Manifeste pour le socialisme démocratique au XXI° siècle
Préface
Le socialisme démocratique est le seul programme politique pour lequel il vaille de se battre mais c’est un régime faible car il accorde à ses adversaires une liberté que ces derniers ne lui laissent pas. (Romain Gary , La nuit sera calme, Paris, Gallimard).
Depuis l’époque (1848) où Karl Marx et Friedrich Engels publiaient le « Manifeste du Parti Communiste », le monde a profondément changé dans tous les domaines, sauf un : la plus grande partie des richesses du monde reste la propriété d’une toute petite minorité des humains et cette minorité dispose de moyens d’information multimédia sans commune mesure avec ceux du passé pour tromper les populations sur leurs véritables intérêts.
L’histoire des cent-cinquante dernières années comporte un bilan contrasté. D’une part, les progrès des sciences , des techniques et des moyens de production ont permis des réalisations inimaginables du temps de Marx. Les progrès de l’hygiène et de la médecine ont permis la multiplication rapide de la population de la terre de sorte que le problème se pose de limiter la fécondité humaine au renouvellement des générations dans beaucoup de pays. Ces progrès ont nécessité l’éducation élémentaire, secondaire , voire supérieure de larges fractions de la population de sorte que les modalités de l’exploitation des travailleurs par le capitalisme ont changé. D’autre part, l’humanité a connu deux guerres monstrueuses ayant entraîné plusieurs dizaines de millions de morts et des conflits locaux et régionaux continuent à ravager certaines parties du monde. La prolongation de ces conflits est liée à la fois aux fanatismes religieux et politiques, à la lutte souterraine pour s’approprier les richesses naturelles d’une région et à la puissance du complexe militaro-industriel dans les pays développés qui cherche toujours des débouchés pour sa production. Enfin, les nuisances industrielles compromettent dès aujourd’hui le climat et l’ensemble des conditions écologiques de la planète.
La dernière préface donnée au « Manifeste du Parti Communiste » de 1848 par Friedrich Engels lors de la réédition de 1890 est précieuse à plus d’un titre. Il s’agissait pour Marx et Engels d’établir une société socialiste mais en 1848, le terme « socialiste » était usité parmi les adhérents de divers systèmes utopistes et parmi « les charlatans sociaux de tout acabit qui voulaient, à l’aide d’un tas de panacées et avec toutes sortes de rapiéçages, supprimer les misères sociales, sans faire le moindre tort au Capital et au profit. Dans les deux cas, des gens qui vivaient en dehors du mouvement ouvrier et qui cherchaient plutôt un appui auprès de classes "cultivées" ». On reconnaîtra dans la deuxième catégorie nos sociaux-démocrates dits « modernes » qui ont souscrit progressivement depuis 1983 en France, et plus tôt ailleurs, à presque tous les renoncements en matière de services publics et de moyens pour l’état social de protéger ses travailleurs et sa population privée d’emploi en se soumettant à la doctrine néolibérale de l’impérialisme capitaliste emmené par les Etats Unis.
L’idée socialiste d’un partage équitable des richesses naturelles et des richesses créées par le travail humain reste une idée neuve dans le monde. La lutte des classes entre la masse de la population qui vit essentiellement de son travail et la classe capitaliste qui possède le système financier bancaire et les grands groupes industriels et commerciaux mondiaux est toujours en cours. Elle est seulement plus masquée par les mécanismes complexes des sociétés développées actuelles.
Dans de nombreux pays du monde, il existe encore des prolétaires, hommes qui n’ont que leur force de travail à louer pour assurer leur subsistance et celle de leur famille. Leur mortalité et celle de leur famille est élevée quand ils traversent de longues périodes de chômage. Dans les pays développés, la situation est beaucoup plus diversifiée. Si les manœuvres ne sont guère mieux lotis que les prolétaires d’autrefois, les artisans, les petits commerçants, les exploitants agricoles, les ouvriers qualifiés, les fonctionnaires, les techniciens, les ingénieurs, les professions libérales- les « classes moyennes » dit-on, elles mêmes diversifiées- sont propriétaires de leur maison, d’un ou deux véhicules et une partie d’entre eux ont une résidence secondaire, un petit portefeuille d’actions ou d’obligations et l’espoir de progresser , situation qui les amène facilement à des positions conservatrices en politique suivant le proverbe : « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ».
