M’enfin... il a raison, le président !
Scandale en France. Un contrat, des pots-de-vin, des fonds pour une campagne électorale... Des centaines de millions et en musclé. Les ententes n’ont pas été respectées. Attentat, une douzaine de morts... Il y a 14 ans...
Dans son entrevue du 19 juin au Nouvel Obs, largement diffusée et enregistrée sur video, le Président Sarkozy nous assène une grande vérité : “On est dans un monde où tout se sait”. Il nous l’a dit franchement et en toute sincérité. Il a bien raison. La preuve définitive en est à se faire, puisque tous les faits de cette transaction avec le Pakistan pour l’achat de ces sous-marins de la DCN sont en train de sortir un à un, comme les petites détails émoustillants d’une photo porno dans un bain d’acide.
Il n’est pas exclu, d’ailleurs, que le secret qui tombe en cette affaire fasse aussi tomber celui entourant les frégates de Taïwan, car qui sait si la discrétion concernant l’une n’était pas conditionnelle à celle devant s’appliquer à l’autre… ? Tout pourrait bien se savoir.
Il aura fallu 14 ans, mais on commence à voir clairement que quelqu’un a signé un contrat au nom de la France et ne l’a pas respecté. Contrat de corruption, mais celui qui ne paye pas a ici la vertu de celui qui filoute les filles dans une maison de passe : il est moins respectable que sa respectueuse. Voilons-nous la face, mais ayant passé 30 ans de ma vie à négocier des contrats dans le tiers-monde, je dois vous avouer pudiquement que j’ai déjà ouï de semblables pratiques et des bavures auxquelles elles peuvent donner lieu.
Une grande pudeur est ici de rigueur, car un certain demi-monde de violence n’est jamais bien loin des transactions importantes où l’État intervient. L’État, par définition, dispose de la force pour trancher arbitrairement les noeuds gordiens, mais la violence est latente, aussi, de quiconque veut traiter avec l’État ; il serait trop souvent berné s’Il ne disposait pas de quelques arguments du même genre. Rien de neuf. Il y a déjà 30 ans que Toffler digressait sur le facteur “yakuza”.
La grande surprise, dans ce dossier, semble son aspect inachevé… Il semble étonnant qu’on ait lancé cet avertissement – car tuer quelques innocents n’est toujours qu’un avertissement – puis que tout le monde soit passé à autre chose. Il semblerait plus logique que la commission ait alors été dûment payée à qui de droit ou que d’autres violences se soient produites. Violences visant plus directement les responsables du défaut de payer… ou faisant table rase des protestataires qui n’auraient pas eu la force de poursuivre jusqu’au bout leur procédure de recouvrement.
Si quelqu’un veut vraiment suivre cette affaire, il faudrait donc voir si les commissions réclamées n’ont pas été versées à partir d’autres comptes dont un État doit disposer pour faire face à ce genre d’urgences. Il faudrait voir, aussi, si l’un ou l’autre de ceux dont les noms circulent en ce dossier – ou l’un de leurs proches – n’aurait pas été victime d’un accident dans les semaines qui ont suivi l’attentat. Voir, enfin, si quelques-uns des intervenants pakistanais ou des intermédiaires n’auraient pas disparu de la scène publique à cette époque.
Je dis bien : “Si quelqu’un veut vraiment suivre cette affaire”. Je ne le veux pas. Je doute fort que quelqu’un le veuille. La corruption, qui est le péché de Judas et qui a gangrené la gouvernance dans tous les pays qui sont ou se prétendent des démocraties, frôle malheureusement maintenant son niveau d’incompétence : le seuil de désordre où elle peut céder la place à la simple extorsion.
Ce n’est pas une coïncidence, si le capitalisme est en phase terminale. Maintenant que l’industrialisation a apporté l’abondance, le pouvoir ne dépend plus de la richesse ; le pouvoir peut s’accaparer la richesse qu’il veut en manipulant les symboles. Il peut reprendre sa place de prédilection. Sa place au bout d’un fusil.
Pierre JC Allard
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