Macron président sans opposition
Macron est un président en démocratie qui n’a pas d’opposition. Un chanceux impréparé.
Une démocratie sans opposition n’est qu’une vitrine, une façade de démocratie. Il y en a de plus en plus dans le monde. Macron a cette chance (inespérée de son point de vue) que l’opposition ou plus justement les oppositions puisqu’il s’est déclaré au centre sont tombées d’elles-mêmes. En l’absence d’opposition institutionnelle au parlement, des citoyens descendent dans la rue régulièrement. Ils n’ont pas de programme, pas de porte-parole, ils crient : « on est là ». Comment voulez-vous que cela ait la moindre influence sur la politique gouvernementale ? Tant qu’il n’y aura pas d’opposition susceptible de le battre aux élections, Macron refusera de traiter les problèmes prégnants et urgents selon l’avis général.
Macron pousse l’avantage en majorant le phénomène : violence policière à un niveau inégalé, poursuite envers les observateurs (Camille Halut), projet de loi visant à interdire l’information sur les actes policiers… La justice suit. La justice condamne un paysan parce que ses vaches sentent mauvais et ne trouve aucun policier coupable. Elle condamne une femme en fauteuil roulant avec un argumentaire comique, sauf que c’est devenu le comportement ordinaire de ladite administration. La police charge des fêtards et, informée qu’il y a des personnes dans la Loire continue sa charge. Steve Caniço meurt noyé. Les institutions ne bougent pas. Finis les fondamentaux de notre société : finies l’assistance à personne en danger, la mise en danger de la vie d’autrui… A l’inverse, celui qui a saccagé la statue du maréchal Juin prend deux ans de prison, dont un ferme. Ceux qui crèvent un œil ne sont pas retrouvés, alors qu’ils sont des agents de l’Etat.
Aucun homme politique ne lutte contre ce phénomène, aucun homme, aucun groupe politique ne nomme ces refus de vivre ensemble dans le respect des autres et le respect des lois, dans la sécurité et la justice, la justice qui est un synonyme d’égalité.
Lubrizol à Rouen ne crée aucun trouble dans l’action gouvernementale. Ça sent mauvais, mais c’est sans danger, c’est tout. Aucune force politique n’est capable d’infléchir la conduite de ce gouvernement. Il est seul. Il a toute latitude, toute liberté pour agir. Ça s’est fait « tout seul ». Ce n’est pas le résultat du travail politique de Macron, Macron ne fait que tirer le plus grand parti d’un système qui lui donne la toute-puissance. Il n’y a plus de démocratie.
Le défenseur des droits s’est saisi du cas d’un adolescent, Lilian, blessé par une LBD (lanceur de balle de défense) alors qu’il sortait d’un magasin de vêtement, la plainte de sa mère ayant été classée sans suite par le parquet de Strasbourg !
Il est bien évident que la position de toute puissance qu’a Macron ne l’oblige pas à se comporter de la sorte. Elle le lui permet. Il est grand temps de bâtir une opposition de gauche modeste et efficace, en substitution à ces idéalistes qui jouent le pire, sans doute parce que cela les conforte dans leur incapacité à se frotter au réel. Ce sont les démolisseurs de la gauche qui donnent à Macron cette force contraire à l’esprit de la démocratie.
Côté gauche, Hamon et Mélenchon ont cassé Hollande et contribuent ainsi activement et fortement à cet état de fait dont ils se plaignent (ou font semblant de se plaindre). La gauche s’est suicidé, certains l’ont suicidée. Ils continuent, ils sont tellement fiers du résultat qu’ils ne bougent pas d’un iota : tout, sauf reconnaître qu’on pourrait avoir tort, ou qu’on aurait pu faire autrement. Cela continue à Marseille où le refus d’alliance est revenu. Mélenchon s’était présenté contre Marine Le Pen à Hénin-Beaumont dans le Pas de Calais en 2012 et a perdu (42% pour elle, 20% pour lui). Prudemment, Mélenchon s’est attaqué au PS. Cela l’a mis en selle. Promettant des flots d’argent public, il a des adeptes en nombre.
Le côté droit est tombé par les affaires judiciaires. Maintenant, les nouvelles affaires judiciaires sont couvertes. Benalla continue sa vie tranquillement, et même son avis politique a pignon sur rue. Delevoye s’en va, il est qualifié « d’homme sincère » par Agnès Buzyn et la question se pose de savoir si ses actes vont être jugés par le ministère de la Justice. La question ne devrait pas se poser. Nous ne devrions pas accepter qu’elle se pose. Mais qui s’oppose à Macron ? Qui s’oppose institutionnellement ? Qui s’oppose réellement ?
Vingt et un ministres ont fait l’objet de redressements fiscaux en 2018. Ils déclarent qu’ils ont oublié et n’ont pas d’ennui, leur autorité n’est pas entamée ! L’oubli, quelle merveille !
Des manifs de l’ancien temps sont revenues avec la lutte contre la réforme des retraites. La police ne pratique pas le contrôle a priori comme pour les gilets jaunes. Ces manifs ont un leader, des porte-parole, un discours est énoncé, tenu, il y a des négociations, et tout change de sens.
Pour le reste, la technique est simple : contre la rue, Macron emploie la force, la justice ne suit pas les plaintes en agression visant la police, niant l’évidence. Plus personne n’a la capacité de s’opposer. Il envoie même la police contre les pompiers, sans se mettre en danger ou en gêne.
Côté action politique, il fait ce qu’il veut. Il prépare d’améliorer le système : des lois contre les libertés fondamentales, contre la liberté d’informer, contre la liberté de dire les faits, de dire le vrai.
Il nous faut en toute urgence nous débarrasser des idéalistes gauchistes qui sont dans les faits des alliés exceptionnels et formidables de la droite et de sa violence. Il nous faut bâtir une gauche modeste, qui ne rêve pas de tout transformer et de résoudre tous les problèmes si elle accède au pouvoir, une gauche modeste et efficace, avant que Macron rende illégale la possibilité de créer ce type d’opposition, de sérieuse et efficace opposition.
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