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Accueil du site > Actualités > Politique > Les plus ambitieux doivent-ils toujours gagner ? (3/3)

Les plus ambitieux doivent-ils toujours gagner ? (3/3)

Des convictions solides et de l’intelligence relationnelle éprouvée sont les constituants de base d’un homme d’État. Mais ils sont loin d’être suffisants. Troisième partie.

Dans un premier article, j’évoquais les différentes formes de l’ambition politique puis, dans un deuxième article, je passais en revue les différentes élections présidentielles que je poursuis maintenant.

En avril 1995, l’affrontement vint chez les gaullistes. Chirac, qui n’a jamais rêvé que de l’Élysée depuis ses débuts en politique, se retrouvait face à un Édouard Balladur populaire qu’il avait pourtant lui-même placé à Matignon.

Balladur n’avait au départ qu’une ambition de Premier Ministre. Numéro deux du Gouvernement Chirac en 1986, il envisageait Matignon dès 1988 en cas d’élection de son mentor, Chirac. Ensuite, devenu théoricien de la cohabitation (dès 1983, il y était favorable), il expliquait que le Premier Ministre d’une future cohabitation ne devait pas être aussi candidat à l’élection présidentielle. Pensait-il à cette époque à sa propre candidature, ses mots ne servant qu’à rassurer Chirac ? Ou n’est-ce finalement que la forte popularité dont il bénéficia dès ses premiers mois de gouvernement en 1993 ainsi que ses amis ministres très encourageants (François Léotard, Bernard Bosson, Simone Veil, Nicolas Sarkozy, Charles Pasqua…) qui le décida à s’investir dans l’élection de 1995 ? En tout cas, sa déclaration de candidature en janvier 1995 était d’une très grande condescendance, Nicolas Sarkozy ayant même évoqué la possibilité que Balladur fût élu dès le premier tour !

En face de ces rivaux gaullistes,
Lionel Jospin paraissait comme un miraculé de la politique. Homme d’ambition et d’appareil, Lionel Jospin vit sa carrière politique si ébranlée par une défaite personnelle en 1993 (aux législatives) qu’il renonça à la politique et demanda même à son ministre de tutelle, Alain Juppé (au quai d’Orsay) sa nomination à la prestigieuse ambassade de France à Berlin. Juppé avait refusé (il a dû le regretter). Finalement, après une primaire socialiste qui l’a confronté à Henri Emmanuelli (le premier secrétaire de l’époque) et à Jack Lang (qui a abandonné avant le vote), Jospin fut choisi et a dû rattraper le très grand retard des socialistes pris en 1993.

En avril 2002, deux mêmes candidats s’affrontaient : Jospin et Chirac (j’exclus Jean-Marie Le Pen qui ne pensait pas atteindre le second tour). Une situation qui ressemblait à la fois à 1988 (les deux acteurs de la cohabitation en duel) et à 1995, Jospin remplaçant Balladur dans le rôle du Premier Ministre de cohabitation populaire avec un bilan honorable. Or, l’ambition est souvent gâchée par la condescendance. Se croire supérieur limite en effet les occasions de la montrer, sa supériorité. ‘Je suis bon, pas besoin de le prouver, votez pour moi.’ Un discours un peu léger face à des bulldozers.

En avril 2007, la situation fut singulière. Une nouvelle génération arriva dans la bataille. Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal et François Bayrou réussirent à mobiliser le débat électoral.

L’ambition de
Sarkozy était connue depuis plus d’une vingtaine d’années et sa candidature déclarée dès la réélection de Chirac en 2002 (‘j’y pense en me rasant’). Toute l’action de Sarkozy pendant les cinq dernières années tant au gouvernement qu’à l’UMP tendait à préparer sa candidature.

Le cas de
Ségolène Royal fut très différent. Personne ne l’imaginait candidate (pas même le brillant politologue Alain Duhamel !) mais la lourdeur des éléphants du PS, leur incapacité à surmonter le terrible échec de Jospin, ont permis à Ségolène Royal de surgir et de surfer sur une vague de popularité naissante.

Quant à
François Bayrou, ceux qui le connaissent savent qu’il envisageait d’être candidat à l’élection présidentielle dès sa première élection de député, en 1986, et pressé, il n’hésita pas à se salir en 2002 avec des sondages misérablement faibles (il finit avec 7% en 2002).


