Les municipales, un scrutin local ?
Le président de la République souhaitait jusqu’à il y a peu s’impliquer dans la campagne des élections municipales. Il a changé d’avis, arguant que le scrutin municipal était un scrutin local.
Qu’en est-il ?
1. Une dimension locale
La commune prend des décisions locales
L’élection des conseils municipaux semble avant tout une affaire de proximité.
Les électeurs choisissent leurs représentants dans des circonscriptions de tailles très réduites, avec parfois quelques dizaines d’électeurs seulement pour quelques représentants (9 dans les communes de moins de 100 habitants, par exemple).
Le conseil municipal émet des voeux sur tous les sujets d’intérêt local : il vote le budget, il est compétent pour créer et supprimer des services publics municipaux, pour décider des travaux, pour gérer le patrimoine communal, pour accorder des aides favorisant le développement économique [1].
Les décisions d’une mairie ont donc des conséquences très locales : voirie, écoles, crèches, police municipale, fêtes locales, subventions aux associations, vidéosurveillance...
Par ailleurs, très souvent, les élus sont des personnes issues de la commune ou de la proximité. Les « parachutages » lors des élections municipales sont relativement rares.
L’intercommunalité est dirigée par des conseillers municipaux
La dimension locale de l’élection comprend également les intercommunalités (communautés de communes en particulier), auxquelles les communes délèguent certaines compétences.
Le fonctionnement de ces structures
est assuré par [2] :
* un président, organe exécutif, élu parmi
les délégués des communes ;
* une assemblée délibérante rassemblant les délégués des communes, élus parmi les conseillers municipaux.
2. Une dimension nationale
La dimension locale est donc évidente.
Cependant, il est également possible d’identifier des implications nationales aux scrutins municipaux.
Les arrangements des partis
Les municipalités sont aussi le terrain de jeu des partis.
La Constitution leur donne le rôle de concourir à l’expression du suffrage [3].
Les listes municipales, en particulier dans les grandes villes, sont approuvées, sinon décidées, dans les quartiers généraux des partis à Paris. Les dirigeants des partis ont leur mot à dire sur le choix de telle ou telle tête de liste, de telle ou telle alliance. La parité a d’ailleurs compliqué le jeu des partis pour former des listes.
Il est ainsi connu que des alliances se nouent à coups d’échanges de bons procédés : cette ville pour moi, celle-là pour toi.
Les municipales sont donc également sous l’influence nationale des partis.
Le gain symbolique de grandes villes est un argument important pour légitimer une politique ou surtout, en France, délégitimer celle du gouvernement en place. L’opposition souhaite donc le meilleur résultat pour ses troupes, pour mettre la pression sur le gouvernement. La majorité souhaite également le meilleur résultat pour éventuellement dire qu’elle sort confortée des urnes.
Mais le véritable enjeu est ailleurs.
L’élection sénatoriale
La principale motivation des partis est en effet celle, non dite, de l’enjeu sénatorial.
Car le Sénat est élu ultra majoritairement par les élus municipaux. Les grands électeurs sont, à 95 %, les représentants des communes : maires, maires adjoints, conseillers municipaux et délégués des conseils municipaux dans les communes importantes [4].
Le Sénat, rappelons-le, est une chambre qui ne peut être dissoute, contrairement à l’Assemblée. C’est le Sénat qui constitue souvent le vrai contrepoids face une Assemblée composée de députés godillots. Enfin, en ces temps de rassemblement du Parlement en Congrès, le Sénat y constitue 35% des électeurs.
Le scrutin municipal est donc d’essence locale. Le maire est souvent connu localement. Les décisions qu’il prend ont des conséquences directes dans la vie de tous les jours.
Mais la dimension nationale existe : le symbole d’une vague municipale rose ou bleue permet de se poser dans le débat politique national. Et les élus municipaux constituent le bataillon des grands électeurs votant pour le Sénat.
La dimension nationale existe donc. Le choix du président de se mettre en retrait en tient certainement compte : l’influence de sa popularité estimée en nette baisse sur les votes locaux pourrait faire basculer quelques mairies dans l’opposition, si d’aventure des électeurs portaient leur choix local au vu de l’enjeu national.
Pas de quoi cependant modifier la répartition gauche/droite au Sénat prochainement. Mais de quoi alimenter l’opposition dans les prochaines semaines et faire un peu d’ombre au président.
Sources :
[1] Vie Publique
[3] Article 4 :
Les partis et
groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et
exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la
souveraineté nationale et de la démocratie.
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