MACRON : de la Révolution au grand recyclage
Révolution ! Face à Mélenchon et Marine Le Pen, notre Président-produit n’a pas été en reste. Réinventant l’eau chaude, l’homme marche n’a eu de cesse de dénoncer la stérilité du clivage gauche-droite. Mais lui, parce que nouveau, allait faire ce qu’il annonçait, le grand renouveau, une véritable révolution. Macron ne dort pas encore à l’Elysée quand déjà le recyclage de l’oligarchie s’organise, une redistribution des cartes entre mêmes joueurs, FN compris. La voici donc en marche « la révolution démocratique » grâce à laquelle la France va enfin entrer dans le XXI siècle…
La Révolution
Macron y est allé franco. Sans gêne aucune, il a repris à son compte le mot central du mythe républicain : Révolution, titre choc de son opuscule de campagne. Homme auto-proclamé de la mémoire démocratique du pays, notre expert en histoire-géo ne semble pas s’être rendu compte que le dernier recours à ce concept sacré date de 1940 quand le maréchal Pétain a lancé sa politique de Révolution nationale. Avec celle-ci, du moins, la réalité fut conforme à l’annonce, le régime des partis a disparu, tout autant que la vie parlementaire, que les loges maçonniques et d’autres choses encore. Je laisse de côté la révolution tralali, la révolution tralalère de soixante-huit, chantée par Léo Ferré. Pour avoir porté l’esprit matérialiste des Lumières à son pinacle, elle n’aura eu d’autre effet sur les institutions politiques que de leur faire « digérer » les artisans de la colère. Maoïstes, trotskistes, spontanéistes, situationnistes, tous ont été recyclés en cossus maîtres à penser de la boboïtude, ils votent Macron comme un seul homme pour repousser la bête immonde…
L’ère des recyclages
Après l’ère des révolutions de tous poils, ce XIXe siècle qui aura duré, tout compte fait, jusqu’en 1945, nous connaissons l’ère des recyclages. Les savants allemands recyclés pour concevoir les fusées américaines ou russes, les nazis en fuite recyclés par la CIA, tant d’anciens vichystes recyclés en socialistes bon teint, notre empire noir africain recyclé en France Afrique avec les chefs des armées de libération recyclés en potentats outranciers, et la liste n’est pas close.
Indiquons pour sa gouverne à notre cher Emmanuel que ce XXIe siècle qu’il s’est vanté d’inaugurer, « lui, Président de la République » risque de se faire attendre. L’histoire ne fonctionne pas selon la cadence des calendriers.
Tant de choses ont pourtant bel et bien changé. L’Etat providence, les droits sociaux sans cesse plus étendus, la croissance économique continuelle, la natalité venant rajeunir une Europe saignée en huit ans de guerre fratricide, la construction européenne promesse de force et de richesse, tout cela s’est nettement effrité.
« C’était mieux avant » sont tentés de dire nombre d’humbles et grands esprits. Mais ce mieux qu’ils regrettent était depuis longtemps condamné. En un monde qui conservait des traits ancestraux, l’élan du bouleversement radical était donné. Si la réalité a mis du temps pour s’accorder entièrement à la logique profonde du libéralisme, nous explique le philosophe Jean-Claude Michéa, cela est dû à la résistance des gens modestes, les ouvriers tout particulièrement. Sous couvert du triomphalisme positiviste-capitaliste, ils ont développé une contre-culture populaire, orientée par des repères moraux, animée par un habitus de lutte sociale, rassérénée par des solidarités locales et portée par une certaine fierté d’appartenance, une identité dirait-on ces temps-ci.
Cependant, tel un feu qui a couvé sans être remarqué pour surgir soudain comme l’effet d’une explosion, le système libéral a vu sa course fortement s’accélérer au début des années 90. La mondialisation des échanges s’est emparée de presque tout, s’imposant à tous égards en modèle sans alternative. Le processus tirait cependant ses racines loin dans le passé. Avatar du « laisser faire, laisser passer », ce qu’on désigne aussi, pour faire english, par le terme incongru de « globalisation », était contenu dans la notion ancienne de division internationale du travail. Que chaque production s’établisse là où l’optimisation des coûts la guide et, de la même façon qu’une « main invisible » équilibre les prix au sein d’un marché sans contrainte, la production à l’échelle planétaire verra ses performances sans cesse améliorées par une mécanique de spécialisation, chaque pays, dire plutôt chaque territoire, fournissant telle ou telle gamme de produits ou services ; spécialisation provisoire, le mouvement effréné du capitalisme libéré étant imprévisible.
