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Accueil du site > Actualités > Politique > Les meurtres et manipulations d’Action Directe

Les meurtres et manipulations d’Action Directe

Action Directe reste dans les mémoires pour l’assassinat de Georges Besse, PDG de la régie RENAULT, son fait d’arme le plus sensationnel. C’est en fait au bas mot une dizaine de personnes qui ont péri sous les balles des militants. C’était des policiers, gardiens de la paix, gendarmes..qui étaient au mauvais endroit au mauvais moment, comme des dizaines d’autres blessés par ce groupe bien plus motivé par les armes et l’argent que par la lutte des classes. Action Directe meurtriers, avides d’argent...c’est sûr. Action Directe manipulé... c’est également probable.

ACTION DIRECTE regroupe les militants les plus intransigeants de la mouvance dite "autonome". Les "autonomes" sont des anarchistes en rupture avec les organisations historiques de leur tendance. Refusant l’organisation politique de type "parti", ils sont connus, encore aujourd’hui, pour leur volonté de confrontation avec les forces de l’ordre.

ACTION DIRECTE a défendu l’idée que les actions violentes étaient un moyen légitime de renverser un régime considéré comme oppressif. Durant ce qu’on a appelé les « années de plomb », de nombreux groupuscules ont repris l’idéologie de la « propagande par le fait » prônée par certains militants anarchistes pendant les années 1970 et 1980 : la Fraction armée rouge (ou « Bande à Baader ») en Allemagne, les Brigades rouges en Italie, Armée rouge japonaise au Japon, 17-Novembre en Grèce, IRA en Irlande, Cellules communistes combattantes en Belgique, ETA au Pays basque, Weathermen aux États-Unis, MLSBP et Devrimci Sol en Turquie….

Dans l’atmosphère de l’après-68, ACTION DIRECTE va fédérer des militants chevronnés et déçus des occasions manquées de la décennie 70, sur laquelle semblait souffler le vent de la révolte. Les quatre membres jugés et incarcérés pour l’assassinat de Besse sont les suivants :
  • Jean-Marc Rouillan, qui s’engage très tôt et prend part aux activité des Comité d’action lycéen (CAL) puis des Groupes autonomes libertaires sur Toulouse dans l’après-68. Dans la première partie des années 1970, il participe à la création d’organisations de lutte armée anti-franquiste (Mouvement ibérique de libération, Groupes d’action révolutionnaire internationalistes). Il est arrêté en 1974 à Barcelone puis relâché en 1977. En 1979, il s’organise au sein de la « coordination politico-militaire interne au mouvement autonome » qui deviendra ACTION DIRECTE. Il est avec sa compagne Nathalie Ménigon, l’un des leaders du mouvement.
  • Issue d’une famille bourgeoise, Joëlle Aubron passe une enfance sans histoire jusqu’au baccalauréat où elle échoue deux fois. Elle commence à alterner travail temporaire et participation à des squatts à Paris où elle rencontre des militants d’extrême gauche. Sa participation à ACTION DIRECTE s’affirme en 1980 où elle est déjà familière des membres du futur noyau dur de l’organisation.
  • A la fin des années 60, Georges Cipriani travaille comme fraiseur dans un atelier de machines-outils de Renault-Billancourt. Il est membre du comité de base de l’usine lors de l’assassinat du militant de la GP, Pierre Overney, le 25 février 1972. Il vit les dix années suivantes en Allemagne. Il retourne en France au début des années 80 et devient membre D’ACTION DIRECTE.

De 1977 à 1979, le groupe passe à la " guérilla urbaine ". Les premières actions violentes sont dirigées contre les symboles du pouvoir politique ou économique. Le 1er mai 1979, ACTION DIRECTE mitraille le siège du Conseil national du patronat français. En septembre 1979, le groupe commet des attentats au ministère du Travail et à celui de la Santé ainsi qu’au siège de la Sonacotra . Le groupe commet deux attentats contre l’Inspection du travail en février 1980. En avril 1980, ils exécutent un holdup place des Ternes à Paris au cours duquel, le gardien de la paix Jean-Pierre Olive est tué. Le 29 octobre 1980, ils récidivent dans le holdup et tue un convoyeur de fonds, Henri Delrieux,.

