Macron : la vente à la découpe de la France
Médiapart publie ce 11 mars 2019 un remarquable article[1] de Martine Orange qui devrait nous amener, toutes et tous, à réagir violemment contre la politique de Macron : « Electricité : vers le transfert de la rente nucléaire publique au privé » dans lequel elle écrit : « Après les autoroutes, ADP, l’électricité. Contrairement aux promesses du gouvernement, le prix de l’électricité devrait augmenter et même dans des proportions considérables. Passant outre la loi, la commission de régulation de l’énergie a décidé de son propre chef de lancer le démantèlement du service public de l’électricité et d’EDF. Objectif : transférer la rente publique nucléaire vers le privé, au détriment des ménages et de l’économie. Même l’Autorité de la concurrence est contre. »
Quand les Français comprendront-ils que le projet de société d’Emmanuel Macron c'est la vente à la découpe de la France et de sa République ? Ce projet repose sur son intime conviction suivant laquelle un pays serait identique à une entreprise et qu’on pourrait y appliquer les mêmes méthodes de management pour piloter le changement. E. Macron appartient à la génération des énarques éduqués au biberon du nouveau management public dans lequel conduire le changement amène à mettre en œuvre une gouvernance descendante du changement. C’est une démarche d’origine nord-américaine à propos de laquelle Yvan Barel et Sandrine Frémeaux écrivent[2] : « La démarche descendante correspond plutôt à une vision rationnelle de la conduite du changement. Il s’agit pour les leaders, les « changeurs », de convaincre les « changés » du bien-fondé des actions entreprises. Dès lors, il ne faut pas s’étonner que l’accent soit mis sur la nécessité de trouver « un champion d’une idée », même si cela peut conduire à une « ramboïsation » (Thévenet, 1992) du management selon laquelle le héros-manager peut se fixer n’importe quel projet herculéen. » La réussite de cette méthode exige de disposer d’une réelle position de leader charismatique et de convaincre les agents qui auront à changer, en outre l’accumulation de petits changements est plus efficace que la bouleversement, comme le rappellent Barel et Frémeaux : « Contrairement au discours dominant selon lequel seuls les changements structurels majeurs importent (Kanter, Stein et Jick, 1992 ; Santilli, 1993), une grande attention mérite d’être accordée aux changements de petite envergure. » Force est de constater, notamment conséquemment au mouvement des Gilets Jaunes, que la gouvernance mise en place par E. Macron, essentiellement parce qu’il n’a qu’une connaissance « livresque" du management notamment public, ne prend pas en compte les personnes, ne s’intéresse qu’aux projets d’envergure la plupart du temps hors sol social, qu’elle est totalement erronée et par conséquence dangereuse d’autant plus parce qu’elle est inappropriée.
Il a mis en place un véritable « rouleau compresseur » réformateur qui a créé de l’incertitude en plus de beaucoup d’insatisfaction ; chaque matin les Français se réveillent en se demandant par quelle nouvelle réforme leur vie va être impactée : hausse de la CSG, nouvelle journée de solidarité…, plus globalement chacun se demande s’il va être dedans ou en dehors des effets de la réforme du jour. E. Macron a cru qu’il suffit que le chef dise pour que les « sujets » acceptent ; mais cette époque d’une servitude prétendument volontaire est finie. Les gens attendent de participer à la prise de décision au-moins en étant correctement informés. Les médias ne jouent plus se rôle d’informateur et E. Macron, considérant qu’ils sont des empêcheurs de tourner en rond, a étouffé les syndicats et méprisé les associations. Dans un management descendant il n’y a aucune place, pour la contestation, alors E. Macron, outre ses particularités psychologiques, a tout mis en œuvre pour réduire les oppositions à sa politique : j’ai été élu pour cinq ans, je dis ce qui est bien et je décide … et j’impose. On a vu comment il a réduit au silence des syndicats, déjà affaiblis, puis dès qu’il a vu le parti qu’il pouvait tirer des erreurs stratégiques de Philippe Castaner en décembre, chacun a pu voir comment il a tué dans l'œuf le mouvement des Gilets Jaunes en installant dans le public un vaste mouvement de désaveux par l'exacerbation de la violence. Sa méthode de direction des gens, qu’il voudrait qu’elle soit pédagogique, c’est celle de l’étouffement en utilisant, comme au judo, la force de l’adversaire pour le vaincre. Ainsi, avec le mouvement naissance des jeunes en faveur du climat, les ministres viennent tantôt raconter aux jeunes que le gouvernement trouve heureux leur mobilisation, tantôt on organise une grande tartufferie en créant, comme pour les aînés, un grand débat dans les lycées en oubliant les universités, les collèges, les centres de formation d'apprentis, et les entreprises où des jeunes travaillent. De la même façon E. Macron utilise les revendications du moment et l’interpellation des ONG pour déclarer qu’il saisira le Conseil Constitutionnel à propos de la loi « anti‑casseurs » dès qu’elle sera votée ; que ne l’a-t-il pas fait au moment de sa rédaction puisque cette loi émane du gouvernement, et que veut dire cette saisine sinon qu’E. Macron veut ainsi couper l’herbe sous le pied aux parlementaires et à ceux qui auraient envisagé une Question Prioritaire de Constitutionnalité. Jean-Baptiste Jacquin pose la question du sens ou de la volonté cachée de la démarche d’E Macron dans un article du Monde du 17 mars : « Le risque qu’une utilisation politique » où il rapporte les craintes de Patrick Waschmann, professeur de droit public, qui déclare : « Il ne faudrait pas que la saisine du Conseil Constitutionnel avant la promulgation d’une loi se transforme en machine à paralyser les QPC. » On ne peut voir dans la déclaration d’E. Macron qu’une fois encore une manœuvre pour affaiblir les contre-pouvoirs et tuer, avant même leur conception, toutes les oppositions.
Alors, soutenir le projet européen de Macron en votant LREM aux prochaines élections européennes, ce serait donner un blanc-seing à E Macron pour qu’il puisse promouvoir une Europe grâce à laquelle il entend bien pouvoir faire éclater son libéralisme économique favorable aux grandes fortunes, même s’il évoque une plateforme sociale commune qui vraisemblablement serait appuyée sur un plancher minimum. L’Europe d’E. Macron c’est celle des accords commerciaux bilatéraux grâce auxquels on amènera sur les étals des magasins, c’est-à-dire dans l’assiette des consommateurs, des OGM, de la viande farcie d’antibiotiques, des légumes pleins de pesticides… Veut-on le "Meilleur des Monde" au moment où les Démocrates américains s'attaquent, grâce à leur Loi antitrust, à vouloir démanteler les GAFA et autres Bayer Monsanto… En soutenant la politique, intérieure comme européenne, d’E. Macron qu'allons-nous laisser à nos enfants et petits-enfants ? Voulons-nous leur laisser une France où ils paieront très cher des services produits par des infrastructures que leurs aïeux auront financées et que le gouvernement Macron aura vendu à des sociétés privées dans lesquelles bon nombre de ministres possèdent un portefeuille d’actions ?
[1] https://www.mediapart.fr/journal/france/070319/electricite-vers-le-transfert-de-la-rente-nucleaire-publique-au-prive-0?page_article=1
[2] Barel Yvan, Frémeaux Sandrine, « Les conditions de succès d'une approche descendante du changement managérial. Le cas d'un hypermarché », Management & Avenir, 2009/2 (n° 22), p. 30-51. DOI : 10.3917/mav.022.0030. URL : https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2009-2-page-30.htm
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