Les « gens » : spin doctors à la française ? Ségolène Royal et le procès en populisme.
Le récent triomphe de Ségolène Royal, lors de la primaire socialiste, mériterait bien la finesse d’analyse de ceux qui, il n’y a pas très longtemps encore, se définissaient par ce terme barbare : les sémioticiens. Au-delà des éditos pertinents ou flagorneurs des commentateurs professionnels de la vie politique, il nous manque une « critique » professionnelle des « signes » envoyés par la nouvelle candidate, cette analyse des signes relevant du travail même des sémioticiens.
Une candidate qui, lors des trois oraux, n’hésite pas à faire de son corps le signe même de sa différence, et par là justifie et flatte l’opposition (ou la complémentarité) des sexes, offre aux déchiffreurs d’image un terrain d’étude et d’analyse sans fin. Les « spin doctors » ont envahi, nous dit-on, la sphère du politique. Rappelons qu’il s’agit de ces personnes qui, dans l’ombre d’un homme politique, analysent, commentent et parfois construisent un réseau « signifiant » pour modeler son image. Et Ségolène Royal ne cesse de le dire sous toutes les formes possibles « Je ne me reconnais qu’un seul spin doctor légitime : les gens ! » La formulation n’est pas d’elle, mais le sens y est.
En se proclamant la candidate des « gens », elle envoie au pays un signe clair, même s’il ne s’inscrit que lointainement dans le vocabulaire politique. Les « gens », c’est quelque part entre le peuple et les citoyens, entre les riches et les pauvres, entre les Français et les autres. Si le terme est vague, l’efficacité politique qu’il porte avec lui ne va pas manquer de bouleverser la dialectique politique traditionnelle. A quoi bon la taxer de « populiste », puisque Ségolène ne parle qu’aux « gens » ! Le désir refoulé est simple : ramener dans une sphère fréquentable les « égarés » du 21 avril et, pourquoi pas, offrir à la France traumatisée une inversion positive de son vote par un ralliement massif et cette fois-ci librement assumé.
Mais à trop écouter les gens, on risque tout de même par ne plus entendre le peuple et ce qui le fédère. Réinventer les codes et le langage de cette fédération n’est pas le moindre des défis de notre démocratie. La modernité nous dit qu’il faut le faire sur le Net, dans un souci d’efficacité et peut-être dans un désir d’avenir, mais la visite du site qui porte ce même nom ressemble plus à la visite guidée de la nouvelle tour de Babel politique qu’à la nécessaire structuration d’apports critiques essentiels. Passé l’intronisation, il va falloir maintenant conceptualiser l’ossature d’une campagne et nous montrer que ce ne sont pas les « spin doctors », même issus des « gens », qui provoquent salutairement le débat, mais bien la confrontation des différences. En ne se laissant pas enfermer dans le grotesque du combat qu’on nous annonce, cette lutte de série B entre Jeanne d’Arc et Napoléon, Ségolène Royal justifiera la confiance que l’on peut placer en elle. Dans le cas contraire, un pan entier de notre exception culturelle risque de s’effondrer. Si la France a changé, nulle doute qu’elle mérite mieux que ce débat trop prévisible
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