La police est sur les dents et les RG sont évidemment en première ligne. Comme à leur habitude, ils recrutent des taupes. Ainsi, fait étonnant, dès 1978, Jean-Marc Rouillan avait été recruté par les RG comme indic, et était connu du service sous le surnom de " Coca ". Chaque fois que Rouillan préparait un hold-up pour financer son mouvement, Coca envoyait quelques jours avant, s’il le pouvait, une carte postale représentant la ville où l’action aurait lieu. Une seconde taupe, Gabriel Chahine va permettre l’arrestation de Rouillan et Ménigon.

Chahine monte sur ordre des RG un rendez-vous bidon pour Ménigon et Rouillan avec le terroriste Carlos. En parallèle, les RG laissent croire à deux ou trois journalistes que le gouvernement a été informé d’un éventuel passage à Paris de Carlos. les journalistes publient l’info. Rouillan et Ménigon pensent préparer un attentat contre le barrage d’Assouan en Égypte. Mégalos et égocentriques au dernier degré, ils mordent à l’hameçon facilement

Sofiane, commissaire de police d’origine algérienne arabophone et travaillant aux écoutes, sera « émissaire diplomatique » de Carlos en charge de mener les négociations préparatoires à l’attentat bidon. Pour rendre l’histoire crédible, les techniciens de la Brigade opérationnelle maquillent une Mercedes de vraies fausses plaques diplomatiques. Soucieux de compléter la panoplie terroriste, ils s’équipent d’une grosse caisse en bois, munie d’anses en corde, remplie d’armes de poing et de pistolets mitrailleurs.

Rendez-vous est pris dans une villa reculée de Villerville, dans la région d’Honfleur, louée pour l’occasion sous un prête-nom. Le 6 septembre 1980, les faux terroristes de Carlos et leurs gardes du corps attendent l’envoyé D’ACTION DIRECTE pour le premier contact. À 10 h 30, Joëlle Aubron se présente.. Elle repart en acceptant le principe de l’attentat.

Jean-Marc Rouillan et Nathalie Ménigon demandent à rencontrer Carlos en personne. Le rendez-vous est fixé le 13 septembre 1980, place des Fêtes à Paris. Rouillan, descendu le premier de la voiture, est interpellé en douceur, tandis que Ménigon vide un chargeur de 11.43 sur la police avant d’être maîtrisée sous les yeux d’un paparazzi.

Le coup de filet est alors salué au plus haut sommet de l’État, jusqu’au 10 mai 1981 et l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand. À la stupeur des services les plus informés, la plupart des militants D’ACTION DIRECTE sont amnistiés et remis en liberté dès le mois d’août. Pire encore : Jean-Marc Rouillan obtient de savoir le nom de la taupe qui l’a piégé, et un Inspecteur de la section Recherches lâche le nom de Chahine ! L’arrêt de mort de Gabriel Chahine reçoit le seing de l’état français.

Pendant l’hiver 81-82, après de nombreux débats internes, l’organisation se scinde en quatre groupes : deux décident d’arrêter la lutte armée, autour d’André Olivier se forme l’Affiche rouge (surnommée par la police et les médias Action directe-branche lyonnaise ou encore Action directe-branche nationale) qui commettra plusieurs attentats antisémites tout en continuant une lutte anti-impérialiste, et enfin ACTION DIRECTE avec Jean-Marc Rouillan et Nathalie Menigon qui s’allie à la Fraction armée rouge dans le cadre de la stratégie d’« unité des révolutionnaires en Europe de l’Ouest » à partir de 1985. Le groupe ne tarde pas à reprendre les actions violentes, attentats ou holdup dont la liste ci-dessus n’est guère exhaustive. La litanie des morts reprend :
  • 3 novembre 1981 : hold-up de Lyon 6e de la société lyonnaise de banque. Le brigadier Guy Hubert est tué lors de l’intervention de la police
  • 31 mars 1982 : mitraillage de la mission commerciale de l’ambassade d’Israël, attaque à la bombe contre le Citrus Marketing Board of Israel, le 11 août de la même année
  • 31 mai 1983 : fusillade avenue Trudaine à Paris au cours de laquelle deux policiers, Emile Gondry et Claude Catola sont tués et un troisième blessé grièvement
  • 14 octobre 1983 : hold-up de l’avenue de Villiers à Paris au cours duquel un des participants, Ciro Rizzato, est tué ;
  • 27 mars 1984 : hold-up à la BNP de la rue Victor-Hugo à Lyon où le général de gendarmerie Guy Delfosse est tué en tentant de s’interposer ;
  • 12 juillet 1984 : attentat contre l’Institut des Affaires Atlantiques revendique par le commando Ciro Rizzato ;
  • 8 aout 1985 : attaque de la base américaine à Francfort menant à la mort de trois soldats américains. L’action est revendiquée par un commando commun RAF/AD du nom du militant Black Panther George Jackson.
  • 21 juillet 1986 : attentat contre les locaux de l’OCDE revendiqué par le commando Ciro Rizzato ;
 
