Lettre ouverte à Monsieur François Fillon, candidat à l’élection présidentielle Française en 2017
Monsieur Fillon,
Sous le feu des critiques, attaqué de toute part, par la presse, par l’opinion publique, vous avez pris la parole il y a déjà quelques jours pour vous expliquer. Cela est légitime et personne ne reste insensible en pensant à cette période difficile que vous vivez actuellement. Je veux dire ici l’admiration et le respect que j’ai pour votre pugnacité et votre capacité à résister au flot de révélations qui se déverse presque tous les jours à votre encontre. Ainsi qu’à votre volonté de rester envers et contre tout, candidat à l’élection Présidentielle. Aujourd’hui le parquet financier indique dans un communiqué que “en l’état, il n’y aura pas de classement sans suite de l’enquête qui vous concerne”. Communiqué que vos avocats interprètent comme le signe d’un dossier creux, dans lequel il n’y aurait en somme, rien à vous reprocher.
Il n’en demeure pas moins un certain décalage entre votre réalité, du moins celle que vous avez présentée aux Français, et précisément leur ressenti. Certes, rien de ce que vous avez fait n’est illégal. Certes, on ne peut pas mettre en défaut votre honnêteté. Et je vais prendre ici le parti de vous faire confiance et de croire que les emplois qu’ont occupé votre épouse et vos enfants n’ont rien eu de fictif. Ce dont vous ne semblez pas prendre conscience, c’est du décalage, encore une fois, entre votre vie et celle de vos concitoyens. Et à travers vous, c’est à toute la classe politique des élus que je m’adresse. La fameuse élite. De l’ancien français eslit, (choisi) ou du latin eligere, (choisir).
Permettez-moi à présent une petite digression pour éclairer un peu mon propos. Certes, personne, ou presque, ne conteste la légalité d’un procès verbal dressé pour excès de vitesse. Mais il n’en demeure pas mois que devoir payer 90€ d’amende pour un dépassement de la vitesse autorisée de moins de 5km/h le 15 du mois (ou à n’importe quelle date, d’ailleurs), quand il ne vous reste que 100 ou 200€ jusqu’à la prochaine paye, c’est très agaçant. Personne ne conteste la légalité de l’impôt sur le revenu. Mais les Français sont toujours très agacés de recevoir leur feuille d’imposition. Personne ne conteste que pour pouvoir se chauffer, il faut payer son fioul, son électricité ou son gaz. Personne, jamais, ne conteste la légalité des augmentations de tarifs que les Français subissent régulièrement : essence, gaz, péages d’autoroutes, pain, etc..., etc... Il n’en demeure pas moins que ces augmentations sont agaçantes. Et qu'elles sont subies par des millions de Français qui peinent à trouver un travail, et qui, quand ils en ont trouvé un, peine à le conserver !
Le salaire moyen en France, dois-je vous le rappeler, est de 2202€ net. Je dis bien : “salaire moyen”. Le salaire net médian lui, s’élève à 1 772€ par mois. (le salaire médian permet de diviser la population en deux catégories : 50% des Français perçoivent moins de 1772€ équivalent temps plein par mois et 50% des Français perçoivent plus de 1772€ équivalent temps plein par mois). Source : INSEE 2016.
1772€ net par mois. Votre serviteur, pourtant diplômé en optique, n’en est même pas là... Et nous n’avons pas le choix. Lorsque l’on passe un entretien d’embauche, bien-sûr, on demande plus. Mais on nous répond que la conjoncture ne permet pas de nous donner plus, qu’il y a les charges salariales, patronales, que nous n’avons pas l’expérience nécessaire, qu’il y a les 35 heures, que le marché du travail est tel que... Bref. Si on n’est pas content, il y a du monde à la porte qui attend de prendre notre place. Alors on se résigne et on prend ce qu’on trouve.
Tout cela est certes, bien agaçant.
Autant de choses agaçantes dont vous et votre famille n’avez pas conscience. Quand je dis “conscience” cela signifie que vous ne l’avez pas expérimenté dans votre âme, dans votre chair. Bien-sûr, vous avez entendu parler de ces difficultés. Vous savez qu’elles existent. Mais vous ne les avez pas vécues vous-même. Moi, pour prendre un exemple qui va vous parler, j’ai entendu parler de la Porsche 911 GT3 RS. J’en ai même vu passer une Boulevard des Belges, à Rouen, un jour. J’en vois à la télévision ou dans les journaux. Je sais donc qu’elle existe. Mais je n’en ai jamais conduit. Ni n’en possèderai jamais une, hélas. Je ne l’ai donc jamais expérimentée. Voyez-vous où je veux en venir ?
Voilà ce qui vous différencie, ce qui vous éloigne de la vie réelle, de la vie quotidienne de millions de français. Songez : qui a aujourd’hui dans ce pays, la possibilité (et notez que j’emploie le terme “possibilité” plutôt que “pouvoir”) d’employer les membres de sa famille, épouse, enfants étudiant en Droit, pour un salaire moyen de 3677€ net par mois ? Soit 1905€ de plus que le salaire médian... Qui monsieur Fillon ? Quel étudiant en Droit gagne plus de 3000€ net par mois en suivant ses études ? (Ma fille, étudiante en Droit, amerait bien !) Combien de personnes, même ultra-diplômées, gagnent 3677€ par mois en France aujourd’hui ? Combien, monsieur Fillon ? Et notez encore une fois, que je vous pose la question sans remettre en cause d’une façon ou d’une autre la réalité éventuelle des emplois que j’évoque, ceci étant un autre débat. Or il y a quand même un point important à souligner ici : les salaires dont je parle ont été payés avec de l’argent public dont vous disposiez à l’époque. Oui, oui, je sais, je vous ai entendu : d’autres que vous ont profité de “ce système que les Français rejettent aujourd’hui”.
O tempora, o mores !
L’autre question étant : combien d’entre nous renonceraient à cette possibilité, si ils l’avaient... Certes. Mais ceux-là, sachant qu’ils ont profité d’un système légal mais pas très égalitaire vis-à-vis des autres Français, ne brigueraient pas un mandat Présidentiel en criant sur les toits que ce n’était pas bien et qu’il ne faut plus le faire. Ils resteraient sagement chez eux et feraient profil bas. Tout honteux d’eux-même et de leur petit confort personnel. Vous n’avez pas cette lâcheté. Et c’est tout à votre honneur. Mais c’est précisément ce qui vous éloigne de la réalité quotidienne des Français. Et c’est précisément la raison pour laquelle, malgré votre courage, ni le peuple, ni même ceux qui vous ont fait confiance jusqu’ici, ne voteront en masse pour vous et vous ne serez pas élu Président de la République Française. Alors renoncer ? Certainement pas ! Ce serait ouvrir un boulevard au Front National. Non, restez. Ça arrange tout le monde. Et puis cela va diluer les voix au premier tour pour mieux les rassembler au second. Alors peut-être, pourrons-nous enfin avancer dans ce pays et changer les choses !
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