L’évolution actuelle des forces productives et des rapports de production est caractérisée par l’automatisation de nombreuses tâches nécessitant un nombre limité de travailleurs très qualifiés avec le maintien d’un besoin en main d’œuvre peu qualifiée pour les tâches qui ne peuvent être automatisées (ou dont l’automatisation aurait un coût disproportionné par rapport à l’avantage escompté). La transformation rapide de la production et des échanges sur un plan mondial peut être à la fois source de nouveaux progrès pour les populations et source de crise économique et sociale avec fréquence d’un chômage important suivant la manière dont elle sera régulée. Enfin, l’industrie mondiale a entraîné des changements climatiques qui font de l’écologie une préoccupation majeure de l’époque actuelle. Or l’impérialisme néolibéral s’est caractérisé par la suppression de régulations existantes et par le refus de toute régulation. L’ impérialisme américain porte une responsabilité particulière dans la situation actuelle à la fois par sa politique économique, guerrière et pas son refus d’appliquer le protocole de Kyoto qui préconisait il y a dix ans des mesures minimales pour commencer à lutter contre la détérioration du climat de la terre.
On est frappé en relisant Le Manifeste de Marx et Engels de voir que beaucoup d’idées qu’il contient s’appliquent encore mieux à l’impérialisme financier actuel qu’au capitalisme de leur époque. Il faut relire ces pages qui montrent à la fois les merveilles créées par la société capitaliste et le fait que, dans son cadre, les rapports d’argent l’emportent sur tout le reste. Aujourd’hui, la seule liberté qui soit vraiment garantie est celle de la concurrence libre et non faussée. La santé, l’éducation et la culture, domaines où les luttes des travailleurs avaient conquis des garanties sont également menacées d’être livrées au profit privé.
Le mouvement international des travailleurs est en crise à la fois du fait des évolutions mondiales et du fait que l’U.R.S.S. ( Union des Républiques Socialistes Soviétiques) et les états créés avec son soutien après la Seconde Guerre mondiale se sont écroulés après avoir évolué comme des états totalitaires au régime policier au lieu de progresser vers la démocratie socialiste. La plupart des médias mondiaux se sont servis de cette tragédie dont les causes sont multiples et n’ont pas encore été entièrement étudiées pour discréditer le socialisme considéré soit comme une utopie irréalisable, soit comme conduisant nécessairement au totalitarisme.
Après un historique des conditions dans lesquelles « l’ordre libéral » actuel s’est imposé au monde, on envisagera les conditions contemporaines d’un régime socialiste démocratique. Les conditions, économiques , sociales et culturelles pour établir le socialisme démocratique existent aujourd’hui dans de nombreux pays. Mais sa réalisation effective nécessite une nouvelle bataille des idées qui demandera sans doute une génération.
Chapitre I
Comment le désordre néolibéral actuel s’est imposé au monde
Marx écrivait que le capitalisme était gros de crises économiques et de guerres. L’existence d’armements atomiques susceptibles de détruire toute l’humanité a amené les grandes puissances à renoncer à la guerre pour régler directement leurs conflits, mais elles n’ont renoncé ni aux armements de plus en plus sophistiqués, ni à armer des pays qui poursuivent des guerres régionales où leurs intérêts économiques et politiques sont plus ou moins engagés. La situation actuelle est marquée par le leadership des U.S.A. qui n’hésitent pas à intervenir militairement à travers le monde même si le désastre de l’actuelle intervention en Irak, après la guerre du Vietnam, les rendra sans doute plus circonspects. Un livre de Serge Halimi traite remarquablement de la manière dont l’ordre libéral s’est imposé au monde.
Les pays victorieux de la Première Guerre mondiale avaient à peine retrouvé leur équilibre et les pays vaincus étaient encore dans la détresse quand la grande crise économique de 1929 a frappé les U.S.A. et le monde, apportant une confirmation tragique aux idées de Marx et Engels concernant les crises du capitalisme. C’est dans ce contexte de faillite de l’économie de marché libre dans un pays libre que le Parti démocrate américain de l’époque va engager avec Roosevelt, sous l’inspiration de Keynes, une politique « de distribution équitable de notre revenu national entre tous ceux qui travaillent pour leur donner à la fois des moyens de subsister et des raisons de vivre ».Il installe un salaire minimum et une aide aux pauvres Il fait réaliser de grands travaux publics pour équiper sept états du Sud des U.S.A. Une meilleure distribution des richesses permet de doper la consommation ( tandis que les possédants déjà pourvus de tout ont tendance à épargner leurs revenus supplémentaires). Keynes se méfiait d’ailleurs de la rente cherchant des rendements élevés gênant l’investissement industriel moins lucratif mais plus utile à la société ( que dirait-il des actuels fonds de pension privés qui cherchent des dividendes à deux chiffres et cassent les entreprises dont ils prennent le contrôle ?) .