ACTION DIRECTE entreprend également des assassinats ciblés et brutaux. Le 13 mars 1982, AD tue Gabriel Chahine qui avait permis la première arrestation de Rouillan et Ménigon en 1980.

Le 25 janvier 1985, AD assassine devant son domicile René Audran, un haut fonctionnaire du ministère de la Défense en France. René Audran était Ingénieur général de l’armement, directeur des Affaires internationales de la Délégation générale pour l’armement. Il aurait été assassiné car il était perçu comme responsable des ventes d’armes de l’État français.

Le 17 novembre 1985, AD tente d’assassiner Henri Blandin, contrôleur général des armées. Ratage à nouveau sur Guy Brana, vice-président du Conseil national du patronat français, ancêtre du MEDEF, le 15 avril 1986.

Le 17 novembre 1986, Georges Besse, PDG de la Régie Renault, est tué devant son domicile par Ménigon et Aubron, commando Pierre Overney. Selon la revendication D’ACTION DIRECTE, c’est en tant que représentant d’une entreprise à vocation internationale que Georges Besse a été tué, pour ses restructurations, mais également en tant que dirigeant d’une entreprise qui, une quinzaine d’années auparavant, avait employé un vigile qui avait tué un militant maoïste, Pierre Overney.
Le 15 décembre 1986, Alain Peyrefitte, ancien garde des Sceaux, manque d’être tué. Un employé municipal de Provins venu examiner sa voiture est lui par contre tué par l’explosion du véhicule.

Face à la pression policière, le groupe va cesser ses actions et se mettre en sommeil. Les membres disparaissent dans la nature. Toutes les forces de l’ordre sont mobilisées pour les retrouver. ACTION DIRECTE a tué le gardien de la paix Jean-Pierre Olive, un convoyeur de fonds, Henri Delrieux, le brigadier Guy Hubert, Gabriel Chahine, deux policiers, Emile Gondry et Claude Catola, le général de gendarmerie Guy Delfosse, René Audran, Georges Besse, l’employé municipal de Provins….plus d’autres personnes décédés lors d’attentats aux revendications incertaines.

C’est en 1987 que des informateurs font état de la présence d’une femme ressemblant à Nathalie Ménigon, près d’Orléans, dans une ferme de Vitry-aux-loges. Il est encore impossible aujourd’hui d’avoir des informations exactes sur comment le "tuyau" est arrivé aux oreilles de RG. Plusieurs versions ont été émises. Les RG veulent certainement éviter un nouvel assassinat ciblé comme celui de Gabriel Chahine...A priori, en juillet 1987, un indic de la DST est intrigué par le manège d’un couple d’originaux dans une ferme proche de Vitry-aux-Loges, dans le Loiret, qui lui rappellent vaguement Rouillan et Ménigon. Ce n’est qu’une piste parmi d’autres. Elle est suivie par un inspecteur de la brigade de recherche des RG qui se rend à Vitry-aux-Loges et prend des photos.