Au lecteur qui se demandera si je ne l’ai pas berné avec mon titre, je répondrai que cette incise définit le tableau général dans lequel s’inscrit la supposée révolution d’En Marche, devenu La République En Marche. La fin de l’ancien monde, l’aube nouvelle, cela a vraiment démarré en 1945 et depuis lors, rien n’a arrêté la mise en place, la domination d’un ordre nouveau, ô pas celui prôné par les nazis pour leur Europe nouvelle. L’ordre nouveau capitaliste, l’achèvement en France de cet ordre nouveau, est le vrai projet de l’opération Macron Président. L’été qui s’annonce en sera le premier épisode avec la réforme – entendre régression – du droit du travail mise en œuvre par une série d’ordonnances, donc sans débat ni vote au Parlement.
Sempiternelle fin du clivage droite-gauche
Si Macron n’a pas dissimulé sa volonté de libérer encore plus l’élan capitaliste, il ne pouvait pas centrer son discours sur ce volet. Les Français, hormis une frange de privilégiés, sont rétifs à la mystique de l’argent roi ; ils demeurent attachés aux acquis sociaux, bien que culpabilisés par leurs leaders qui ne cessent de leur dire qu’il faut d’adapter – entendre se contenter de moins – pour une France plus compétitive sur les marchés mondiaux. Notre homme en marche n’allait pas conduire ses cohortes de helpers, ni faire s’agiter des petits drapeaux tricolores à ses meetings avec ces seules considérations.
Dès ses débuts comme ministre de l’économie. Il s’est présenté comme l’homme qui ne voulait plus du clivage gauche-droite ni de l’accaparement du pouvoir par une caste devenue incompétente à force de vivre dans sa bulle. Avec une diction de premier de classe, il l’a répété et répété tout au long de sa campagne. Phraséologie de café du commerce ? Qu’importe, car ce qu’il a dit a été entendu. Force est d’admettre qu’une fois le champ de bataille préparé par le puissant feu de l’artillerie médiatique, il a mené l’assaut principalement autour de cette thématique du nécessaire renouveau de la vie politique.
Ainsi a-t-il parlé de révolution démocratique pour exprimer sa détermination à renouveler les acteurs. Car ce qui compte ce sont les hommes. Changeons ceux qui n’ont pas su, pas voulu, et en tout cas, ne peuvent plus changer les choses. Ainsi est née cette étrange initiative, un mouvement sans programme, avec un clic pour y adhérer, des sms pour s’y comporter opportunément, et des ambiances de meeting dignes d’une secte en délire ; tout cela pour changer les choses, pour faire gagner la France, pour qu’enfin nous entrions dans la modernité…
La Liste de Macron
Parvenu au seuil des élections, il a bien fallu concrétiser toutes ces intentions doucereuses et flouasses par des annonces de réforme, plus ou moins chiffrées. Les législatives devant prendre le relais des présidentielles, la première réforme allait émaner du propre parti de Macron. La majorité présidentielle serait composée d’une majorité de députés « neufs », venus de la société civile et non des appareils des partis au pouvoir…enfin, disons à moitié de la société civile, c’est déjà pas mal. Et de lancer un appel aux adhérents et électeurs d’En Marche : posez votre candidature à la candidature, elle sera en toute honnêteté examinée par un comité des investitures, ainsi chacun de vous a une chance de devenir l’un des députés qui soutiendront le nouveau Président.
Depuis qu’elle est enfin sortie, cette liste ne laisse de faire le « buzz ». Comme toujours unanime, vive le copier-coller de la dépêche AFP, la presse en souligne le caractère innovant : la parité homme-femme, qui est une obligation légale, l’absence de repris de justice, bigre si cela est nouveau que dire des députés en place, et surtout, surtout, 52% des heureux gagnants sont issus de la fameuse société civile. En vocabulaire macronien, cela désigne des personnes n’ayant jamais été élues à un quelconque mandat public.
