Levée de boucliers...fiscaux !
Les lobbies sont là et bien là pour faire pression sur les députés au moment où ces derniers ébauchent une timide réforme des niches fiscales. Sous l’action puissante et déterminée de ces lobbies et sous l’effet aussi du clientélisme politique, se sont créés au fil du temps de véritables "acquis fiscaux" défendus par des enragés : "Dans chaque niche, il y a un chien qui mord", déclare non sans humour le rapporteur de la commission des finances de l’Assemblée.
Mais alors que d’aucuns rêvent de lever les niches fiscales, c’est à une levée de boucliers de la part des lobbies que l’on assiste. Défenseurs des inégalités fiscales dont ils sont les profiteurs, ils se revendiquent lobbies, sans complexe, et avancent d’un même pas, décidés à faire capoter le projet de dispositif de plafonnement examiné lundi 17 novembre par l’Assemblée nationale. Ce travail de lobbying a déjà été mené auprès des ministères.
Le but du lobbying est de créer et défendre les niches fiscales afin de profiter en toute légalité de baisses d’impôts. La défiscalisation profite majoritairement aux ménages aisés qui peuvent par ce biais réduire, voire supprimer complètement, leur impôt sur le revenu, et aux groupes d’intérêts qui augmentent ainsi leurs profits. Cela a un coût, énorme en termes de manque à gagner pour l’Etat qui se rattrape sur l’ensemble des contribuables. Le Conseil des impôts dressait le constat, il y a 8 ans, que les 10 % des ménages les plus aisés bénéficiaient de 86 % des réductions d’impôt et de 36 % des déductions en base.
Cette façon de conduire la politique fiscale est anticonstitutionnelle puisqu’elle heurte le principe de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, principe selon lequel la contribution commune « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Or, de très riches ménages échappent complètement à l’impôt grâce à la combinaison de nombreuses niches fiscales et de choix judicieux, tandis que la masse des contribuables doit payer plus pour compenser cette perte.
Le but affiché des niches fiscales est bien sûr, en théorie et au départ, de soutenir un secteur économique en difficulté ou de venir en appui à des choix politiques. Mais l’impact et l’efficacité de ces "paradis fiscaux" ne sont pas vraiment évalués. Par ailleurs, les déviances du système apparaissent très vite et les profiteurs s’enrichissent. L’illisibilité de plus en plus grande permet aussi de consolider ces avantages acquis. Ainsi tout dernièrement la niche fiscale votée pour favoriser une minorité dont Bolloré, l’ami du président (lire "Sarkozy offre une niche fiscale à son ami Bolloré"), a fait l’objet de plusieurs pages techniques incompréhensibles pour les députés.
Les députés ont donc travaillé en séance pour revoir les dispositifs des niches fiscales. Etaient particulièrement visées les niches fiscales liées à l’investissement dans les Dom-Tom (loi Girardin) et les niches fiscales relevant de la loi Malraux sur l’achat et la rénovation d’appartements classés en secteur sauvegardé.
Dans la nuit du 18 novembre, les députés ont finalement voté le plafonnement des niches fiscales. Un dossier spécial de l’Express explique ce qui a changé.
En cette période où l’Etat a besoin d’argent, s’endette de plus en plus, et s’apprête même à ponctionner sur les comptes d’épargne (la question est à nouveau d’actualité !), les citoyens auraient pu espérer un vote audacieux permettant de réduire les privilèges tout en renflouant les caisses vides. Or, Gilles Carrez, rapporteur UMP du budget et auteur de l’amendement, évalue le surplus de recettes pour l’Etat à 200 millions d’euros. Seulement ! Le coût de la totalité des niches fiscales se chiffre lui à 73 milliards d’euros en 2008. Si encore les députés, les sénateurs, les ministres et l’Elysée, acceptaient de revoir à la baisse leur train de vie, mais ce ne sera pas le cas. Les Français doivent encore se préparer à de nouveaux sacrifices...
Quant au rôle des lobbies, indéniable dans le résultat final des discussions, le compte rendu des débats permettra de juger à quel point ils ont influencé le vote des députés.
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