Manifestation du 14 juin : pas d’élargissement, monsieur le Président ? (loi El Khomri)
Je dois remonter loin dans ma mémoire pour trouver un cortège aussi imposant que celui d’hier. Dockers de Fos, métalos de Douai, union locale du Doubs, infirmiers en tenue vert pâle, éboueurs, taxis, etc., etc., etc. La France qui travaille était présente dans toute sa multitude, hier dans la capitale, pour rejeter la politique de Hollande et sa loi travail.
Le départ était à 13 heure mais le boulevard Auguste Blanqui, l’avenue d’Italie et le boulevard de l’Hôpital qui, suivez bien, montaient vers la place d’Italie, ne se sont pas vidés avant 17 heure. À 17 heure 30, moment où j’ai quitté la place d’Italie, la CGT, FO et les taxis attendaient encore…
La querelle sur les chiffres, un million de manifestants selon les syndicats et 80 000 selon la police, m’inspire le calcul suivant : dans la mesure où il a donc fallu cinq heures pour que la queue de cortège s’ébranle, si le chiffre de la police était correct, il serait impossible de réunir un million de manifestants puisqu’il faudrait alors 62 heures (presque trois jours) avant que la queue de cortège ne se mette en route. À moins de défiler jour et nuit sans discontinuer, le cortège d’hier était donc à peu près le plus gros qui se puisse imaginer…
Capitalisme et démocratie
Les slogans se divisaient en deux catégories, ceux appelant à une meilleure répartition des richesses et ceux rappelant l’attachement à la démocratie. Quelques belles trouvailles :
« Paradis fiscaux pour les uns, pas(un)radis pour les autres »
« Rose promise, chômdu »
« Inversion des normes, dégâts énormes »
« Trop de banquiers à l’Élysée, trop de Macron à Matignon »
« On a eu le 1er et le 2ème Empire, avec Hollande on a le 3ème en pire »
Sur le dos d’une jeune femme, en mode ironique : « Pas de justice ! Pas de paix ! Oooh mister President, fuck me ! »
Haie d’honneur pour la CFDT
Alors que la place d’Italie était encore noire de monde, arrive un groupe d’une quarantaine de personnes arborant fièrement ses couleurs : celles de la CFDT. Leur passage a provoqué une réaction extraordinaire : les groupes qui se trouvaient de part et d’autre et qui attendaient le moment du départ, se sont tournés vers ce cortège minimal mais hautement symbolique, et l’ont chaudement applaudi.
Choc des classes
La minute insolite : un vieux couple, très élégant, précédé d’un indien tiré aux quatre épingles et portant une valise, ont fendu la foule et traversé la place d’Italie, suscitant des regards amusés chez les manifestants. Manifestement, deux classes sociales distinctes…
En bon petit soldat, France Inter regarde ailleurs
Un cortège historique par sa taille, déterminé et bon enfant : la réponse de la CGT au gouvernement, qui voyait un essoufflement du mouvement, est cinglante. Comment vont réagir les médias ? Le lendemain matin, le journal de 06h30 de France Inter s’ouvre, non pas sur la démonstration de force de la CGT, non pas sur l’assassinat d’un policier et de son épouse deux jours avant, non pas sur un fait divers, mais sur une crainte de fait divers : le journal commence donc par évoquer le risque d’une bagarre entre supporters de foot à l’occasion d’un match qui aura lieu le soir même… Bientôt une émission spéciale sur la vaisselle brisée et le café trop chaud ? Était ensuite évoqué le massacre d’Orlando. La violence du peuple est naturellement plus spectaculaire que celle d’un Président méprisant ses électeurs… La manifestation était reléguée en fin de journal, en commençant, ça ne s’invente pas, par mentionner les heurts survenus place de la République. Le journaliste a ensuite ricané sur les écarts entre les chiffres des organisateurs et ceux de la police, et ce fut terminé. Une caricature de journalisme aux ordres du patronat…
Élections volées, citoyens désemparés
Résumons-nous : le président Hollande a 15 % d’opinions favorables et est encensé par la droite et le patronat. Comme les manifestants l’ont bien compris, nous ne sommes pas dans une lutte du travail contre le capital, mais dans celle de citoyens contre des élections volées. C’est bien la gauche qui défile massivement, depuis deux mois, sous un gouvernement de gauche. En cause, la politique du président Hollande :
- rigueur européenne
- loi Macron 1
- loi Macron 2
- loi el Khomri
- licenciements massifs de fonctionnaires
- baisse substantielle des dotations aux collectivités territoriales
- etc.
Une politique si droitière que la droite n’aurait pas osé en rêver… Il peut se comprendre que la droite mène une politique de droite : c’est normal, elle en a reçu le mandat. Il peut se comprendre que la gauche mène ponctuellement une politique de droite et la droite ponctuellement une politique de gauche, dans certaines circonstances. Par exemple, la crise de 2008 aurait pu amener la droite, alors au pouvoir, à réguler davantage les banques. Cela aurait été une mesure de gauche. Il n’en a rien été, comme chacun l’a vu, mais les circonstances auraient rendu logique cette possibilité. Aujourd’hui, nous sommes face à un Président de gauche qui s’assoit purement et simplement sur les votes qui l’ont porté au pouvoir et mène de façon systématique et obstinée, une politique antisociale.
Dans les rangs des électeurs socialistes, le désarroi est grand. Dans mon entourage, des socialistes fidèles sont désemparés au point que, pour la première fois, ils se sentent incapables de voter PS aux prochaines présidentielles, ni au premier et, je souligne, ni au second tour. Je suis aussi dans ce cas de figure. Il est impossible de reconduire un parti à ce point inféodé au capital et qui trahit à ce point le principe démocratique. Aussi, la CGT fait-elle preuve de timidité dans l’affiche ci-dessus : ce n’est pas tant le 49-3 qui piétine la démocratie, que la politique de Hollande depuis le premier jour.
Hollande est une honte pour la démocratie. Il doit démissionner et des élections anticipées doivent désigner son successeur.
Yves Ducourneau, le 15 juin 2016
PS : Je condamne sans réserve les violences, totalement contre-productives à tous points de vue et qui font finalement le jeu du pouvoir. Ceci reste vrai quels que soient la violence et le mépris dont font preuve les autorités.
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