Deux républiques sont
possibles...(sans quenelle)
L’une abattra le drapeau tricolore sous le
drapeau rouge, fera des gros sous avec la colonne, jettera à bas la
statue de Napoléon et dressera la statue de Marat, détruira
l’Institut, l’école polytechnique et la légion d’honneur,
ajoutera à l’auguste devise : Liberté, égalité, fraternité,
l’option sinistre : ou la Mort ; fera banqueroute, ruinera les
riches sans enrichir les pauvres, anéantira le crédit, qui est la
fortune de tous, et le travail, qui est le pain de chacun, abolira la
propriété et la famille, promènera des têtes sur des piques,
remplira les prisons par le soupçon et les videra par le massacre,
mettra l’Europe en feu et la civilisation en cendres, fera de la
France la patrie des ténèbres, égorgera la liberté, étouffera
les arts, décapitera la pensée, niera Dieu ; remettra en mouvement
ces deux machines quine vont pas l’une sans l’autre, la planche
aux assignats et la bascule de la guillotine ; en un mot, fera
froidement ce que les hommes de 93 ont fait ardemment, et, après
l’horrible dans le grand que nos pères ont vu, nous montrera le
monstrueux dans le petit.
L’autre sera la sainte communion
de tous les français dès à présent, et de tous les peuples un
jour, dans le principe démocratique ; fondera une liberté sans
usurpations et sans violences, une égalité qui admettra la
croissance naturelle de chacun, une fraternité, non de moines dans
un couvent, mais d’hommes libres ; donnera à tous l’enseignement
comme le soleil donne la lumière, gratuitement ; introduira la
clémence dans la loi pénale et la conciliation dans la loi civile ;
multipliera les chemins de fer, reboisera une partie du territoire,
en défrichera une autre, décuplera la valeur du sol ; partira de ce
principe qui veut que tout homme commence par le travail et finisse
par la propriété, assurera en conséquence la propriété comme la
représentation du travail accompli, et le travail comme l’élément
de la propriété future ; respectera l’héritage, qui n’est
autre chose que la main du père tendue aux enfants à travers le mur
du tombeau ; combinera pacifiquement, pour résoudre le glorieux
problème du bien-être universel, les accroissements continus de
l’industrie, de la science, de l’art et de la pensée ;
poursuivra, sans quitter terre pourtant et sans sortir du possible et
du vrai, la réalisation sereine de tous les grands rêves des sages
; bâtira le pouvoir sur la même base que la liberté, c’est-à-dire
sur le droit ; subordonnera la force à l’intelligence ; dissoudra
l’émeute et la guerre, ces deux formes de barbarie ; fera de
l’ordre la loi des citoyens, et de la paix la loi des nations ;
vivra et rayonnera ; grandira la France, conquerra le monde ; sera,
en un mot, le majestueux embrassement du genre humain sous le regard
de Dieu satisfait.
De ces deux républiques, celle-ci
s’appelle la civilisation, celle-là s’appelle la terreur. Je
suis prêt à dévouer ma vie pour établir l’une et empêcher
l’autre."......DISCOURS ÉLECTORAL DE VICTOR HUGO APRÈS LES
ÉLECTIONS DE 1848... !