A la suite de la seconde guerre mondiale, avec le souvenir de la catastrophe qui y avait conduit et le développement du mouvement ouvrier socialiste dans le monde, tous les pays occidentaux se sont orientés vers un capitalisme tempéré par la redistribution et l’action publique ( au maximum en France, création ou développement de services publics de santé, d’éducation, de transports et d’énergie ; partout en Occident, investissements pour la modernisation industrielle et subventions agricoles). Paradoxalement , la peur du communisme et l’existence de l’U.R.S.S. et des états de l’Est européen a contribué à sauver le capitalisme en le conduisant à des compromis avec les masses populaires pendant de vingt-cinq à trente ans.
Keynes , qui était un vrai libéral, voulait sauver le capitalisme de ses tendances à l’autodestruction qui se sont manifestées lors de la crise de 1929. Il visait à trouver un équilibre entre le Charybde de l’individualisme forcené et le Scylla de la planification étatique. Après la seconde guerre mondiale, Keynes a été l’architecte des accords de Bretton Woods, où la France était représentée par Pierre Mendès-France, et où furent mises en place des institutions publiques internationales créées pour remédier aux échecs du marché (Banque mondiale, F.M.I., O.C.D.E.) . Depuis les années 80 , ces institutions ont complètement changé de sens : elles sont dirigées par des économistes qui font confiance aux marchés, dominés par les entreprises multinationales et par les détenteurs de capitaux, et sont méfiantes à l’égard des institutions publiques .
Une catastrophe économique n’entraîne pas automa-tiquement les mêmes réponses politiques dans tous les pays. Halimi remarque que celle de 29 a entraîné le New Deal aux U.S.A., le nazisme en Allemagne, le Front populaire en France et la stabilité gouvernementale en Grande Bretagne. Par contre, la stagflation (stagnation économique accompagnée d’inflation) des années 1970 a entraîné les mêmes réponses dans tous les pays occidentaux : le retour à la dictature du marché, l’affaiblissement des syndicats et la destruction des identités collectives. La théorie selon laquelle l’économie de marché entraînerait par elle-même partout la modernisation et la démocratie est une théorie aussi utopique que l’était l’idéologie communiste soviétique . Pourtant, les sciences sociales avaient démontré que « la différence des traditions, des institutions et de l’état des forces politiques et sociales interdisait presque toujours aux mêmes causes, fussent-elles économiques, de produire les mêmes effets » (o .c .p15). On sait les effets désastreux des recommandations du F.M.I. en ex-Yougoslavie et dans les pays « ex-communistes », en particulier en U.R.S.S. qui a connu un désastre économique et a été livrée aux maffias et aux clans. Mais face à leurs échecs et, en particulier, à l’importante crise économique de 1998, les chantres du marché ont prétendu que leurs idées avaient été mal appliquées et qu’il convenait de libérer encore plus le marché en réduisant les services publics et en ouvrant tous les secteurs d’activité au profit privé. On peut s’étonner de l’absence de réaction syndicale et politique à la suite de la crise de 1998. Halimi en rend compte en écrivant que ce n’est pas seulement la faillite du capitalisme déréglementé des années 30 qui avait conduit à des économies mixtes , mais aussi la puissance des syndicats et des partis ouvriers dans de nombreux pays durant plusieurs décennies. Si 1998 n’a pas eu de conséquences politiques dans la plupart des pays, c’est que le mouvement ouvrier a été affaibli par le reflux des syndicats et la faillite du modèle « communiste » mais c’est aussi que le socialisme démocratique est en panne de dirigeants et d’un programme clair. En France, à côté de quelques responsables qui restent attachés au projet socialiste démocratique, beaucoup veulent amener leur parti à ce qu’ils appellent « une social-démocratie moderne », c’est à dire à un parti soumis à l’économie de marché comme d’autres partis sociaux-démocrates européens. En Italie, on voit même des ex-dirigeants communistes devenus adeptes de la liberté du marché. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les ouvriers et les couches populaires ne sachent plus à quel saint se vouer et en arrivent à s’abstenir ou à voter aussi bien pour la droite, voire l’extrême-droite, que pour ces curieux « socialistes ».
