Les mille vaches
La source se tarit et les ânes continuent de venir y boire
Il est un endroit dans Paris où courent tous les élus en mal de notoriété. Ils viennent comme chaque année, l’espace d’un salon, tâter le cul des vaches et flatter le brave éleveur, celui-là même qu’ils condamnent à la misère par leurs politiques absurdes et honteuses. Ce serait à s’étrangler de honte si l’honneur et la dignité avaient encore la moindre place dans ce monde de margoulins en-cravatés. Pour ne pas trop prendre de risques, ce sont les mieux lotis des agriculteurs qui seront conviés à croiser les distingués élus de la nation, les autres crèvent dans leur coin.
Le plateau des mille vaches, ainsi nommé parce qu’il recèle en sous-sol mille sources bienfaitrices, est fort éloigné de la Porte de Versailles, tant géographiquement que du point de vue symbolique. Depuis longtemps déjà, l’élevage tricolore ne nourrit plus son monde, même s’il contribue encore un peu à alimenter la population nationale. La viande vient de toute la planète parce que des accords commerciaux indignes favorisent cette folie ce qui n’empêche nullement les signataires de ces absurdités de venir pérorer devant la profession qu’ils affament.
On ne peut y croire ! Pourtant la réalité dépasse l’affliction et notre bon président en personne, n’ayant même pas peur de marcher dans une bouse, vient arpenter le salon douze heures durant pour démontrer à tous qu’il est le plus grand des menteurs. Même Jacques le corrézien est battu dans le populisme de pacotille. Bravo l’artiste !
Il faut lui reconnaître un certain courage et un sens de la précaution qui étonnent. Le bel animal politique, venu avec sa pouliche sur le retour, a prévu pas moins de trois costumes de rechange pour sa visite. Il est vrai que l’œuf vole bas à la sortie des culs des poules en batterie, que la tomate pourrie démange les mains de ces travailleurs manuels si mal payés de leur peine. Le brave Emmanuel pourrait très bien être la cible des mécontentements légitimes en dépit des escouades de gardes du corps présidentiels.
Pendant ce temps, les vaches, les poules, les dindons, les cochons regardent passer goguenards, le bal des vanités politiques. Certaines bêtes fientent à leur passage, réalisant ainsi ce que d’aucuns aimeraient faire à leur place devant ce manège indigne. La grande ferme artificielle s’exprime, elle beugle, piaille, caquette, grogne et brait. Chacun parmi les bêtes exposées tentant d’imiter tous ces curieux animaux, debout sur leurs pattes postérieures qui viennent palabrer inutilement.
D’autres se bousculent autour d’eux, tendent des micros et des caméras. Ils feraient bien mieux de prendre une fourche et de nettoyer ces écuries d’Augias. À couvrir ce défilé insupportable ainsi chaque année, ils se font les complices du meurtre silencieux que ceux-là commettent sur la paysannerie française. Il conviendrait davantage de se préoccuper vraiment de ces hommes et ces femmes que les politiques nationales, européennes et mondiales envoient à l'abattoir. Ils sont nombreux à venir au salon de l’agriculture, ces marchands d’illusion qui ont du sang d’agriculteurs et d’éleveurs sur les mains. Que leur visite tourne véritablement en eau de boudin, ne serait que juste monnaie de leur pièce.
À bien y réfléchir, les mille vaches seraient bien plus ce personnel indigne, visiteurs patentés, payés grassement, qui, toute honte bue, viennent tenir discours de compassion à ceux qui agonisent. Ils les ont mis sur la paille, leur ont sous-tiré leurs voix, se sont permis de les rouler dans la farine, les ont pris pour des jambons et des vaches à lait. Ils prétendent les écouter et quand les paysans se mettent en colère, ils leur envoient les gendarmes pour leur voler dans les plumes.
Ils les traitent pire que des bêtes, les prennent pour des ânes tout autant que des bêtes de somme. Mais à bien y regarder, les vraies seules vieilles ganaches de cette ferme éphémère ce sont des odieux animaux politiques qui n’aiment rien tant que d’être brossés dans le sens du poil. Je viens ici déposer aimablement un joli coup de trique sur leurs vilains postérieurs qui, d’après bon nombre de maquignons, ne valent que tripette !
Anthropologiquement leur.
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