Quelques constantes

Dans toutes ces situations électorales, le résultat est que celui qui a emporté l’élection était le plus ambitieux des candidats. Avec, à partir de 1974, l’élection de l’animal politique le plus redoutable de l’élection. Giscard d’Estaing, Mitterrand, Chirac, Sarkozy.

Pour cela, ces candidats élus ont fait preuve non seulement d’une ambition de troisième type, mais également de la maîtrise complète d’une grand appareil politique (à l’exception de Giscard d’Estaing, ce qui conforta la candidature de François Bayrou en 2007), et de ses moyens financiers.

De plus, ils ont tout ‘rompu’, dans leur carrière politique. Ils ont affronté leur propre camp dans une rupture claire. Giscard d’Estaing en s’opposant à De Gaulle lors du référendum de 1969. Mitterrand en rompant l’Union de la gauche et le programme commun en 1978 (et par ailleurs, en s’opposant à la Ve République et à De Gaulle dès 1958). Chirac en s’opposant aux gouvernements dirigés par Raymond Barre dès 1976 (et à Giscard d’Estaing par la même occasion en 1981). Enfin, Sarkozy en rompant avec Chirac dès 1993 par balladurisme, et encore en 2004 en prenant le contrôle de l’UMP contre la volonté de Chirac et en faisant croire que son élection ferait une rupture avec son prédécesseur.

D’autres ont ‘rompu’ mais avec moins de succès. François Léotard en 1987 en s’opposant à l’hégémonie des ‘moines soldats’ du RPR, Michel Rocard en s’opposant à l’archaïsme de Mitterrand au congrès de Metz en 1979 puis en démissionnant en avril 1985 à cause de l’adoption du scrutin proportionnel par Mitterrand pour les législatives de 1986, Philippe Séguin en s’opposant sans cesse à Chirac…

Méditant la prise de contrôle du PS par François Mitterrand au congrès d’Épinay en 1971 et la prise de contrôle de l’UDR par Jacques Chirac et Charles Pasqua en décembre 1974, François Bayrou a adopté dès 2002 une attitude indépendantiste pour s’écarter de la majorité UMP puis pour créer un nouveau parti populaire (le MoDem). L’avenir dira s’il a eu raison ou pas.


Et en 2012 ?

Serait-ce comme en 1981, la rebelote de l’élection précédente ? Tout semble en place pour qu’en 2012 soient candidats les mêmes qu’en 2007.

Nicolas Sarkozy, s’il veut être candidat, sera forcément inattaquable par sa majorité (même s’il devenait encore plus impopulaire). Certes, François Fillon croit aussi à son destin, alors que Jean-François Copé et Xavier Bertrand attendraient 2017 (Copé l’a dit explicitement). Quant à Dominique De Villepin, Jean-Louis Borloo, Michèle Alliot-Marie ou encore Alain Juppé, ils ne semblent plus être dans la compétition.

François Bayrou a déjà annoncé sa candidature future (mais que restera-t-il du MoDem dans moins de quatre ans ?).

Enfin, Ségolène Royal est déjà candidate à la direction de son parti (ce qui lui avait manqué en 2007), dans l’optique d’une nouvelle candidature (elle l’avait annoncé dès son échec du 6 mai 2007), mais devra affronter Bertrand Delanoë ou un autre monsieur X (Dominique Strauss-Kahn, Laurent Fabius, Manuel Valls, François Hollande, etc. ?). Il semble clair que pour Dominique Strauss-Kahn, par exemple, son échec aux primaires socialistes de novembre 2006 provient d’un véritable dilettantisme qui n’a pas beaucoup servi ses ambitions.


Aller vite et représenter le changement pour réussir

Les plus ambitieux ont tout de suite compris qu’il leur fallait commencer tôt en politique, ne faire que ça, prendre le plus de responsabilités politiques, savonner la planche du voisin, s’emparer d’un grand parti gouvernemental, et… bluffer son monde.

Et aussi affirmer haut et fort qu’ils sont porteurs de changement : Giscard d’Estaing, le changement dans la continuité ; Mitterrand, la force tranquille et l’alternance ; Chirac, contre la fracture sociale ; Sarkozy, avec qui tout deviendrait possible.

Ajoutez à cela une forte ténacité et une énergique combativité, et voilà la recette miracle pour gagner une élection présidentielle depuis plus de trente ans.


Démocratie versus démagogie ?

Est-ce un bien pour notre pays ?