En trente ans, de 1970 à nos jours, les forces sociales et politiques dominantes sont passées « de la défense d’un capitalisme modéré par la redistribution et l’action publique à la mise en place d’un gouvernement d’entreprise orienté par les seuls verdicts du marché ». Le recul de la solidarité sociale et des activités tournées directement vers la personne humaine frappe potentiellement toute la population à l’exclusion d’une mince couche de privilégiés . A partir de facteurs macro-économiques et macro-sociaux, le triomphe de la politique néolibérale n’a été rendue possible que grâce à une grande bataille idéologique diffusée par le multimédia .
Le désastre orchestré dont nous avons eu un échantillon à l’occasion du cyclone Catarina où les tout puissants Etats-Unis ont été incapables de gérer humainement une catastrophe climatique prévisible et prévue sur leur territoire est lié à des facteurs multiples. Il a des bases économiques : entre 1950 et 1960, « les inégalités entre pays et à l’intérieur de chacun d’eux régressent. Cela ne s’était plus produit depuis 1820. Cela ne se reproduira pas après 1960 » (étude de la Banque mondiale citée par Halimi). Quant il a fallu aux USA payer la note de la désastreuse guerre du Vietnam, qu’il y a eu du chômage, la droite capitaliste sauvage partisane de la déréglementation est passée à l’offensive dès 1967 avec Barry Goldwater. Les salariés qui donnaient traditionnellement la majorité aux démocrates étaient déçus et la droite a su exploiter leur colère et la tourner contre les aides accordées aux pauvres comme on l’a vu en France vingt ans plus tard les amenant à se tromper d’ennemi.
Quand la psychologie des gens est négligée, elle finit par prendre sa revanche. Lorsque Marx préconisait « la dictature du prolétariat » dans la période de la prise du pouvoir par la classe ouvrière pour briser la résistance des capitalistes qui possèdent encore un temps plus de ressources que les révolutionnaires, il n’avait pas vu le risque qu’une mince couche de révolutionnaires professionnels confisque durablement le pouvoir et que l’on aboutisse à la dictature d’une nouvelle forme de caste comme la « nomenklatura » soviétique. Lorsque les idéologues du courant politique néo-keynésien croyaient qu’un capitalisme modéré par la redistribution pourrait progresser éternellement dans les années d’après seconde guerre mondiale, réaliser pour tous « le rêve américain », avec la fin de la guerre froide, ils proclament déjà la « fin des idéologies », « la fin du prolétariat » et la montée des classes moyennes, la société ne requérant plus qu’une administration par les experts. Travailleurs et syndicats sont invités à se soumettre à la « science technologique ». A l’Ouest comme à l’Est, on décourage les travailleurs de s’intéresser à leurs affaires, après quoi on les accuse de ne pas s’y intéresser. A l’Ouest, la droite ne remet pas en cause le rôle de l’état dans la régulation sociale dans les années 60. Mais quand poindra une nouvelle crise économique, la droite réactionnaire partagera avec la gauche radicale la critique de la bureaucratie et de la centralisation et sa propagande fera appel avec succès à l’initiative et au « bon sens populaire ».
Auparavant, la « gauche » gestionnaire des démocrates aux USA, qui sera bientôt imitée dans tout le monde occidental, avait abandonné ses liens traditionnels avec les masses travailleuses pour se concilier les milieux d’affaires, redoutant avant tout la mobilisation des masses populaires contre la stagnation économique, le chômage et l’inflation. A partir de la conversion de la « gauche » à la dictature des marchés, les milieux d’affaires n’ont pas grand chose à perdre d’une éventuelle alternance politique entre le conservatisme ouvert et les « démocrates états-uniens » comme les « sociaux-démocrates modernes » dans d’autres pays. C’est ce qui va permettre la victoire durable du néolibéralisme. Partout dans le monde, on trouvera quelques sociologues diplômés pour nous expliquer que le monde a changé et qu’il n’y a plus de travailleurs exploités. Pourtant , la majorité des sociologues montrent dans divers pays, et à des moments différents, la stabilité des effectifs d’ouvriers et d’employés qui constituent la grande majorité de la population active Abandonnés par le parti démocrate aux USA et par les partis sociaux-démocrates ailleurs, les ouvriers vont s’abstenir, voter pour une gauche radicale qui n’a aucune chance d’être élue ou même pour un homme de droite habile poussé par tous les médias. Une partie de nos sociaux-démocrates ont viré à droite du côté où le vent soufflait, mais d’autres ont été victimes de leur orientation technocratique et élitiste les éloignant du peuple. Enfin, les nouvelles campagnes politiques multimédia nécessitent beaucoup d’argent que la « gauche » va trouver comme la droite dans le monde des affaires. Aux Etats-Unis, l’ennemi ne sera plus la richesse sans limite mais tout ce qui de près ou de loin peut évoquer d’abord le communisme, mais aussi bien le socialisme sous toutes ses formes comme les liens avec le mouvement syndical.
