Luc Ferry : opération démolition
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Faut-il tout dire, même si on en a gros sur le cœur ? C’est la méditation pascalienne du Canard Enchaîné à l’adresse du contempteur ? Depuis « sa sortie » où le philosophe a mis en cause un ancien ministre qui se serait fait poisser « avec des petits garçons à Marrakech », l’auteur de la Révolution de l’amour n’en finit plus de faire les choux gras de la presse. Entendu par la police pour confirmer ses allégations, mis au ban de la société pour non- dénonciation de crime à l’étranger, le voilà à présent accusé d’occuper un emploi fictif et d’être rémunéré grassement par l’université Paris-VII (« 4500 euros net »). Une affaire qui surgit juste après ses déclarations tonitruantes… Une corrélation qui n’échappe pas à l’acuité sardonique de l’intéressé dont la réaction agace des milieux sentencieux. Trop heureux de voir l’érudit en difficulté : « Un hasard ! Que l’on me pende à un fraisier. » Si l’intellectuel avait ravalé sa langue, serait-il la cible de tirs croisés ? On peut en douter. Les lois de la politique comme celles du Seigneur sont « impénétrables », opaques. Franz-Olivier Giesbert avait prévenu le penseur, peu de temps avant que celui-ci n’entre au gouvernement Raffarin. Il lui avait dit « de porter un flingue », « un couteau. » Le stylo et les livres, on le devine, n’étant d’aucune utilité pour le job. C’était sans compter sur l’opiniâtreté légendaire de Ferry, en digne héritier des premiers instituteurs de la Troisième République.
Que le Canard Enchaîné révèle des affaires pour assurer le service après-vente, c’est de bonne guerre. Mais qu’il accepte des sources d’une officine qui cherche à mater « le dandy » pour qu’il se rétracte, c’est autre chose. L’hebdomadaire adore faire tomber les rois, surtout lorsqu’ils gagnent de l’argent, qu’ils roulent avec des bolides. Les attaques personnelles à longueur de colonnes sur un train de vie luxueux, le ressentiment de classe minorent « la fraude » et rendent « le condamné » plaisant après lecture. Malgré les piques, les mises à l’index. « Mais les choses de l’esprit ne nourrissent pas son homme, surtout quand il a une jaguar à décapoter et une Marie-Caroline née Becq de Fouquières comme épouse. Luc Ferry sera donc philosophe et avec des pépettes. Heidegger dans une main, le carnet mondain dans l’autre : Villepin, le couple Orban, Marek Alter… et les frères Bogdanoff, avec qui le couple Ferry passe chaque Nouvel An. « Ils sont très sympas et désintéressés », assure notre prix de vertu. » A bon entendeur salut.
Plus que de narguer le fisc et l’artisan surendetté, la brigade des mœurs francilienne lui reproche de ne pas plagier Onfray, de déserter l’Université populaire. De troquer la raison, la révolte pour le Rotary, le Medef : « La vedette chronique aussi dans « Le Figaro » – près de 1500 euros l’article – et sur LCI. Et multiplie les conférences. Car s’il oublie de disserter à la fac, il répand ses lumières un peu partout ailleurs, dans des temples de la pensée comme la chambre de commerce du Havre ou le Royal-Thalasso de la Baule. Tarif : 6500 euros net pour lui. » Qu’il ait installé « une salle de fitness » au Ministère pour plaire à Caroline, « qu’il mange des amandes au lit », « qu’il ait le sens politique d’une huître », ne change rien à la démarche. Le Canard a beau déplorer l’esprit people du philosophe…il se gave du Tout Paris pour cadrer sa cible, tuer la bête. Cet hebdomadaire, encore fasciné par Saint-Just – « pas de liberté aux ennemis de la liberté »- et les procès expéditifs sous couvert d’égalitarisme, de hantise des puissants, démontre une fois de plus, qu’il préfère la chasse à cour, le moralisme… à l’investigation. C’est plus rentable et ça ne mange pas de pain. On préfère sortir « les diamants de Bokassa », les frais de bouche de Roland Dumas que remonter la piste d’un scandale d’État qui sonnerait le glas d’une République désenchantée, « malade ». Courage, fuyons ! C’est le single des déchaînés, forts avec les faibles, faibles avec les forts.
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