Bien que ce soit leur métier, les organes de presse se sont gardés de faire l’inventaire des quelques 210 candidats, garants, en quelque sorte, de la révolution annoncée. Les seules informations sont donc à trouver dans le dossier de presse téléchargeable sur le site d’En Marche. Ainsi peut-on découvrir qu’à défaut d’être un élu, un made-in société civile peut fort bien être ou avoir été conseiller d’Etat, commissaire de police du plus grade le plus élevé, conseiller ministériel ou directeur de campagne d’un député. Profils de « pieds tendres », n’est-ce pas ?, naïfs et libres de tout lien avec l’univers politique. Et quid du modeste agriculteur élu au conseil municipal d’une commune de 1000 habitants ? Il est déjà impliqué dans la machinerie politicienne, donc pas société civile. En revanche, label société civile à la journaliste de FR3 ou au sociologue connu du tout-Paris intello-mondain, tout comme aux membres de clubs élitistes ou de « think tanks ». Notons par ailleurs, que le profil type de l’autre groupe, ceux ayant déjà eu un mandat, se démarque de notre brave paysan maire de son village. On est plutôt là dans le député sortant, le conseiller départemental ou le conseiller régional.
La Liste de Macron, les 428 premiers candidats, n’est donc pas si innovante que les manchettes de presse voudraient nous le faire croire. Des élus, des vrais, bien imprégnés de la mentalité politicienne si conspuée par Macron durant sa campagne ; des labels société civile qui une bonne part sont des affranchis du système en place.
Les investitures, tout un métier
17000 adhérents d’En Marche ont déposé leur candidature pour obtenir l’investiture de La République En Marche dans l’une des 577 circonscriptions. La presse a loué le procédé, très « ressources humaines », très « start-up », très Macron donc. Débroussaillage dans un premier temps, histoire d’évacuer les candidatures fantaisistes ou trop peu Macron-compatibles. Selon quels critères ? Secret de fabrication aurait-il été répondu si la question avait été posée. Pareillement pour le Comité national, composé de neuf « sages » et présidé par le vieux briscard de droite Jean-Paul Delevoye, chargé d’étudier les dossiers admissibles, résultat du débroussaillage. Pourquoi ces neufs jurés, pourquoi et comment ont-ils sélectionné un premier lot de 428 investis ? La République en Marche ne s’en est pas expliquée. L’on peut toutefois souligner que cette mécanique témoigne de la posture « jupitérienne » dont se réclame le nouveau Président. Contraire à la logique démocratique est celle de La République En Marche : souverainement, le haut désigne le bas. S’il faut faire place à trente candidats du Modem, puis à une centaine après que Bayrou a exprimé sa colère, eh bien le haut repoussera cent dossiers admissibles issus du bas, des 17000 candidats. S’il faut ne pas gêner Emmanuel Vals dans sa circonscription, on renonce à une investiture et hop, un dossier admissible est évacué.
Mais il y a plus grave. Sous couvert de chiffres valorisants, comme l’âge moyen des candidats retenus, l’on s’est gardé de renoncer au bon vieux levier d’action politicard qui consiste à jouer habilement avec la carte électorale. On ne cesse de nous répéter que 52% des candidats sont issus de la société civile. C’est entendu. Mais dans quelles circonscriptions ont-ils été investis ? J’ai étudié les exemples dépeints de façon louangeuse par maints organes de presse. Tout simplement, je me suis reporté aux résultats des législatives de 2012 afin d’évaluer, pour chacun de ces candidats, la chance de décrocher le mandat espéré. Eh bien dans tous les cas cités, on se retrouve avec un député sortant élu avec une forte marge, dans un bastion du parti auquel il appartient. Autrement dit, pas de circonscription gagnable pour ces cas pourtant mis en avant par le service de presse de La République En Marche. Prenons l’exemple de cette jeune avocate niçoise investie dans la 1ere circonscription de Nice. Pour charmante et sympathique qu’elle est, que peut-elle faire contre Eric Ciotti, élu pour la deuxième fois en 2012 avec plus de 60% des voix ?
Société civile, société civile, est-ce que j’ai une tête de société civile ?
Selon les derniers sondages, La République En Marche peut escompter triompher dans à peu près la moitié des circonscriptions. Un peu plus et la majorité présidentielle sera garantie, un peu moins et il faudra composer, « à l’ancienne » avec les formations politiques d’une ère supposée révolue. Cela signifie qu’au terme des deux tours, le parti de Macron devrait compter quelques 280 députés. Au moment où ces lignes sont écrites, il reste environ 150 circonscriptions sans candidat de La République en Marche. Ce sont les secteurs les plus sensibles, là où Macron espère débaucher des ténors de la droite ou du PS ou s’entendre avec eux : je ne présente personne contre toi, en échange laisse-moi tranquille à tel endroit.