Pour résumer cette évolution, on peut considérer qu’après la grande crise économique des années 30 il y a eu un consensus pour que l’État protège les populations contre les excès du capitalisme, le danger venant des riches, tandis qu’à partir des années 70 une propagande habile trouvera moyen d’attribuer la nouvelle crise économique à l’État qui sera désigné comme l’ennemi des citoyens tandis que l’enrichissement se verra valorisé positivement. On se plaindra des déficits publics et on réduira les services publics et les dispositifs de protection et de solidarité sociale. Or, plus on abandonne le territoire au marché, plus les services privés sont coûteux et plus l’état est en déficit malgré sa réduction puisqu’il n’assure plus qu’un minimum de services non rentables dans les zones défavorisées du pays.
Chapitre 2
Conditions contemporaines du débat politique
Dans sa forme, les conditions du débat politique démocratique se sont profondément détériorées. Quand Barry Goldwater lance le mouvement néolibéral dans les élections américaines en 1967, lui et ses jeunes troupes combatives organisent une multitude de petites réunions exactement comme les réunions sous les préaux en France où les électeurs pouvaient venir discuter. Il y a, malgré les différences d’argent, une certaine analogie de moyens entre les partisans des différentes tendances de l’opinion. Aujourd’hui, la campagne se fait à la télévision et dans les grands organes de presse. Autrefois, les journaux appartenaient à des capitalistes entrepreneurs de presse qui risquaient leur fortune dans cette activité. Aujourd’hui, télé et journaux appartiennent pour la plus grande partie aux grands groupes capitalistes financiers, singulièrement en France à ceux qui sont présents dans les industries d’armement. Ils font l’opinion en choisissant les informations, l’impact plus ou moins grand à leur donner et leur heure de diffusion. En 1984, le dernier candidat démocrate à la présidence américaine, attaché au mouvement ouvrier, Walter Mondale, a été vaincu par la campagne des médias qui ont imposé Reagan. Le dernier candidat travailliste anglais héritier de la tradition travailliste a été vaincu à la suite d’une campagne de presse éhontée et le suivant, Tony Blair, artisan d’un « nouveau travaillisme », n’a été élu qu’en s’étant lié à l’avance avec les milieux d’affaires et les propriétaires des grands médias, les assurant qu’il ne toucherait pas à l’essentiel des réalisations antisociales des conservateurs emmenés par Margaret Thatcher les années précédentes.
Avant 1970, le capitalisme américain sponsorisait des universités et des chercheurs sans se préoccuper de près de leurs travaux qui lui étaient souvent hostiles. Avec la montée du néolibéralisme, ses porte-drapeaux ont appelé leurs partisans à subventionner essentiellement les recherches qui leur seraient favorables. Pour les « chercheurs » en économie, le métier devenait facile, ils connaissaient à l’avance les résultats auxquels ils devaient aboutir. Si les choses restent plus floues en France, il n’en reste pas moins que depuis les années 80, et de plus en plus ces dernières années, on voit fleurir des experts autoproclamés ou choisis par le pouvoir et des « Haut Comité » de tout ce qu’on veut qui sont directement ou indirectement à la solde du gouvernement et du capital financier. A la limite, il suffit que « l’expert », le journaliste ou le technicien ait peur d’être mal considéré , veuille apparaître « objectif » ou (et) modéré, courre après une progression dans sa carrière pour qu’il réponde au désir du pouvoir en place, le plus souvent de bonne foi même s’il y a toujours quelques canailles. Pendant des années, des intellectuels saisis par la sottise, ont écrit sur la mort des idéologies alors qu’il ne s’agissait que de la mort de l’idéologie communiste soviétique tandis que les idéologues du libéralisme faisaient avec succès le siège des décideurs et convertissaient à leur cause les principaux partis politiques.