Jean-Marc Rouillan et Nathalie Ménigon y vivent sous les surnoms de Robert et Nadine. Ils ont sympathisé avec certains voisins. Nathalie Ménigon prenait parfois sa voiture ­ une 205 immatriculée en Belgique ­ et Rouillan ne sortait pas beaucoup. Les voisins ont remarqué que la lumière était toujours allumé tard.. Une fois, les gendarmes sont venus voir, intrigués par la lumière. Puis ils sont repartis. Dans ce hameau perdu, on ne soupçonne guère les deux jeunes gens, même si un voisin note : « On buvait souvent un coup ensemble. Robert ne s’asseyait jamais, jamais immobile. Il était tout le temps avec des jumelles à la main. Nadine était plus tranquille, elle aimait bien parler. Alors, on parlait ! »

Nathalie Ménigon est reconnue par un policier dans la supérette du village. L’assaut sera donné par le RAID, samedi 21 février 1987, à 21 heures. Les policiers planquent 36 heures avant dans la neige, camouflés et munis de téléphones de campagne. Un P.C. opérationnel a été installé dans une ferme voisine, à quelques centaines de mètres, et dirigé par les commissaires Mancini et Bardon, des Renseignements généraux, eux-mêmes en liaison constante avec Paris.

Une rafale de mitraillette, à titre de dissuasion, et l’assaut est donné. Les policiers enfoncent la porte, cueillent sans rencontrer la moindre résistance Jean-Marc Rouillan et Nathalie Ménigon, assis à une table, des armes à portée de main. Après les chefs « historiques » d’Action directe, c’est au tour de Georges Cipriani et de Joëlle Aubron, deux autres militants, d’être appréhendés à l’intérieur de la ferme.

Le Dimanche, en fin d’après-midi, on perquisitionne la ferme, transformée en QG du groupement. On y découvre des documents provenant de la serviette de Georges Besse, le patron de Renault, le soir de son assassinat le 17 novembre dernier, des armes, beaucoup de devises, françaises et étrangères., et un local minuscule destinée à accueillir des prisonniers : « la prison populaire », soit un gourbi grand comme une cage à hamster. Jean-Marc Rouillan aurait déclaré aux policiers que le groupe avait l’intention d’enlever puis de « juger » cette personnalité, afin de « négocier » la libération de Régis Schleicher, membre d’AD qui devait alors comparaître le mois suivant devant la cour d’assises de Paris.

Le 14 janvier 1989, Rouillan, Aubron, Cipriani et Ménigon sont condamnés par une cour spéciale pour l’assassinat de Georges Besse à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie de la période de sûreté de dix-huit ans.

La peine de Joëlle Aubron a été suspendue en juin 2004 pour raisons de santé. Elle est décédée à Paris le 1er mars 2006 d’une tumeur au cerveau.

Les demandes de libération anticipée de Régis Schleicher ont été plusieurs fois repoussées par le tribunal de l’application des peines. Le 23 juillet 2009, il lui est accordé un régime de semi-liberté.

Le 10 mai 2007, le tribunal d’application des peines de Paris a accordé un régime de semi-liberté à Nathalie Ménigon, emprisonnée depuis 1987. Elle travaillera la journée et retournera dormir en prison, mais le parquet a immédiatement fait appel de cette décision. Le jeudi 19 juillet 2007, la chambre d’application des peines de la cour d’appel de Paris lui a accordé le régime de semi-liberté. Elle a été placée en régime de libération conditionnelle le 2 août 2008 sur décision du tribunal de l’application des peines de Paris. Nathalie Ménigon souffre des séquelles d’une hémiplégie après deux accidents vasculaires cérébraux en détention. « Elle a une mémoire lente, des problèmes de stabilité et une main qui n’est quasiment plus fonctionnelle », selon Me Chalanset.

Georges Cipriani vient de bénéficier d’une mesure de semi-liberté. Il souffrirait de troubles psychologiques importants . Il accèdera à une libération conditionnelle s’il respecte les termes de la semi-liberté, particulièrement en ne parlant pas aux médias.

Jean-Marc Rouillan a tenu une chronique sur l’univers carcéral dans le journal CQFD. Il a obtenu un régime de semi-liberté à partir du 17 décembre 2007. Cette semi-liberté a été révoquée en octobre 2008 suite à des propos tenus lors d’une interview donnée au magazine L’Express, dont voici des extraits :

Mais quand Besancenot dit qu’il a toujours condamné les méthodes d’Action Directe, il exprime une opposition à cette violence...