Pas sûr. Les grands enjeux d’aujourd’hui, compliqués, nécessitent une démarche pédagogique bien éloignée du populisme de plus en plus fréquent chez nos candidats qui en usent et abusent. La Nouvelle Société de Chaban-Delmas, l’État impartial de Raymond Barre, la social-démocratie de Jacques Delors ou la seconde gauche de Michel Rocard ont été remisés dans les placards de l’Histoire pour défaut d’ambition personnelle.


Espérons que dans l’avenir, ambitions et convictions ne soient pas des caractéristiques trop antagonistes.



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 juillet 2008)


Pour aller plus loin :

Les grands candidats à l’élection présidentielle.


Documents joints à cet article

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9 réactions à cet article    


  • La Taverne des Poètes 26 juillet 2008 16:04

    Ensemble, avec Sarkozy, tout devient passable !
    Petite réforme des institutions, par exemple. Enfin petite pour la démocratie, grande pour les avantages du Président. Petite politique à courtes vue dite "culture du résultat" : une politique de petit comptable.

    Avec Sarko tout est mini et on veut nous faire croire à grands tapages médiatiques que Sarko est grand et que ses réformes sont grandioses.

    Petit, petit, petit...
    Par contre l’homme est ambitieux, ça c’est certain. Pour lui, sa famille et ses amis.


    • La Taverne des Poètes 26 juillet 2008 16:06

      J’aime bien la photo numéro 3 qui montre le côté fourbe du personnage. On dirait une doublure de Louis De Funès en Don Salustre.




    • La Taverne des Poètes 26 juillet 2008 16:07

      "Monseigneur a bien reçu ma lettre anonyme ?"



    • julnanou 26 juillet 2008 19:43

      DESOLE POUR LES FAUTES

      petit rappel : (pour tout ceux qui oubli quand cela les arrange !!!)

      il n’a jamais promis une politique ou tout aller être possible mais une politique ou tout aller être remis en cause - 1.retraire SNCF, merci maintenant je ne suis plus le seul à espérer une retraire vers 65 ans et non 55 - bien venu au club - 2.réformes des institutions - et oui en effet , tout le monde était d’accord pour changer les choses - d’ailleur tous les sénateurs et députés (surtout ceux de gauche) ont voté en douce la loi sur leur propre retraire......pas la même que la mienne d’ailleur, ect, ect !!

      la vrai différence :
      mitterand avait une fille caché - sarko s’est remarié devant tous les photographes - belle leçon de respect du peuple ??? - avoir une fille , pourquoi pas, avoir une deuxième femme, pourkoi pas , mais la cacher, c’est "petit" !

      De Gaulle est parti en perdant un référendum, sarko assume ses erreurs - en annoncant sa propre augmentation de salaire (à défaut de profiter des avantages en douce), en prenant des vacances au frais de riche partisans ( a défaut de le faire au frais des contribuables) ....il est certain qu’en communication, son conseiller est mauvais...mais en a t’il un contrairement à Chirac et Mitterand qui ont eu le mëme - on devrait lui donner la médaille du mérite celui la....car pour éviter la prison à un président, il est très fort...et je parle même pas de ministre qui se sont suicidé pour .....la france !!!!)

      enfin, je suis bien content ( moi partisan de gauche - kan il y a un projet (d’ailleur ou est ’il - et qu’on ne me parle pas du projet - on va mettre une femme pour contrer sarko, femme qui a été amenée par mitterand pour la parité homme femme, pffeu !!!! je prefere encore Marine, même si elle est mal née....désolé pour son père mais il est tellement FN), donc je suis content, d’en chier, moi français moyen, pour l’avenir de mes enfants, car contrairement à ce que tout le petit monde de la gauche caviar pense, progresser n’est pas s’engraisser, progresser, c’est se remettre en question pour s’améliorer, et revenir sur ce qui existe pour faire mieux (de préférence)...et ce qui est fait aujourd’hui, nous serons capable de revenir dessus nous demain pour faire mieux si nécessaire.

      Etre de gauche ne veut pas dire : "c’est nous qui l’avons fait, donc, on y touche pas ????", non, ca veut dire...pense à ton prochain, à l’avenir des tiens et de ton voisin......j’attend depuis dix ans une simple proposition qui pourrait aller dans ce sens...mais vivement que je reprenne les rènes du parti !!!!

      julien - un "né de gauche", parti par dépit vers la droite......à quand le retour ???? pas tant que ségo sera la, c’est sur...peut être delanoé quand il aura compris que l’on veut des actions concrêt hors de paris !

      bisous a vous !


