, la perspective d'une victoire de SYRIZA a littéralement essoré son électorat potentiel. Cependant, la domination d'ANTARSYA (0,33%) demeure.
Si les deux partis marxistes-léninistes ainsi que les différents partis d'extrême-gauche qui n'ont pas pu prendre part au scrutin faute de disposer de suffisament de fonds ont comme d'habitude dénoncé "la domination de la bourgeoisie", "l'asservissement à Poutine et Merkel" et "l'état fasciste grec", l'ANTARSYA a fait une déclaration commune avec SYRIZA dans la perspective des prochaines mobilisations sociales de l'opposition au mémorendum. L'ANTARSYA comprenant certains (micro)partis ayant été membres de SYRIZA jusqu'au début des années 2000, un rapprochement plus étroit n'est pas à exclure.
Pour ce qui est de l'extrême-droite, malgré un léger recul à 8,57% des suffrages sur trois listes (dont une monarchiste orthodoxe, l'ETEL) contre 9,87% sur deux listes en mai dernier, elle reste dans son étiage depuis les années 1980, la XA prenant la place de fédérateur de l'extrême-droite du LAOS qui, après avoir été de très peu sorti du parlement lors du dernier scrutin, s'effondre avec 1,58% des voix seulement.
A l'inverse, le maintien électoral de la XA, que des enquêtes d'opinion donnaient également en net recul au point d'annoncer un minimum historique de l'extrême-droite, confirme l'entreprise de recomposition de l'extrême-droite autour de ce groupe violent, longtemps marginal, extraparlementaire et insurectionnel, en même temps qu'il maintient dans l'isolement l'extrême-droite après la "main tendue" qu'a été la participation du LAOS au gouvernement en 2011.
Au centre, les écologistes de l'OP, après deux performances historiques successives en 2009 (2,53%) et mai 2012 (2,93%), frôlant le seuil d'entrée au parlement, ont connu un brutal reflux à leurs résultats du milieu des années 2000, à moins de 1% des suffrages exprimés (0,88%).
De son côté, l'alliance entre le parti anti-crise DX et l'alliance libérale DRASI-FS échoue dans son pari d'intégrer le parlement et reflue fortement, devançant à peine le LAOS et obtenant un résultat moindre que chacune de ses deux composantes le 6 mai dernier. Manifestement, le ralliement de la DISY - un moment tentée par une alliance avec DRASI - à la ND a essoré l'électorat potentiel de cette coalition.
Les deux partis "historiques" du centre grec, longtemps dominants dans la période de monarchie parlementaire et dans les années qui ont immédiatement suivi la fin de la dictature des colonels en 1974, l'ENKE et le KP, marginalisés depuis les années 1980, confirment leur statut purement patrimonial voire muséographique.
Quant aux partis nés de la crise, qui avaient enregistré des résultats plus qu'honorables le 6 mai en réunissant 4,46% des suffrages (2,31% si on retire DX, allié à DRASI), ils s'effondrent littéralement à moins de 1% des suffrages (0,82%) malgré l'arrivée du nouveau PANKI ("Mouvement Trèfle") dans la bataille électorale.
D'une manière générale, alors même que les partis représentés au parlement sont les mêmes qu'après le 6 mai, les partis non représentés au parlement ne représentent plus que 6% des suffrages exprimés contre 19,03% il y a un mois. L'abstention ainsi que SYRIZA et la ND ont semble-t-il largement essoré cette portion de l'électorat.
Confirmant et accroissant la tendance observée lors du scrutin du 6 mai dernier, la ND (alliée à la DISY) d'une part et SYRIZA (alliée au KOISY) d'autre part confirment leur statut de premières forces politiques grecques, totalisant 56,55% des suffrages à eux deux (contre 35,63% lors de l'élection précédente). Arrivée en tête, la ND devrait grâce à ses gains électoraux importants et au maintien électoral du PASOK parvenir à former un gouvernement pro-austérité. SYRIZA, quant à elle, sera probablement la principale force d'opposition, tant la perspective d'un "gouvernement d'union nationale" (appelée de ses voeux par Antonis Samaras, le président de la ND) paraît peu probable.
La DIMAR (la troisième force politique enregistrant une hausse de son résultat par rapport au scrutin précédent, quoique fort modeste) n'aura pas à servir de force d'appoint pour la constitution d'une majorité et donc ne pourra pas faire pression pour refuser une majorité excluant SYRIZA comme ça avait été le cas dans l'assemblée du 6 mai dernier. Cependant, le PASOK, qui s'est maintenu contre toute attente, a fait savoir dès l'annonce des résultats qu'il refuserait d'intégrer une majorité qui exclurait SYRIZA. Reste à savoir s'il se tiendra ou non à cette attitude qui, si elle est maintenue, place le parlement grec dans la même situation qu'au moment du scrutin précédent, sans majorité possible.
En tous cas, l'hypothèse d'une majorité sans le parti arrivé en tête est à exclure. En effet, en admettant que SYRIZA obtienne dans cette perspective le soutien du KKE - lequel a immédiatement fait savoir qu'il refuserait d'intégrer quelque majorité gouvernementale que ce soit -, de la DIMAR et du PASOK, cela ne pourrait pas faire une majorité, et il faudrait encore y intégrer l'ANEL... et la XA !
Nous nous acheminons semble-t-il vers la solution d'un gouvernement majoritaire de coalition entre la ND et le PASOK, SYRIZA devenant force d'opposition.
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