Liberté chérie
Plus de 200 000 manifestants ont défilé dans les rues samedi dernier contre le pass sanitaire. Les libertés sont-elles leur seule motivation et de quoi parle-t-on quand on évoque les libertés ?
Retour sur la gestion de crise…
Gestion bienveillante ou cynique ? Depuis 18 mois, face à la pandémie, l’état de santé des français est au centre des discussions mais le gouvernement ne prend pas uniquement ses décisions en fonction de ces considérations sanitaires. L’aspect maintien et relance de l’économie entre pour beaucoup dans la réflexion sur les mesures à prendre, selon qu’on se positionne en début de crise ou maintenant.
Les dénis de départ puis les décisions successives, prises parfois à la volée et pas toujours en cohérence avec le corps médical (masques, tests, confinement/déconfinement, stratégie vaccinale, pass sanitaire,…), mais toujours sous le regard critique des « partenaires économiques » expliquent sans doute le louvoiement politique depuis 2020 entre l’option sanitaire et l’option économique avec bien entendu, en toile de fond, l’échéance électorale de 2022...
Le gouvernement réfléchit sa stratégie avec un œil sur les comptes publics et l’autre sur le PIB. Il songe d’abord à relancer la machine pour que la « mondialisation heureuse » continue de fonctionner. Le déficit budgétaire et la dette atteignant des records, le « quoi qu’il en coûte » n’est plus tenable et c’est clairement l’option économique qui tient la rampe aujourd’hui avec la vaccination de masse qui est son bras armé.
Les nouvelles mesures et leurs limites
Le discours du 12 juillet avec le fameux pass sanitaire avait comme objectif premier de faire se précipiter les français dans les centres de vaccination, ce qu’ils ont fait et continuent de faire. Objectif atteint, donc.
Placé devant ses propres contradictions ou ses outrances, à moins que cela ne fasse partie du plan com global, le gouvernement, maintenant que la vaccination de masse semble acquise, opère quelques replis stratégiques. C’est le cas pour les 72 heures de validité du test PCR ou encore les autotests validés en pharmacie, sans compter le recul sur le contrôle des personnes positives confinées chez elles, ou bien encore les petits aménagements sur l’accès dans les centres commerciaux, sachant que pour contrôler tout ça avec les forces de l’ordre, il faudrait des moyens que l’Etat ne peut pas dégager.
La mise en œuvre concrète n’est pas sans poser de questions, en particulier aux professionnels chargés d’effectuer les contrôles, qui, oubliant de parler des aides précédentes (baisse de la TVA sur la restauration, par exemple) réclament des indemnisations à l’Etat pour le surcroit de travail que cela procure pour filtrer les clients. Il n’y a pas de petits profits. Ils ont obtenu de ne pas avoir à vérifier les identités des porteurs de pass.
Je vois ici et là des articles sur ce fil dans lesquels des « défenseurs des libertés » présentent ces reculs comme « une grande victoire » de leur mouvement ou appellent à la grève générale. Quand ils auront compris qu’ils se sont fait rouler dans la farine, le réveil sera brutal.
En ce moment, les « sachants » et autres éditorialistes s’obligent à rester poli et adoptent des prudences de sioux quand ils qualifient ce mouvement « pour les libertés », alors que les mêmes n’avaient pas de mot assez forts contre les gilets jaunes. Cela donne à réfléchir et indique que le gouvernement table sur la fin en douceur de la contestation.
Alors ce mouvement ?
Autant être clair tout de suite, je n’en fait pas partie mais je comprends, dans une certaine mesure, le mécontentement qu’il exprime, encore faut-il avoir un regard critique sur ses composantes et le contour des revendications.
Je comprends que certaines catégories n’aiment pas qu’on leur force la main pour se faire vacciner (soignants et pompiers, par exemple). Pareil pour d’autres manifestants qui, vaccinés, mais soucieux de l’entorse faite aux libertés, défilent.
