Les Gilets Jaunes ont perdu la guerre des cagnottes grâce à BFM
Le mouvement des Gilets Jaunes a mis en évidence une coupure sociale importante en France, plus que jamais le pays vit au rythme de ses clivages. Aujourd'hui l'initiative d'un politicien de droite montre comment l'élite politico-bourgeoise entretient ces clivages et cette fracture en s'appuyant sur le bras armé de ce que certains sociologue montraient comme la propriété de la violence légitime détenue par le Pouvoir. Rarement la France n'a connu un tel déferlement de violences, physiques et verbales, de la part de ses dirigeants et des classes "bourgeoises" qui sous le règne de Macron 1er se sentent confortées dans leurs privilèges. Fallait-il qu'un politicien viennent ajouter du mépris envers les classes populaires ?
Dès qu’elle a été connue la cagnotte en faveur du « boxeur de gendarmes » a vu converger vers elles toutes les critiques des milieux les plus conservateurs : les politiciens et les ministres soutiens de la « bourgeoisie » et du monde de la finance, médias idéologisés en faveur du « monde d’en haut », intellectuels bourgeois…
Ne nous étonnons pas de la réaction d’hostilité de Marlène Schiappa qui n’a aucune empathie avec les « Français d’en bas » et peu capacité à réfléchir la société. Ne nous étonnons pas non plus de la réaction de Renaud Muselier qui montre le vrai visage de la « droite républicaine » : le parti Les Républicains, soutien inconditionnel des plus riches et du monde de la finance. L’une et l’autre confondent allègrement la République avec « leur république », une république construite pour leur offrir le pouvoir en excluant le peuple. Par contre étonnons-nous de la réaction de Mounir Mahjoubi qui avait entrepris une démarche intéressante en allant à la rencontre des Français, aurait-il perdu son sens de l’analyse des situations ?
Car c’est bien de cela dont il faut s’étonner : l’absence de capacité à analyser les situations sociales et, du coup, à avoir un peu d’empathie. On attend d’un gouvernant, plus généralement d’un dirigeant, qu’il soit capable d’écouter, d’analyser pour proposer un cap en cohérence avec les besoins de bien-être exprimés par les personnes, faute de cela le climat social dans l’organisation offre une remarquable ouverture aux troubles psychosociaux ; c’est bien ce qui se passe en France : un véritable burn-out ! Dans le gouvernement Macron et dans sa majorité parlementaire on constate que la société civile a perdu l’essentiel des principes de gouvernance de toute organisation, mais peut-être que ceux‑là n’avaient pas ces qualités dans leur entreprise et qu’il valait mieux pour eux devenir ministres ou députés plutôt que de risquer la faillite entrepreneuriale.
Bref les forces conservatrices se sont réveillées autour de la cagnotte pour le boxeur et ont allumé des contre-feux : la cagnotte pour les policiers qui a généré les discours laudateurs de l’audiovisuel en boucle. Il ne fallait pas s’attendre à ce que la presse ne plébiscite pas la cagnotte pour les policiers, les journalistes surtout les chroniqueurs appartiennent à la même « élite » que les politiciens comme le confirment les propos de Eli Cohen (économiste) et de Gérard Grunberg (politologue) sur Télos le 7 décembre 2018 : « Les journalistes doivent se rappeler qu’ils ne sont pas de simples observateurs mais qu’ils font partie des élites dont le rôle est aussi de préserver le pays du chaos. » Parmi ces médias nous devons réserver une médaille pour BFM TV qui présente les mêmes caractéristiques conservatrices voire réactionnaires que Fox News Channel : un soutien inconditionnel au monde de la finance. BFM TV est devenu la chaîne du bullshit qui est cette pratique d’arrangement avec la vérité, on ne ment pas mais on affirme des choses prétextant qu’elles sont vraies sans ternir compte de la réalité. Laurent Neuman en a encore fait la démonstration ce matin (jeudi 10 janvier) en affirmant que les Français sont favorables à la tenue du Grand Débat National, appuyant ses propos sur une lecture très superficielle d’un sondage fait par l’officine ELABE qui indique que 41 % des sondés déclarent « avoir l’intention de participer au débat », dont seulement 12 % disent qu’ils sont sûrs d’y participer. Avoir l’intention de participer à un débat ce n’est pas forcément y être favorable, ce peut être simplement ne pas vouloir rester en marge d’un évènement dont on se sent peut-être à l’origine ; à cette question j’aurais répondu favorablement au sondeur car j’irai mais pour autant je ne suis pas particulièrement « favorable » à un débat qui n’est pas la bonne réponse au mouvement des Gilets Jaunes, qui ne débouchera sur rien comme tous ses prédécesseurs ou au mieux accouchera d’une souris d’autant qu’il semble que son contenu soit amplement orienté par l’Élysée qui d’emblée a déclaré qu’il ne changerait rien de ses orientations « réformatrices ». Première erreur donc de Laurent Neuman qui n’hésite pas à aller plus loin dans la désinformation partisane. Comment dire que les Français sont favorables à ce débat alors que la marge d’erreur est annoncée par le sondeur à plus ou moins 3 ? L’intervalle de confiance à 95 % permet de dire que la population qui déclare qu’elle participera au débat se situe entre 38 % et 44 % des sondés, même à 44 % ça ne représente pas « les Français », ça ne représente même pas la majorité.
