Les symboles : petit essai
Vecteurs d’idées, d’émotions et de réflexion, les symboles sont de puissantes valises qui transportent les idées de toute sorte. Dans notre société de l’image, ils prennent une importance démesurée.
Je rentre de vacances, et la semaine qui se
prépare promet d’être chaude : je dois finir mon TP sur les rapports
entre droits de l’homme et totalitarisme (qui sera en ligne le 23
avril), une dissertation (« L’éducation est-elle une affaire
politique ? » en ligne le 25 avril) et un commentaire sur la Naissance de la tragédie. La dissertation est un peu lourde, le TP est quasiment terminé et le commentaire promet d’être intéressant.
Mais je n’oublie pas que nous sommes en pleine période d’élections.
Tous les journaux consacrent leur une aux candidats, et les débats
politiques vont bon train. Il y a de quoi être préoccupé : l’avenir de
la France se joue dans quelques jours. Nous allons au-devant d’une
période d’incertitude, ou bien de lobbyisme extrême avec Ségolène Royal.
Personnellement, je veux toujours sauver ma culture et mon pays de la
colonisation. Ce sera dur, et pourrons-nous y arriver ?
Je l’espère
de tout cœur. Même si cela ne constitue qu’un moyen de forger de
nouveau l’Histoire. La société de consommation a cru qu’on pouvait se
débarrasser de l’incertitude historique ; cette incertitude qui est
pourtant source de vie, d’un sentiment puissant et épique dont les
Anciens étaient familiers et dont nous ne connaissons sans doute que
des bribes à côté d’eux.
Malgré tout, je suis fatigué du
partisanisme qui règne partout. Personne ne veut chercher la vérité.
Chacun veut faire triompher son idéologie, quitte à installer des
cloisons dans la pensée, déjà moribonde, des masses électorales. C’est
pourquoi je vais mettre de côté mes idées politiques et rédiger une
petite note sur les symboles.
Un symbole était d’abord un
moyen de se reconnaître, entre initiés, ou membres d’un groupe. Il
permettait (et permet toujours aujourd’hui) aux individus de se
reconnaître entre eux, rapidement et facilement, au lieu de passer par
une discussion préalable. S’il est discret, la reconnaissance peut se
faire sans être vue, et donc sans attirer les soupçons. S’il est plus
connu ou moins discret, il peut être un moyen de revendication, un
affichage, une manière de dire « regardez ! J’appartiens à tel
mouvement. » C’est aussi quelque chose de fédérateur, autour duquel se
regroupent les membres de la croyance. Là aussi, il y a quelque chose
de spontané, qui se fait directement car il se fait avant la discussion.
Le
symbole est un moyen pratique et puissant pour faire passer des idées,
ou au moins les montrer. Au lieu d’expliquer une à une les différentes
idées qui composent une croyance ou un mouvement, ce qui pourrait être
fastidieux ou inadapté au moment précis, on les symbolise : toutes les
idées et arguments sont condensés pour être intégrés au symbole.
L’explication devient secondaire par rapport au symbole, car celui-ci
devient ce qui est vu (et pensé) en premier. Parfois, un symbole n’a
l’air de rien, mais il reste présent dans la pensée. On l’associe
souvent, visuellement ou verbalement, aux idées qui vont avec.
Une
poignée d’individus estiment que « le symbole casse l’individu » en le
cachant et en le réduisant à un dessin ou à des couleurs, qui ne sont
elles-mêmes qu’un masque. Cette objection soulève un point important de
l’idée de symbole : un symbole condense les idées et les fait passer
« directement », par réminescence (ceux qui ne connaissent pas le
symbole ne peuvent le comprendre, alors que ceux qui le connaissent
retrouvent les idées qu’ils ont associé au symbole, à la vue de
celui-ci). Un symbole est essentiellement synthétique.
Mais un
symbole est plus synthétique encore qu’un argumentaire ultracondensé.
Nul besoin d’explications, le dessin suffit. Excès possible : se
limiter au symbole, et oublier les idées qu’il porte.
En effet, le
symbole est beaucoup plus fort que l’argumentaire. L’image possède une
force que le verbe n’a pas. « Une petite image vaut mieux qu’un long
discours ». L’image crée un impact, elle frappe l’esprit et
l’imagination. Elle joue beaucoup plus sur les émotions (car elle en
suggère toujours) que sur les idées. C’est le cas du symbole. Celui-ci
est non seulement le porteur des idées, mais aussi une image condensée,
réduite à sa plus simple expression, pour être transportable d’autant
plus facilement. Cela peut poser problème, car on peut penser le
symbole et penser selon le symbole, au lieu de penser les idées et de
considérer le symbole pour ce qu’il est : un transporteur et un condensateur. Vu la puissance de l’image, il est facile de se laisser tenter.
C’est
pour cette puissance que le symbole peut être utilisé, même sans idée.
A l’époque médiévale, beaucoup de familles et nombre de chevaliers
possédaient leur propre blason. Ces symboles n’exprimaient pas d’idée,
mais portaient simplement l’image de la famille ou du chevalier à qui
ils appartenaient. Ils étaient pratiques, car immédiatement
reconnaissables ; et ils pouvaient augmenter l’éclat de la famille ou
du chevalier, ce qui les rendait utiles - mais beaucoup moins
importants qu’aujourd’hui. De nos jours, l’image a acquis une telle
importance que le symbole peut tout faire, car son importance a
augmenté aussi. Le symbole est vecteur de passions et d’émotions, ce
qui augmente encore la tentation de « penser le symbole » au lieu de
penser les idées. Cela constitue une des raisons pour lesquelles la
diabolisation, et toute la rhétorique qui joue sur l’émotion, est
tellement en vogue.
Le symbole est aussi quelque chose de
fédérateur. Qu’il soit celui d’une famille, d’un groupe, d’un mouvement
ou d’un parti, ceux qui se sentent affiliés à ce symbole se sentent
également proches les uns des autres lorsqu’ils sont rapprochés par le
symbole. Un symbole peut créer des relations, c’est un puissant vecteur
social ; il peut aussi élever des murs entre les personnes et entre les
groupes. Cela est un des effets de sa puissance.
Je dois maintenant vous laisser ; ma grand-mère m’a invité à déjeuner dans un bon restaurant et je suis amateur de bonne nourriture. Comme disait Epicure, la gastronomie est un plaisir naturel, mais non nécessaire ; ce qui n’empêche pas de pouvoir l’apprécier dans toute sa splendeur.
En espérant que cette définition synthétique du symbole vous aide à y voir plus clair dans l’émotionnel et le rationnel, quel que soit votre bord politique, et en espérant que cela vaille pour moi aussi.
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