Les premières conclusions du procès Areva/Stéphane Lhomme : faut-il en rire ou s’en indigner ?
Quelle est la réaction la plus adaptée à la découverte de la conclusion formulée par le Procureur de la République lors de ce procès en diffamation tenu le vendredi 20 décembre à Paris, tellement a d'inconfortable et d'instable l'équilibre argumentaire qu'il s'est construit, avec comme résultat une "figure imposée" des plus curieuses ? En effet malgré l'amoncellement de preuves apportées par Stéphane Lhomme à l'appui de ses dires, faisant l'objet du litige, le magistrat du Parquet a curieusement souligné le "très peu de prudence" des propos du directeur de l'Observatoire du nucléaire, et a conclu à un "cas limite". En vertu de quoi il a demandé... la condamnation de Stéphane Lhomme ! Quand on aurait pu s'attendre à une relaxe comme le réclamait l'avocat de l'accusé, voire même à un abus de procédure.
Car les preuves qualifiées d'accablantes par de nombreux média semblent démentir une diffamation. On pouvait les découvrir sur le site de l'Observatoire du nucléaire. L'hebdomadaire Politis, sans hésitation, a en a fait sienne son opinion : Les 17 milliards de CFA d’Areva au Niger ont bien payé l’avion présidentiel ! . Et le magazine Les Inrocks également : Le Niger destinait bien le "don" d'Areva à l'achat d'un nouvel avion présidentiel (et lui aussi avec un "don" entre des guillemets fort accusateurs...).
Alors peut-on rire de la réclamation du Procureur de la République ou ne faut-il pas plutôt s'en indigner ?
Car en effet il faut savoir que :
-dans un tout premier temps, "alors qu'une polémique a éclaté[au Niger] sur ce dossier",(...) "Areva a démenti avoir versé une telle aide budgétaire. "Il n'y a pas eu de versement de la part du groupe", a assuré une porte-parole, contactée par l'AFP à Paris" AFP : Le Niger veut s'acheter un avion présidentiel grâce à Areva, qui dément.
- or la lettre du ministre des Finances au sujet du don d’Areva fournie par Stéphane Lhomme est authentique. "Nous l’avons montré à Areva. Le géant du nucléaire n’en conteste pas l’authenticité" affirme Les Inrocks.
- quant au second document accablant pour Areva, "ce document consiste en un enregistrement audio d'une intervention du ministre nigérien des Finances, Gilles Baillet, le 4 décembre 2012 devant l'Assemblée nationale du Niger.(...) Areva a promis un don - ce n'est pas un prêt et ce n'est lié à aucune dépense - un don de 35 millions d'euros sur trois ans, déclare un homme dont la voix a été identifiée par un journaliste de l'AFP comme étant celle de M. Baillet. L'occasion à laquelle il s'exprime n'a pu être confirmée".(AFP citée par Romandie)
Alors bien sûr une question s'impose aussitôt : pour quel(s) motif(s) le Procureur a-t-il pu prendre une telle décision malgré l'existence de ces preuves apparemment accablantes ?
Serait-ce parce que "selon l'avocate d'Areva, cette somme [de 35 millions d'euros] n'a pas été versée, car le protocole qui prévoyait effectivement ce versement n'a pas été formalisé"(AFP) ? Mais ne faudrait-il pas au préalable se demander la raison pour laquelle elle n'a pas été versée ? Ne serait-ce pas justement parce que des parlementaires nigériens, puis Stéphane Lhomme avaient dénoncé ce don, et qu'à la suite de cela Areva avait assigné ce dernier en justice ?
Questions auxquelles s'ajoute celle des Inrocks : "alors que le débat sur la restauration future de l’avion présidentiel s’emballe dans l’opinion publique nigérienne depuis le mois de décembre, pourquoi Areva avait-elle continué jusqu’ici à fournir à la presse française une toute autre explication ?"
Le jugement a été mis en délibéré au 7 février.
Mais si contre toute attente Stéphane Lhomme devait malgré tout être condamné, et avant même de connaitre le résultat du jugement, Areva ne devrait-il pas logiquement poursuivre Politis et Les Inrocks en diffamation ?
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