      • Quousque Tandem Alain Bondu 26 juillet 2008 20:40

        Excellente série d’aticles, intelligente, modérée et complète. J’aurais voulu en signer chacun des paragraphes.

        je commentarai seulement l’alinea de conclusion :
        "Espérons que dans l’avenir, ambitions et convictions ne soient pas des caractéristiques trop antagonistes."
        Espérons, en effet, bien que depuis trente ou quarante ans, on n’en prenne pas le chemin ! Parfois les rêves se réalisent...

        Moi, je rêve d’un choix de nos dirigeants (ou d’une partie d’entre eux) par une méthode inspirée de la sélection des jurys d’assises : présélection par des responsables sûrs, puis tirage au sort.

        On pourrait par exemple imaginer que chaque pouvoir (législatif, exécutif, judiciaire et médiatique) désigne trois candidats, plus le sortannt sous certaines conditions (nombre maximal de mandats consécutifs et limite d’âge), et qu’on tire au sort dans cete liste. Le "gagnant" aurait sans doute un peu moins de qualités personnelles, opiniâtrté notamment, mais il consacrerait un peu moins d’énergie à sa réélection et un peu plus au au pays.

        Et les sujets qui fâchent seraient abordés avec moins de retard.

        La douce France est un pays propice au rêve...

        AB


        • Boscaca 26 juillet 2008 22:58

          Histoire d’accélérer vos recherches je vous suggère de vous intéresser à la perversité et dans le cas de celui que certains considèrent comme leur président de vous intéresser tout particulièrement au pervers narcissique !


          • tvargentine.com lerma 27 juillet 2008 01:25

            En 2012 ,les réformes porteront leurs fruits et le plein emploi sera gage de succès pour la politique économique et sociale de Nicolas Sarkozy,car avec le plein emploi,les différentes caisses sociales (retraites,ss...) seront pleine et excédentaire et le budget de l’Etat sera en équilibre

            C’est une projection que je tiens sur l’avenir car j’en suis persuadé maintenant que ces réformes sont en route débarassées de toutes intraves syndicales fonctionnarisées


            • Pourquoi ??? 27 juillet 2008 08:12

              T’as raison, Lerma !

              Pour une fois je suis d’accord : en 2012 les chiffres de l’emploi, du pouvoir d’achat etc... seront sublimissimes.

              Normal : tous les instituts de sondages, tous les journaux, toutes les télés, toutes les radios seront ,encore plus qu’aujourd’hui, à la botte (actuellement, il ne reste que le Canard, mais pour combien de temps ?). Internet sera muselé.

              Alors oui, pour les benêts qui écouteront les médias, les caisses vides déborderont comme dans "Ali Baba et les 40 voleurs".

              Voleurs ? Ah que, qui donc ???


              • fhefhe fhefhe 28 juillet 2008 05:35

                L’ambition est nécessaire pour gagner .....
                Aux départs les politiciens ont tous un but Suprême......
                Imaginons , nos ambitieux , au départ du Tour de France ( c’est d’actualité..)
                Leurs parcours sera : sinueux , virage à droite , virage à gauche , en descente , en montée .
                Pour gagner ils auront besoin de :

                — Sponsors

                — Co-équipiers

                — Des encouragements du Public ( surtout dans les montées)

                — D’une Equipe Médicale ..... !
                Tous sont tributaires , malgré leur talent , des 4 " soutiens" ci-dessus.
                (je fais abstraction , volontairement , du soutien Médiatique , avant la Campagne Officielle ,...)
                En politique sans soutien financier on ne peut impacter le maximum de cibles , sans Co-listier on ne peut relayer les messages , sans public lors des meetings on ne peut se faire entendre , et sans Equipe Médicale , on ne peut tenir la distance d’une campagne ( Lithium , Bêta-Bloquant ...).
                Pour moi , ils ont tous la même "intensité" de motivation ....mais pas tous les Mêmes Moyens ....
                Voilâ , la différence pour gagner.
                Quant à la finalité de la victoire d’un homme politique , pour accéder au pouvoir suprême, , elle est de Remercier , d’abord et avant tout CEUX qui l’on aidé ... !
                Mais l’homme Politique n’est pas Cycliste...... sa victoire ne lui appartient pas , il doit la partager avec le peuple et cela pendant 5 ans !!!



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