Dans la plupart des pays du monde , la démocratie parlementaire est biaisée. Les règles instaurées pour les élections visent partout à limiter la représentation populaire au profit des possédants et des classes moyennes. La représentation proportionnelle est le seul mode de scrutin grâce auquel toute voix compte même si la dispersion des opinions rend souhaitable de le corriger de manière à assurer la stabilité du gouvernement entre deux élections. Or, en France, il y a eu une complicité entre le Parti socialiste et la droite pour tendre vers un bipartisme à l’américaine qui écrase les autres tendances de l’opinion. Pourtant, dans ce pays, il y a toujours une extrême droite dont la place varie de 5 à 15% selon les périodes, une droite dont le score varie de 20 à 30%, un centre dont le score varie entre 10 et 20% ( il se partage en France entre une fraction laïque et une fraction chrétienne), la gauche social-démocrate entre 20 et 30%, la gauche ouvrière et l’extrême gauche entre 10 et 25% . La période actuelle est caractérisée par la montée des droites et par l’écrasement de la gauche ouvrière incarnée antérieurement essentiellement par le Parti Communiste. De toute façon, en France, la majorité a toujours été acquise avec le concours d’une partie du centre, oscillant à gauche après la seconde guerre mondiale et oscillant plus volontiers à droite depuis que le mouvement ouvrier s’est affaissé. Le régime présidentiel et un mode électoral qui favorise deux grandes formations réduisent la démocratie réelle .
Au demeurant, à notre époque multi-médiatique, le coût d’une campagne électorale nationale se compte en milliards de dollars aux U.S.A. et en dizaine de millions d’euros en Europe de sorte que les partis susceptibles de gagner une élection de ce genre ont besoin de l’aide d’une tendance (un peu plus sociale) ou de l’autre (plus réactionnaire) du capitalisme financier. Les chances d’une gauche authentique, à peu près nulles aux U.S.A. dans le cadre actuel de leur Constitution, ne pourraient renaître que d’un grand mouvement populaire faisant suite à une crise approfondie du capitalisme. Ses chances, plus grandes dans les vieux pays d’Europe et en particulier en France, ne grossiront qu’avec un nouvel essor du mouvement des travailleurs.
Contenu du néolibéralisme
Ayant étudié la forme et les moyens de l’offensive néolibérale, voyons son contenu. Il s’agit de la dictature du marché et du capital financier entraînant le gonflement des fortunes, la mise en concurrence des salariés et la casse des syndicats. Ses outils sont déréglementations, privatisations, baisse des impôts, libre-échange. Et quand cela va mal, les idéologues déclarent qu’il faut aller encore plus loin dans le sens de la dictature du marché, que leurs idées ont été mal appliquées. Exactement comme des politiciens de « « droite » avaient adopté des idées imposées par la « « gauche » pour se faire élire (ou réélire) , ds politiciens de « gauche » vont adopter des idées de droite quand elles ont le vent en poupe. C’est à partir de là que les couches populaires et une partie des classes moyennes vont perdre confiance dans leurs représentants politiques antérieurs, s’abstenir, voter pour des partis extrêmes dont les voix se perdent ou changer de camp. L’aide apportée aux chômeurs et à tous les exclus finit par exaspérer les smicards et les salariés du bas de l’échelle qui vivent difficilement en travaillant. Or cette aide ne représente pas tant d’argent qu’ils se l’imaginent et la faiblesse de leurs salaires dépend bien davantage de la part de la richesse produite donnée aux actionnaires et aux couches supérieures de la société par rapport à celle consacrée aux salaires. Depuis vingt ans , non seulement les salaires ont beaucoup moins augmenté que les revenus du capital mais les dépenses de logement, de garde d’un enfant, d’assurance maladie, de déplacement imputables à des insuffisances de services publics se sont accrues. Les impôts frappant le capital ont été diminués tandis que ceux frappant les couches modestes de la population (impôts indirects) ont été augmentés. Récemment un milliardaire américain s’inquiétait du fait que sa femme de ménage payait plus d’impôts que lui proportionnellement à leurs revenus respectifs.Ce qui existe massivement aux USA est en route tendanciellement en France.
Ce ne sont plus seulement les ouvriers qui sont attaqués, les enfants et les petits-enfants des classes moyennes , bardés de diplômes , accèdent difficilement à l’emploi et sont deux fois moins payés que leurs parents ne l’étaient au même âge. A partir de maintenant, le vent peut tourner, mais il y faut un programme socialiste clair et une proposition d’alliance avec tous les humanistes (sociaux-démocrates traditionnels ou modernes, chrétiens sociaux , centristes ) qui font passer les intérêts matériels et spirituels de l’humanité avant les seules considérations d’argent qu’ils soient laïcs , chrétiens, musulmans ou adeptes d’une autre religion, agnostiques ou athées. En attendant, il convient de résister à la déshumanisation dans tous les domaines de la vie, familiale, professionnelle et sociale.