Difficile de savoir d’avance ce que donneront les tractations. Mettons que dans un cas sur trois, l’absence de candidat Macron en face d’un sortant soit compensée par un retrait du collègue de ce dernier dans une circonscription qui dès lors deviendrait gagnable pour La République en Marche.
Cela nous donne 100 circonscriptions sur les 150 encore à fournir et 50 sur les 428 déjà dotées en candidat Macron. Il y a fort à parier que ces 50 circonscriptions feront prioritairement partie de celles accordées aux 48% des candidats du premier lot ne faisant pas partie de la société civile. Pourquoi ? Parce que, c’est ainsi, un député sortant ou un candidat déjà élu localement a nettement plus de chance de triompher qu’une proviseure de lycée inconnue au bataillon ou même qu’un savant titulaire de la médaille Fields qui semble avoir atterri d’une autre planète.
Il me semble permis d’anticiper que sur les 280 députés Macron, 150 seront sûrement issus de la classe politique actuelle. Et les 130 autres, viendront-ils des fameux 52% issus de la société civile, ou des 48% appartenant à la classe politique ? Mon petit doigt me dit que parmi les premiers, ne gagneront un siège que les professionnels non élus de la politique et assimilés : énarques, conseillers ministériels, assistants parlementaires, directeurs de campagne, journalistes et autres intellectuels membres de clubs distingués, loges ou think tanks. Le reste sera fourni par le lot des élus sortants ou ancien élus.
Un bilan sera-t-il effectué à l’issue des deux tours ? J’en doute. Le soutien quasi unanime de la presse en faveur de Macron n’a aucune raison de s’évanouir aussi tôt. Mais de fait, sur les 215 candidats supposés tous appartenir à la société civile, je doute que plus d’une cinquantaine fassent partie des vainqueurs de ces législatives. Et parmi eux, une fois déduits les pro non élus évoqués ci-dessus, il restera quoi ? Quinze, vingt élus authentiquement société civile. 17000 volontaires, ayant trimé durant les deux campagnes, présidentielle et législative, accoucheront d’un infime peloton d’élus appelés à révolutionner la vie politique.
Ce peloton, noyé dans la masse, agira par mimétisme. Comme les soixante-huitards évoqués plus haut, ils auront tôt fait d’être digérés à leur tour. Un salaire plus que confortable, tous frais payés, et ces 9500 euros mensuels dont la plupart des Français ont appris l’existence lors du Pénélope Gate, permettant de se dégager de toute la partie technique et administrative du job de député. Il y a pire en ces temps difficiles. Nos ardents marcheurs pour Macron feront comme leurs collègues plus expérimentés, ils s’attacheront à préparer leur réélection en gérant leur boutique entre Palais Bourbon et permanence de leur circonscription.
Comme de bien entendu, la puissance médiatique qui a porté Macron au pouvoir ne baissera pas la garde. Les quelques députés véritablement bizuths auront droit aux petits soins de la télévision, des documentaristes, et pour certains, des éditeurs.
Vers un bipartisme à la française
La Com à Macron parviendra pour un temps à masquer la réalité, mais de cette révolution démocratique annoncée avec emphase et ardeur, il ne sera assez vite plus question. Hollande avait promis qu’il lutterait contre son ennemi, la finance. A peine élu, ce fut comme s’il n’en avait pas dit mot. Imitant son démiurge, Macron aura tôt fait de changer de registre. De la révolution vite devenue opération de recyclage, il passera aux « choses sérieuses » : la mise du pays en conformité avec le modèle libéral mondialiste, les visites à l’étranger, si flatteuses pour l’ego de ce type d’homme, et la structuration de son mouvement, l’enracinement de son implantation, la consolidation de son assise.
La République En Marche est le point de départ de la recomposition du paysage politique. Le PS en fera les frais les plus radicaux. Tel son vieux rival communiste, il deviendra un parti « vintage », accroché à quelques bastions. Il est à parier que Bayrou devra se contenter d’une compensation provisoire pour son ralliement. Le parti de Macron est appelé à être l’équivalent du Labor Party d’outre-manche. Notons d’ailleurs les encouragements significatifs de Tony Blair.