On voit comment les journalistes peuvent modifier la réalité sociale dans un vaste mouvement de mystification dont le seul but est de manipuler l’opinion publique pour protéger les élites. Cette pratique du bullshit tellement fréquente chez les politiciens devient la pratique majoritaire des chaînes d’information en boucle empêchant ainsi toute réflexion, toute analyse, toute avancée donc tout progrès comme l’écrit dans « Psychologie de la connerie » le neuropsychologue Sébastian Dieguez : « Le bullshit est donc une forme de camouflage épistémique : il se fait passer pour une contribution à la discussion, tout en faisant obstruction à son avancée. C’est le contraire du progrès discursif, en somme. »
Une analyse « intelligente », pourquoi la qualifier ? Il n’y a pas eu d’analyse, alors écrivons : une analyse ! Une analyse aurait permis de mettre les choses à leur place dans la réalité sociale qui est la leur : la cagnotte pour le boxeur n’est qu’un acte de solidarité pour une population qui se reconnaît dans cette personne et dans son acte de rébellion, une population aux ressources financières modestes qui comprend que le boxeur ne pourra pas s’offrir un ténor du barreau pour le défendre (ils sont d’ailleurs remarquablement muets en ce moment, mais ils appartiennent à « l’élite »), la cagnotte pour les policiers est un acte profondément politique fomenté par un politicien qui n’est pas connu pour son ouverture sociale et n’apparaît pas vraiment favorable au Gilets Jaunes : n’a-t-il pas lancé le vendredi 8 décembre 2018 « Une “déclaration de Marseille” pour sauver “la République en danger” face à “l’insurrection”, disant craindre “des violences partout en France”. » Dans le contexte social actuel cette réaction politique marque, renforce, le sentiment de mépris de la part des « élites » que les gilets jaunes ressentent. Certes, on peut lire dans la cagnotte pour le boxeur une forme de soutien à un acte délictueux mais face aux affaires Benalla et à toutes les autres dont les auteurs sont protégés par le Pouvoir qu’est-ce que ça représente et quel risque fait-elle courir au pays ? Et, Marlène Schiappa qui souvent devrait se taire, renforce cette impression de mépris lorsqu’elle pose la question de savoir si le mouvement des Gilets Jaunes n’est pas soutenu par des financeurs étrangers, « en même temps » elle oublie d’évoquer les zones d’ombre sur le financement de la campagne électorale d’Emmanuel Macron. Comment les gilets jaunes peuvent-ils ressentir la cagnotte pour les policiers qui déborde désormais du fric des bourgeois apeurés qui se sont gardés de donner au Téléthon, et dont l’argent récolté viendra aider des personnes dont l’État prend en charge les frais médicaux et les frais d’avocat ? Une fois encore l’élite protège l’élite et méprise ceux « d’en bas » alors que Macron parle de justice sociale. Bref, les bourgeois pourront afficher leur bon de versement à la cagnotte des policiers lorsqu’ils seront arrêtés au volant de leur voiture en état d’ivresse ou en excès de vitesse.
Aujourd’hui, la cagnotte pour le boxeur a été fermée rapidement sous l’effet des « menaces » à peine masquées des politiciens et de certains ministres. Celle des policiers n’a finalement été fermée que tardivement alors qu’elle avait atteint plus d’un million d’euros, mais contre elle point de menaces, bien au contraire une promotion savamment organisée par BFM TV. Le message est clair, notamment celui envoyé par Renaud Muselier : Peuple tais-toi et rentre chez toi ! Le gouvernement irait-il, jusqu’à interdire la création d’une association de soutien au boxeur ?
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