Oui... Et en même temps, il se dit guévariste. C’est un petit peu paradoxal ! Il pense que, quand on touche à ce terrain, il faut être social-démocrate... Non ! Quand on se dit guévariste, on peut simplement répondre que la lutte armée est nécessaire à certains moments. On peut avoir un discours théorique sans faire de la propagande ou de l’appel au meurtre.

Ce discours ne va-t-il pas effrayer certains militants du NPA qui veulent changer la société sans violence... Comme, par exemple, les adhérents de RESF...

RESF est un mouvement très intéressant parce qu’il représente un illégalisme de masse. J’apprends beaucoup de ces personnes... Mais RESF ne changera pas la société. Il ne vise pas, comme organisation, la révolution. Effectivement, je peux faire peur à beaucoup de monde... A notre première rencontre, j’ai prévenu Besancenot : "Ma présence peut faire du bordel. Réfléchissez, vous pouvez dire non..." Il m’a dit que c’était réfléchi et qu’ils étaient d’accord.

Vous, à l’inverse, semblez en parfait état physique, votre envie de militer est intacte. Comparée à celle de vos camarades, votre résistance est étonnante...

Il n’y a rien d’étonnant et il n’y a pas de méthode pour résister à la prison. J’ai eu de la chance. Ce ne sont surtout pas leurs "privilèges" qui m’ont permis de tenir. Nous avons vécu des conditions de détention exceptionnelles : par la dureté, par la durée de l’isolement... En prison, j’ai vu trop d’arbitraire, trop d’oppression. Cela m’a conforté dans le sentiment qu’un changement révolutionnaire est nécessaire.

Après vingt ans de prison, dont plusieurs à l’isolement, comment avez-vous retrouvé la société française au moment de votre passage à la semi-liberté, notamment au niveau de sa dépolitisation ?

J’ai été catastrophé... Dans les années 50-60, le gros de la société était fortement politisé. Un militant socialiste pouvait sortir une analyse politique. Aujourd’hui, j’ai l’impression que le marxisme, toutes les théories qui nous permettaient d’appréhender les situations, ont été oubliées. Certes, les situations ont considérablement évolué, mais, en même temps, elles gardent leurs bases fondamentales : nous sommes dans une société de classes, nous sommes dans une société où le conflit impérialisme/anti-impérialisme est crucial. On se perd dans l’aide aux pauvres, à ceux qui souffrent... Non, les pauvres, ceux qui souffrent, les exploités et les opprimés sont des pro-lé-taires ! Aujourd’hui, il faut bosser énormément pour convaincre les gens de la réalité du système. Si vous allez dans une cité pour parler de religion, vous aurez plus d’attention que si vous venez parler d’oppression, d’exploitation de classes. Cela vient de la dépolitisation qui a été inscrite dans ces couches populaires, cette pression médiatique terrible qui a rendu toute tentative d’analyse des situations has-been. On a tout résumé à des images d’Epinal assez ridicules. C’est angoissant quand on se balade dans les rues de Marseille de voir le nombre de portraits de Che Guevara. Un Che lessivé de toute conscience politique. Un Che transformé en icône marketing.

Etes-vous prêt encore à jouer votre liberté personnelle pour vos idées ?

Mais je la joue actuellement. Avec cette interview... Je sais que je ne suis qu’en "semi-liberté". Et s’il y a une amélioration, ce sera une liberté sous condition. C’est-à-dire que je ne serai jamais plus un homme libre. On me l’a marqué sur un papier.

Dans Le Monde, Françoise Besse, la veuve de Georges Besse, a évoqué à votre propos un "honteux recrutement". Regrettez-vous les actes d’Action directe, notamment cet assassinat ?

Je n’ai pas le droit de m’exprimer là-dessus... Mais le fait que je ne m’exprime pas est une réponse. Car il est évident que si je crachais sur tout ce qu’on avait fait, je pourrais m’exprimer. Mais par cette obligation de silence, on empêche aussi notre expérience de tirer son vrai bilan critique.