Le système dualiste anglo-saxon me semble être la ligne de mire du projet Macron. Deux partis autant libéraux l’un que l’autre, se distinguant sur des thèmes relatifs aux mœurs, à l’identité, à la multi-culturalité, la culture etc., autant de questions qui pèsent peu dans le budget de l’Etat mais comptent pour animer sa base électorale. Il faut donc s’attendre à ce que La République en Marche recycle en son sein, tout ou bonne partie du PS, du Modem, des Verts ainsi que de la droite Juppéiste.
En face, il faut s’attendre à une droite recentrée autour d’un FN lui aussi recyclé, délesté de ses deux ailes radicales, jacobine anti-européenne et catholique identitaire, et grossi du ralliement de la droite Fillon-Sarko. Bien sûr, il restera, en gravillons dans la chaussure, la gauche protestataire de Mélenchon et les scories du FN canal historique. Mais cela ne devrait pas, si tout se passe comme prévu, empêcher le système de poursuivre sa course folle. Seule inconnue dans ce tableau, l’évolution de l’islamisme. Il faudra un autre article pour en explorer les contours. A ce stade, il faut admettre qu’à défaut de révolution démocratique, une autre révolution est dans l’ordre du possible, pas du tout fondée sur les Lumières…
La revanche de Hollande
Pour conclure, je voudrais relier la présente réflexion à celle du premier article que j’ai consacré à l’homme en marche : Macron Président : Coup de Maître de Hollande. Laissant perplexe nombre de lecteurs, j’y développais l’hypothèse d’une opération menée de longue haleine par Hollande et les siens. Un Macron fabriqué au départ pour permettre à Hollande d’être réélu, l’objectif étant, de part et d’autre de l’échiquier, d’être au second tour.
Quand Hollande a compris qu’il ne pourrait pas atteindre cet objectif parce que devenu trop impopulaire, il a changé de stratégie, misant tout, avec les moyens lourds dont il disposait, sur un Macron qui serait son héritier, continuateur de sa politique de dénaturation du PS au profit du capitalisme terminal, parachèvement de l’utopie libérale. Les gens de la presse, dont nous sommes nombreux à mesurer l’incroyable opportunisme et le rétrécissement de l’esprit critique, font comme si les dirigeants avaient pour moteur des convictions et le souci de gérer les affaires publiques selon ces convictions. En réalité, des ressorts purement affectifs comptent parfois davantage pour orienter leurs lignes de conduite. C’est le plus souvent après leur mort, qu’on découvre ces facettes de leurs carrières, intimement liées à leurs existences.
Hollande n’aura probablement plus guère d’influence sur le cours des choses. Mais il aura réussi ce qu’aucun de ses prédécesseurs n’a pu faire, ou faire vraiment : se choisir un héritier et le porter au pouvoir, le tout en un temps record. Certes la détection et la mise en écurie de Macron aura pris une dizaine d’années. Mais une prise fois la décision cruciale de le nommer ministre de l’Economie, il aura fallu moins de trois ans pour faire d’un jeune inconnu le premier Président de la République sans parti derrière lui, sans mandat public préalable, sans doctrine, sans fait de gloire pouvant justifier son ambition.
Deuxième satisfaction pour Hollande si décrié, si moqué, si humilié : par effet de souffle en quelque sorte, l’émergence du produit-Macron a chamboulé l’équilibre des forces, faisant exploser ou imploser le PS, fissurant la droite classique et plaçant le FN en force alternative. Certes, comme j’ai tâché de le monter, ce n’est pas une révolution. Mais des têtes sortent de l’ombre y laissant leur place, il faut s’y attendre d’ici peu, à des poids lourds qu’on croyait solidement arrimés à leurs fauteuils princiers. Une belle pagaille se prépare pour les législatives, où l’on comptera reniements et ralliements incongrus.
Eh bien, je suis persuadé que notre bonhomme Hollande jubile. Il a dû raccrocher les gants piteusement mais il tient une revanche pas commune. Sa « créature » lui succède à l’Elysée, bousculant tout sur son passage, se moquant des humbles comme des principes démocratiques qu’il a pourtant le culot d’invoquer dans ses discours et sa prose. De l’école mitterrandienne, faite de cynisme et d’humour cruel, Hollande a de quoi bien ricaner : ils ont élu triomphalement Jupiter et s’attendent à des miracles ! Bientôt, ils déchanteront et se mettront, qui sait, à le regretter, lui, président ordinaire.
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