Louis Le Pensec, précurseur du socialisme breton

Il mesurait 1 mètre 90. L'ancien ministre socialiste Louis Le Pensec est mort ce mercredi 10 janvier 2024 à l'hôpital de Quimperlé, deux jours après son 87^e anniversaire. Il était le pilier finistérien de la Mitterrandie, de la belle époque du socialisme triomphant et arrogant, à l'époque où le gouvernement était truffé de jeux de mots avec les Defferre, Delors, Cresson, Lang, Mexandeau, Lalumière, Autain, etc. Louis Le Pensec, lui, était à la Mer et plus tard, à l'Outre-mer, même à l'Agriculture et de la Pêche, pas de quoi être au sec, mais au moins ministre de la rigueur et de l'alimentaire !

Employé à la Snecma (industrie aéronautique) puis à la Saviem (construction automobile), Louis Le Pensec a été élu maire de Mellac en 1971, un petit ville de 3 000 habitants dans le Finistère. Il fut réélu sans interruption jusqu'en juin 1997. Deux ans plus tard, en mars 1973, il s'est fait élire député à l'âge de 36 ans, le premier député socialiste du Finistère. Il a été réélu jusqu'en juin 1997 (y compris réélu en juin 1997). Il fut élu également conseiller général du Finistère, dans le canton de Quimperlé, de 1976 à 2008. Grâce à son élection de parlementaire, il a gravi assez rapidement les échelons au sein du parti socialiste jusqu'à devenir un proche de François Mitterrand.

À la victoire de ce dernier à l'élection présidentielle de 1981, Louis Le Pensec, classé comme rocardien dans les subtiles équilibres socialistes parce qu'il faisait partie des tenants du réalisme économique, a fait partie des premiers ministres nommés : il fut nommé Ministre de la Mer du 22 mai 1981 au 22 mars 1983 dans les deux premiers gouvernements de Pierre Mauroy et a refusé la proposition de Pierre Mauroy et François Mitterrand de rester dans le nouveau gouvernement parce qu'il n'aurait été plus que secrétaire d'État. Il a provoqué une élection législative partielle et s'est fait réélire député le 8 mai 1983 et a siégé à nouveau à l'Assemblée Nationale.

À la réélection de François Mitterrand en 1988, Louis Le Pensec est revenu dans les bagages gouvernementaux : il retrouva très brièvement le Ministère de la Mer du 10 mai 1988 au 28 juin 1988 dans le premier gouvernement de Michel Rocard, puis fut nommé Ministre des départements et territoires d'outre-mer du 28 juin 1988 au 29 mars 1999 dans les gouvernements de Michel Rocard, Édith Cresson et Pierre Bérégovoy avec notamment la délicate tâche de finaliser et faire appliquer les Accords de Matignon en Nouvelle-Calédonie. Il a été également porte-parole du gouvernement du 14 février 1989 au 15 mai 1991.



Le retour de la gauche au pouvoir en 1997 a ramené une fois encore Louis Le Pensec au gouvernement, celui de la gauche plurielle de Lionel Jospin, cette fois comme Ministre de l'Agriculture et de la Pêche du 4 juin 1997 au 20 octobre 1998. Comme demandé par le Premier Ministre, il a démissionné de son mandat de maire de Mellac en redevenant ministre (mais resta adjoint au maire jusqu'en mars 2014).

En mars 1998, il fut réélu conseiller général et surtout, pour la première fois, la gauche était majoritaire au conseil général du Finistère. La voie lui fut ouverte pour être élu président du conseil général du Finistère mais Louis Le Pensec préféra rester au gouvernement. Pas pour longtemps, jusqu'à l'automne où il s'est fait élire sénateur du Finistère (il quitta alors le gouvernement avant les renégociations européennes de la politique agricole commune). Il fut sénateur pour un seul mandat, de septembre 1998 à septembre 2008.

À partir de 2005, il était avocat d'arbitrage au sein du cabinet de Tony Dreyfus (1939-2023), un autre parlementaire et ancien ministre rocardien. Malgré son retrait de la vie politique, il est resté fidèle au PS, participant même le 15 septembre 2013 à la prairie Saint-Nicolas, à Quimperlé, dans son ancienne circonscription, à une Fête de la rose un peu particulière puisqu'il était lui-même à l'honneur pour ses quarante ans de vie politique nationale, l'occasion pour lui de plaisanter : « La Fête de la rose me met à l'honneur. En même temps que les Journées du patrimoine. Je n'ose y voir un lien... ». Louis Le Pensec a apporté son soutien à Ségolène Royal à l'élection présidentielle de 2007 et à Benoît Hamon (ancien rocardien) à celle de 2017.

Le Président Emmanuel Macron, qui l'a fait officier de la Légion d'honneur en janvier 2021, lui a rendu hommage : « Figure émergente du socialisme breton, marqué par la modération et l’humanisme (…), comme Ministre de la Mer, le premier de plein exercice (…), il tenta de concilier le soutien au secteur, l’ambition maritime de la France, et la construction d’une "Europe bleue". (…) Les Accords de Matignon de 1988, fondateurs pour la paix dans le territoire [de Nouvelle-Calédonie], furent aussi l’œuvre de ce négociateur inlassable, interlocuteur passionné, au sens de l’humain précieux. Il quitta la rue Oudinot après cinq ans, un record de longévité, et au terme d’une action largement saluée au-delà des clivages partisans. (…) En charge de l’agriculture et de la pêche, il prépara la loi d’orientation agricole de 1999, votée à l’unanimité, qui inscrivit la dimension sociale et environnementale de notre agriculture, et apporta des progrès concrets pour les agriculteurs, revalorisant les retraites et jetant les fondations d’un statut du conjoint. (…) Louis Le Pensec était un nom, une figure, une autorité, en Bretagne, en socialisme et au-delà. ». Réagissant lui aussi à la disparition de l'ancien ministre socialiste, le président du conseil régional de Bretagne Loïg Chesnais-Girard (ex-PS) a déclaré : « Louis Le Pensec faisait partie de ces hommes qui imposent le respect et se posent, aussi, comme modèles (…) Nous lui devons tous quelque chose et son parcours doit continuer de nous inspirer. ».


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Sylvain Rakotoarison (10 janvier 2024)
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