Le plus médiatique des membres d’AD n’a manifestement pas changé et la tentation des médias fut la plus forte. Rouillan n’est pas non plus étouffé par les remords, ni torturé par le fait d’avoir tué plus d’une dizaine de personnes. Peut-on s’en étonner de la part de quelqu’un qui a autant de sang sur les mains et aurait continué à tuer sans l’arrestation en 1987 ? Il sortira vraisemblablement dans plusieurs années avec les mêmes idées.
 
Encore aujourd’hui, il reste à élucider la piste de la manipulation d’AD. La plupart des pays membres de l’OTAN ont reconnu l’existence de réseaux stay-behind, des groupuscules secrets visant à commettre des actions violentes imputées à l’extrême-gauche pour favoriser l’instauration d’états policiers en Europe. Interviewé dans l’émission 50 ans de faits divers sur Aldo Moro, homme politique de gauche kidnappé et tué en Italie, un agent de la CIA a reconnu avoir manipulé les Brigades Rouges pour qu’ils assassinent Moro. Et ainsi que nous l’avons vu précédemment, AD n’était pas bien difficile à manipuler.

Concernant Georges Besse, la piste EURODIF est évoquée depuis longtemps. Voici en quoi elle consiste.

Au milieu des années 80, des agents iraniens frappent la France. L’IRAN de l’ayatollah KHOMEYNI cherche à pousser Paris à honorer un contrat nucléaire signé entre l’Iran du Shah et la France. En effet, la France s’était engagée en décembre 1974 à aider le monarque à mettre sur pied son programme nucléaire. Jacques Chirac, alors premier ministre de Giscard d’Estaing, s’était rendu en Iran et avait engagé notre pays à livrer 10 % de son uranium enrichi à ce pays. En échange, ce dernier entrait dans Eurodif, consortium européen chargé de l’enrichissement de l’uranium. Georges Besse était alors président d’Eurodif.

Cet accord était unilatéralement dénoncé par la France à la suite de la révolution islamique de 1979. Conséquence, en 1986, Paris était la cible de plusieurs attentats. Le 17 novembre 1986, après plusieurs attentats attribués pour ceux de septembre aux FARL dirigées par Georges Ibrahim Abdallah et l’enlèvement de journalistes français retenus en otage au Liban par des groupes liés à l’Iran, la France signe un accord partiel, prévoyant le remboursement de 330 millions de dollars, mais refuse de fournir toute livraison d’uranium enrichi. Le même jour se produit l’assassinat de Georges Besse,

Selon Dominique Lorentz, journaliste d’investigation, Action Directe était lié aux FARL. Ces informations, provenant des services de renseignement antiterroristes français, sont mises en doute par d’autre personnes, qui soulignent le paradoxe consistant à voir un groupe d’inspiration autonome et marxiste-léniniste à appuyer le « régime des mollahs ».

Le versement de 330 millions de dollars a lieu le 22 novembre 1986. Les prisonniers d’Action Directe ont toujours nié l’interprétation des faits suggérée plus haut. Ils peuvent cependant avoir été manipulés. Les Iraniens sont experts en la matière. En outre, Action Directe coopérait déjà depuis des années avec d’autres groupes armés sévissant au Moyen-Orient, dont certains étaient en relation avec l’Iran.

Mais l’IRAN n’est certainement pas tout seul à avoir eu des relations avec le groupement, et l’Etat Français a également des choses à révéler sur les liens entre ACTION DIRECTE et les services secrets. Dans le documentaire « histoire secrète D’ACTION DIRECTE », DIFFUSE SUR CANAL +, l’ancien patron de la DST Yves Bonnet déclare : « Je suis complètement convaincu qu’Action directe a été commandité pour accomplir ces assassinats ». La question de la manipulation d’Action Directe dans le cadre des « armées secrètes de l’OTAN » se pose également. En Belgique, Italie, Suède et autres pays, l’existence de ces réseaux a été mis à jour. Le but de ces armées secrètes était de créer des structures clandestines pour armer l’Europe de l’Ouest contre une invasion soviétique et pour empêcher la prise de pouvoir des communistes dans les pays européens.5 La CIA et le MI6 financèrent la constitution et le fonctionnement de ces troupes de guérilla clandestines, ils les entraînèrent et aménagèrent des caches secrètes remplies d’armes et d’explosifs. Concomitamment aux tueries du Brabant en Belgique, et alors que pour la première fois de la 5ème république une coalition socialiste et communiste était arrivée au pouvoir en France, Action Directe a mis en œuvre une campagne de terreur meurtrière. Soit exactement la stratégie de ces réseaux. Enfin, par un heureux hasard, les chefs seront arrêtés sous le gouvernement de cohabitation, avec Pasqua en Ministre de l’Intérieur. De quoi sérieusement envisager la piste d’une manipulation, piste qui reste au stade de spéculation tant que les protagonistes ne parleront pas.