Chapitre 3
Comment en sortir : pour le socialisme démocratique et pour l’alliance de tous les amis des hommes
1/Nous avons une grande bataille d’idées à mener dans des conditions défavorables. Seuls le Web et Internet sont pour l’instant librement accessibles et ont d’ailleurs joué un rôle dans la mobilisation de la gauche lors des dernières présidentielles françaises. Mais la grande majorité des ouvriers n’est pas encore équipée et familiarisée avec le Net. Au moment où une P.M.E. issue des Pélerins d’Emmaüs récupère et revend des ordinateurs d’occasion bon marché, les syndicats ouvriers et les partis de gauche pourraient faire une grande campagne pour que les ouvriers et tous les travailleurs s’équipent et puissent bénéficier chaque jour sur le Net d’un bulletin d’informations gratuit de la formation de leur choix. Ce serait une démarche capitale au moment où le régime Sarkozy va réduire encore le peu de libertés d’expression et de réflexion qui existe encore sur les radios et les télévisions publiques.
Bien entendu, cela n’exclut pas tous les autres moyens d’information et de diffusion qui peuvent être mis en œuvre (radio et télé libres ?, journaux , brochures, livres). Les économistes néolibéraux et les politiciens du capitalisme financier ont mené la bataille des idées de 1960 à 1990 et l’ont gagnée progressivement partout. Les penseurs socialistes et les politiques socialistes n’ont pas les mêmes moyens médiatiques et financiers mais leurs idées sont conformes aux intérêts de l’immense majorité de la population alors que leurs adversaires ne servent les intérêts que d’une petite minorité. d’humains. Ils peuvent donc finir par l’emporter.
2. Les citoyens sont les meilleurs experts en ce qui concerne leur vie quotidienne, leur famille, leur travail et leur place dans l’entreprise et dans leur commune. C’est une idée juste de la campagne de Ségolène Royal en France qu’il ne faut pas laisser s’estomper. Il ne faut pas faire appel aux gens seulement pour une campagne électorale mais solliciter en permanence leur aide et leur réflexion à condition d’en tenir compte dans les réalisations partout où la gauche détient une partie du pouvoir. Le désintérêt des gens pour la politique en dehors des premières années après la Libération et de 1968 est venu du fait qu’à gauche comme à droite , la politique a été confisquée par les politiciens professionnels et les « experts ». Il s’agit de partir des citoyens. Cela ne veut pas dire négliger les techniciens, les élus et les responsables syndicaux, politiques et associatifs mais les amener à se confronter régulièrement avec leurs mandants. Il faut une association de toutes les forces et de tous les talents. Pour une réalisation architecturale, par exemple, une population non informée va faire des propositions traditionnelles dont il sera facile de se moquer et un architecte choisi par les pouvoirs proposera souvent un projet peu adapté à la communauté locale. Une démarche démocratique moderne consiste à discuter avec la population à partir des projets de plusieurs architectes présentant un modèle réduit de leur travail et l’argumentant. Cela a un coût , mais bien moindre que celui de locaux inadaptés à leurs fonctions. Que d’aberrations dans les réalisations hospitalières contemporaines, entre autres, faute d’un travail préparatoire soutenu avec les médecins, les infirmiers et les techniciens.
3. Les institutions
Le socialisme démocratique suppose des institutions démocratiques. En France , les institutions de la 5°République ont été taillées sur mesure pour le Général De Gaulle dans les conditions dramatiques d’une guerre coloniale. Elles ne sont pas adaptées à une démocratie moderne. La France doit être dirigée par un gouvernement élu par l’Assemblée nationale, constituée par des députés élus à la proportionnelle départementale avec récupération nationale de toutes les voix sans élu et un supplément au bénéfice de la formation la plus importante de manière à permettre la stabilité gouvernementale pendant le quinquennat. Une deuxième chambre aux fonctions territoriales, économiques et sociales ne donnerait plus que des avis consultatifs.
Le Président de la République serait élu par la Chambre des députés mais garderait une fonction d’arbitre de la nation dont les pouvoirs seraient à délimiter de manière intermédiaire entre le peu de pouvoir du Président de la 4°République et l’excès de pouvoir de celui de la 5°.
