Manifestations, signaux forts - signaux faibles & changement de société
"Crise dans les médias" pose dans son dernier billet la question des signaux lourds et des signaux faibles à la suite de plusieurs conversations croisées de la dernière République des blogs.
Selon son témoignage, Authueil, "l’insider de l’UMP" regretterait "que les médias se focalisent trop sur le chef de l’Etat, son rôle, son omniprésence". qu’ils n’aillent pas "assez en profondeur", qu’il ne "saisissent pas la complexité", qu’ils "ne repèrent pas les mouvements de fond qui agitent la société et les idées qui sous-tendent l’action politique".
Une des question posée dans ce post étant de savoir ce qu’on pouvait entendre par "signaux forts" ou "signaux faibles", voici le développement de ma réponse.
Il semble qu’il y ait en politique deux types d’action :
- L’action "par réaction" : celle qui agit à partir de faits avérés (ex récent : on se repose à droite la question de la régulation du libéralisme une fois que nous sommes déjà englués dans une crise mondiale du système)
- L’action "par anticipation" : celle qui consiste à sentir que quelque chose se trame et que le vent va tourner (ce que je pourrais qualifier de signal faible). La campagne d’Obama est peut-être une illustration de cette capacité à sentir la tendance puisqu’elle a su surfer sur un phénomène jamais exploité à une telle échelle, celui d’Internet et des médias sociaux.
Il y a des "choses" qui existent déjà et la puissance réelle de ces choses n’est pas encore établie, alors qu’il ne manque plus qu’un très léger catalyseur pour rendre ces choses très puissantes. C’est à mon avis le cas des "cellules" qui fonctionnent en réseau : réseau de blogueurs qui sont parfois déjà moteurs vis-à-vis de média traditionnels frileux, réseaux de personnes qui travaillent sur des systèmes de micro-crédits, commerce équitable etc ...
Il y a - en sous terrain, encore trop méconnus, discrets mais de plus en plus nombreux - de nombreuses personnes qui ont modifié leur rapport à la consommation, leur rapport aux autres et leurs priorités. Il y a congruence et synergie entre ces réseaux, mais ces réseaux eux-mêmes ne le savent pas encore.
Cela me conduit à évoquer un post de Cedric Augustin qui voyait, dans l’auto-organisation des militants du MoDem à ses débuts, une illustration de l’Algorithme des colonies de fourmis.
"Pour résumer" écrivait-il, "les fourmis trouvent le chemin le plus court entre une source de nourriture et leur fourmilière par essai/erreur, les itinéraires les plus efficaces étant renforcés par des phéromones au détriment des itinéraires les moins efficaces où les phéromones s’évaporent. Appliqué à l’organisation humaine spécifique qu’est un parti politique en devenir comme le Mouvement Démocrate, la nourriture est ici l’information et l’organisation.
Les sympathisants et militants recherchent les meilleurs canaux d’information et d’instruction. Ceux qui sont en mesure de la fournir de manière efficace et structurée deviennent de fait des noeuds de passage. Ceux qui gèrent mal l’information ou organisent mal sont délaissés et s’appauvrissent en information et ressources, devenant de moins en moins attractifs".
Le propos ici n’est pas de parler du MoDem ni d’un autre parti mais de réflechir aux "signaux faibles".
Comme pour les fourmilières, des "signaux faibles" indiquent - pour qui sait regarder la société autrement qu’en se focalisant sur ce qui bruisse - que de nombreuses "cellules" fonctionnent désormais sur des bases de rapports nouveaux, clairement non hiérarchiques. Cette force nouvelle est à la fois difficilement prévisible et en grande partie souterraine.
Cette idée rejoint la théorie défendue par Thierry Crouzet dont je ne partage pas toutes les prises de position mais qui approfondit de manière très novatrice la réflexion sur ces réseaux.
"Des actions locales peuvent se consolider et se globaliser à très grande vitesse. Exemple Internet et, sur Internet, la plupart des grands services qui ont été lancés par des sociétés minuscules. Google par exemple qui n’a jamais utilisé la puissance des médias installés." écrit-il.
Le catalyseur qui permettra aux différents réseaux existants de se coordonner spontanément n’est sans doute pas très loin. La crise mondiale que nous traversons est sans doute cette première étape qui accélère l’émergence de nouveaux modes de vie et de relations. Les solutions bancales et traditionnelles proposées par les gouvernants - solutions qui privilégient encore une fois le soutien aux plus puissants et non aux plus faibles - seront peut-être la seconde étape de cette émergence.
Hier, dans les rues, il était frappant de voir que ce n’était pas derrière les bannières syndicales que se massaient le plus de grévistes et que nous étions loin de l’ambiance "slogans" habituelle.
Bien au contraire, il y avait pléthore de groupuscules avec leurs propres pancartes, parfois des individus seuls témoignant en leur propre nom et, dans cette foule immense, ce qui était le plus spectaculaire, c’était le calme.
"Comme si les « carrés syndicaux » ne comptaient même pas pour cette foule, qui ne reprenait pas de slogans et marchait le plus souvent en silence, ne se rangeait pas derrière les banderoles et circulait dans tous les sens..." conclut Novovision.
Images et vidéos de la grève compilées par "De tout de rien"
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