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9 réactions à cet article    


  • jaja jaja 19 mai 2010 11:28

    « Action Directe meurtriers, avides d’argent...c’est sûr »

    Mensonge... Pour critiquer la stratégie d’Action Directe nul besoin de mentir comme un arracheur de dents... avec la volonté manifeste de salir ses anciens membres...

    Tous ses anciens dirigeants, au premier chef Jean-Marc Rouillan sont toujours restés militants. N’en déplaise à l’auteur....


    • Blue boy Blue boy 19 mai 2010 13:11

      Cet article est un fatras d’inepties au service du medef.
      Et que dire de la délinquance en col blanc qui fait incomparablement beaucoup plus de ravages, détruit des milliers de vies, accroit la misère sociale et ruine les pays ?
      Chère Ikki, ne pensez-pas que c’est vous qui êtes manipulée ?


      • simplesanstete 20 mai 2010 02:29

        Hélas NON, les militants sont tous des pauvres cons bourrés de bonnes intentions et d’enfer me ment, ils se tiennent les parties ces agitateurs, en croyant expliquer le monde aux autres. RIDEAU !!!!!


      • asterix asterix 19 mai 2010 15:36

        Tous ceux qui prônent le changement de régime par la Révolution ou les armes se trompent. Cela ne mène jamais qu’à la dictature du plus fort, du plus cruel.
        Seule un mouvement pacifique et de résistance civile parvient parfois à arranger les choses : l’Inde, l’Afrique du Sud...


        • Proudhon Proudhon 19 mai 2010 23:53

          Tiens, une avocate qui parle comme un juge défendant les bourgeois. Je voudrais pas être défendu par elle. Surtout si je suis pauvre et si j’ai volé un bout de pain pour manger....


          • simplesanstete 20 mai 2010 02:18

            La mythomanie est chose très courante chez les révolutionnaires voire même pathologique,jésus, lénine, tous ceux qui prétendent changer le monde me dégoutent, le monde change . /je les ai connu dans les années de plomb, savaient même pas faire un cocktail molotov. J’en ai aussi vu de ses abrutis anarchistes/écolos contre manifestant Dieudonné à Reims en 2009, tristes et pathétiques rats agités mortifères.


          • Proudhon Proudhon 20 mai 2010 11:59

            Et il propose quoi le monsieur ou la madame qui n’as pas de tête pour nous sortir de la merde. j’espère que tu n’as pas fait de gosses, car leur avenir est très sombre avec des gens comme toi. Continue à baisser la tête face aux injustices... Avec des gens comme toi, les enfants travailleraient encore dans les mines, comme dans certains pays de merde...


          • Proudhon Proudhon 19 mai 2010 23:58

            Il faut croire que les connards commencent àprendre peur si ils commanditent des articles comme celui-ci. C’est vrai qu’avec le vol planétaire que sont en train de subir les habita,ts de la planète, certains risqueraient de passer dans la résistance armée. Tiens qu’est ce qu’elle pense notre brillante avocate du vol planétaire actuel ?


            • frugeky 20 mai 2010 00:36

              L’auteur ne va tout de même pas encensé les actions violentes d’AD sous prétexte qu’elle avait bon fond !!!
              L’hypothèse sur les manipulations, peut-être croisées de plus, est intéressante.
              Restent les propos de Rouillan. La révolution peut comporter des moments de violence que certains s’empresseront d’assumer.
              Au fait, et Maxime Frérot ?

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