Je suis plus prudent en ce qui concerne les antivax dont je ne partage pas le point de vue, et dont quelques-uns pensent que le traitement par les plantes (graine de nigelle ou artémise, notamment) ou par des médicaments qui n’ont jamais été validées contre le virus, pourrait les guérir.
C’est aussi chez les antivax que l’on trouve certains partisans du complot mondial qui va de « big pharma » au déni de la défaite de Trump avec dénonciation d’actes de pédophilie chez les démocrates en passant par l’annonce de l’arrivé de chars d’assaut à Washington le jour de l’investiture de Biden, et bientôt sans doute en France...
Après, bien sûr, et c’est inévitable, on va trouver quelques représentants de groupuscules politiques en mal de reconnaissance et qui font le grand écart entre la défense des libertés et leur discours pro vaccination.
Bref, la cohabitation dans les manifestations ne doit pas être de tout repos surtout si on rajoute les joyeux amalgames nazis ou antisémites qui circulent encore dans les défilés et il vaut mieux être bien vacciné contre la bêtise et l’ignorance et solidement motivé quand on défile en cette compagnie sous la banderole des libertés.
Alors, les libertés, quelles libertés ?
Tout mouvement protestataire, pour aboutir, doit afficher un minimum de cohésion et fédérer. Les gilets jaunes dont les revendications s’appuyaient sur le coût de la vie et le mépris de l’intelligentsia pour les « territoires » situés à plus de 30 Kms d’une métropole, avaient intégré ce principe.
Dans le mouvement actuel, on ne voit pas cette cohésion indispensable, cette communion de pensée, et le mot liberté n’a pas le même sens pour tous. Il est là l’écueil qu’avaient su éviter les gilets jaunes.
Vous parlez de libertés individuelles, de dictature, de collaboration en montrant du doigt ceux qui ne pensent pas comme vous, comme dans un combat perdu d’avance... Vous n’arriverez pas à ébranler le système qui est basé sur le fric. C’est là votre erreur, désigner à la vindicte tous les « autres », de manière indifférenciée en les traitant de collabos. Les gouvernements changent, font et feront toujours la même politique, celle que leur demandent de faire les habitués de Davos et les mégalos qui ne savent plus faire de leur fric et s’envoient en l’air dans leurs fusées.
Alors pourquoi cet engouement soudain et partiel pour les libertés, slogan fourre-tout censé unifier, sans analyse préalable, et qui rate sa cible ? Et de quelles libertés parle-t-on ? Elles ne se résument pas au combat contre un pass sanitaire, sachant par ailleurs que nous sommes tous les acteurs bienveillants de la restriction de nos libertés au quotidien, depuis longtemps.
La vie actuelle et les facilités qu’elle offre, restreint nos libertés mais nous fermons les yeux, par paresse, par facilité, dès qu’on nous propose de nous connecter à un réseau social ou à une enceinte connectée qui enregistre nos conversations, le tout faisant les choux gras des propriétaires de ces technologies qui feront fructifier leur business sur l’abandon consenti de nos libertés…
Grâce à cette communication volontaire de nos données personnelles et de santé, les traces de nos achats par cartes bancaires, nos clics sur les réseaux sociaux, nos commandes en ligne…, les maîtres du net disposent d’une masse d’information qu’ils valorisent en les revendant à des sociétés qui ne manqueront pas de vous fourguer un produit ou un abonnement dont vous n’avez pas besoin.
Parfois, par nos exigences, notre vote, nous acceptons des lois sécuritaires en oubliant qu’elles pourraient être utilisées contre nous. Nous sommes friands de vidéo sécurité, dans les commerces, les stades ou bien encore dans des villes sans poser la question essentielle de l’atteinte à nos libertés que tout cela engendre. Bientôt la reconnaissance faciale ? Et pour faire bonne mesure à un contrôle social en bonne et due forme, permettant de mater les oppositions ?
Alors, lorsqu’on parle de défense des libertés il faut en cerner précisément les contours, ne pas en oublier, bien choisir ses cibles, ne pas faire de fixation uniquement sur telle ou telle mesure conjoncturelle, et surtout veiller à ce que cette quête ne restreigne pas les libertés des autres.
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