Les faiseurs ou le rôle de la communication politique
En 1977, Roger-Gérard Schartzenberg écrivait un essai sur l’Etat spectacle. Il regrettait que la politique, autrefois basée sur des idées, ne repose plus que sur des personnages. Il déplorait que la production de symboles prime sur la réalité. Que la politique soit devenue un théâtre d’illusions qui dupe le spectateur en l’aliénant à une idole.
Dix ans plus tard, Jean-Michel Goudard (le G de la célèbre agence de publicité Euro RSCG), écrivait qu’un publicitaire ne change jamais un homme ou une femme politique. Au mieux il réussit à mettre en exergue ce qu’il est intrinsèquement. Le constat étant que plus un homme politique communique et plus sa vérité transparaît.
Au bémol près que l’intervention des conseillers en communication a aussi contribué à gommer les aspérités des personnalités en standardisant la prise de parole, la gestuelle et les formules.
Peut-être se rejoignent-ils sur l’idée q’une élection se gagne rarement sur un programme mais sur la capacité qu’ont certains Hommes de l’incarner. Les électeurs cherchant celui qui pourra porter, à un moment donné, des aspirations inassouvies : le rusé Nixon pour sortir les Etats-Unis du guêpier vietnamien, puis le prêcheur Carter pour absoudre les fautes de son prédécesseurs, suivi du cowboy coriace et optimiste Reagan pour leur redonner le goût de la bagarre.
On peut déplorer cet effet loupe des média. Il oblige les politiques à user de phrases chocs comme, par exemple, la fameuse : « Vous n’avez pas le monopole du cœur. » C’est l’attitude et l’émotion qui joue un plus grand rôle que le contenu. Mais j’en entend déjà dire que de toute façon les promesses ne sont jamais tenues.
Les média sont bien sûr utilisés pour construire des images. Mais gare aux retours de bâton. Nicolas Sarkozy (on pourrait en citer beaucoup d’autres !) en a fait récemment les frais en flirtant avec les magazines people. Il avait d’ailleurs déclaré qu’on ne l’y reprendrait plus ; avant de reparaître récemment sur une couverture, à bicyclette en compagnie de Cécilia.
Occuper l’espace médiatique peut conduire à l’indigestion ou au pinacle. Il est impossible de ne pas parler des blogs, le dernier outil de communication à la mode. De mon point de vue, les blogs ont la vertu de créer une proximité, une connivence sans faux-semblants avec leurs lecteurs. Cependant, beaucoup des blogs politiques passent à côté de l’enjeu. Plutôt que d’engager un dialogue, une réflexion collective, ils se contentent d’être des « Moi je. » Jack, Dominique, Alain, Marie-George, Jean-Pierre ou Jean-Marie n’y coupent pas. De tous ceux que j’ai visité, seuls Ségolène et Nicolas engagent vraiment un échange. L’une utilise l’interactivité de son blog pour construire son programme, en espérant qu’il ne s’agisse pas de démagogie. Mais faut-il douter de tout ? Et l’autre dans un mouvement inverse pour engager un débat sur la base de son livre Témoignage.
Pas simple donc de donner confiance, de bâtir une image et de promouvoir ses idées, quand on en a.
Surtout qu’il suffit parfois de pas grand chose pour qu’une image ne s’effrite un peu plus ou vole en éclat. La lecture de la Tragédie du Président de Franz-Olivier Gisbert y a largement contribué pour certains de nos édiles.
Cet été, on aura appris que ni les joueurs de foot ni les politiques n’étaient des demi-dieux providentiels. Juste des Hommes imparfaits qui ont besoin de communiquer vrai.
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