4.L’économie socialiste démocratique
Il convient de garder du marxisme la propriété collective des richesses naturelles (pétrole et gaz, eau, minerais). Il convient que l’état ait un contrôle sur les grands moyens de production et d’échange. Toutefois, il est important de préserver l’initiative individuelle et collective et d’éviter l’intervention directe de l’état dans toutes choses. Il semble que les socialistes marxistes n’aient pas aperçu que l’étatisation donnerait un pouvoir exorbitant à la classe politique entraînant la dérive totalitaire. Dans ces conditions , la nationalisation concernerait les ressources naturelles (minerais, pétrole et gaz, eau potable), l’énergie, les transports en commun, les postes et télécommunications, l’industrie d’armement et une banque traitant toutes les affaires publiques. Chacun de ces secteurs serait géré , non sous la forme étatique, mais sous forme de régies autonomes (avec une gestion tripartite entre les pouvoirs publics, les représentants des personnels et ceux des usagers) assurant leur budget , leur fonctionnement et leur développement dans le cadre du plan de charges défini par l’état , les collectivités territoriales et les grands services . L’état , les collectivités territoriales et les régies autonomes auraient leur propre compagnie d’assurance. Des entreprises privées pourraient recevoir des délégations de service public.
Dans tous les autres domaines de l’industrie et du commerce, le souci du développement de l’initiative et de la limitation de la bureaucratisation (qui a particulièrement affecté les états d’inspiration socialiste mais aussi l’organisation de nombreux états capitalistes et de grands groupes privés) ferait travailler côte à côte le secteur privé, un secteur d’économie mixte et le secteur public en favorisant développement des activités de coopératives, de mutuelles et d’associations ayant une vocation d’intérêt social particulière. L’état, les collectivités territoriales et les différentes régies autonomes ne viendraient soutenir l’ensemble des entreprises que sous forme de participations à leur capital ou à leurs moyens de travail qui leur assureraient un droit de contrôle pour empêcher leur vente ou leur fermeture sans motif économique majeur par suite de manœuvres financières internationales .
Les particuliers et les collectivités de droit privé auraient le choix de services, d’assurances et de banques privés, mutualistes ou publics,
On se demandera pourquoi nous avons besoin de services publics puissants et d’un secteur d’économie mixte à côté du secteur privé. C’est que l’éducation, la culture et la santé pour tous requièrent aussi l’eau potable, l’énergie et des transports en commun irriguant l’ensemble du territoire. Le rail, les canaux et les transports en commun adaptés doivent permettre de restreindre l’usage des camions et des voitures individuelles, ce qui est essentiel pour le redressement de la situation écologique de la planète. C’est aussi que l’Etat peut assurer les services publics partout sans déficit en équilibrant les secteurs rentables avec les non rentables tandis que le secteur privé tend à sélectionner les activités rentables et, à ce moment là, l’état qui prend en charge les secteurs difficiles ne peut qu’être toujours plus en déficit.
Les moyens d’information et de communication pourraient être publics, associatifs ou privés . Toutefois, les groupes de presse, de radio et de télévision privés devraient être des entreprises indépendantes des groupes privés se consacrant à d’autres activités et, en particulier à des activités financées par l’Etat, en particulier comme les fournitures militaires.
Chapitre 4
La France, l’Europe et le Monde
La mise sur orbite du socialisme démocratique en France, en Europe et dans le monde se heurte à la fois à une grande difficulté- les grandes puissances sont dominées actuellement par des gouvernements néolibéraux ou par des régimes totalitaires- et à une grande possibilité d’avenir : le salut de la planète nécessite des régulations qui iront s’imposant à moins que la génération de dirigeants actuels ne parviennent à entraîner l’humanité dans leur propre mort. En faisant le pari de la vie, on peut penser que l’O.N.U., l’U.N.E.S.C.O. et les organisations économiques internationales (Organisation .Mondiale du Commerce, Banque Mondiale, Fonds Monétaire International), au lieu de se soumettre aux marchés, reprendront leur vocation initiale de s’occuper des humains et de réguler les déséquilibres de l’économie de marché. Elles le feront d’autant mieux si les associations humanitaires, les syndicats et les partis politiques de progrès s’organisent internationalement comme il en existe déjà des prémices. Un Mouvement Mondial pour la Paix redeviendrait d’actualité si certains états et certains politiques envisageaient à nouveau de régler les problèmes par la guerre comme les U.S.A. viennent de nous en donner le triste exemple.
1. L’europe
La construction de l’Europe au lendemain de la seconde guerre mondiale est une grande idée dont l’état actuel de réalisation n’est pas à la hauteur des espérances des peuples. On est parti d’une Europe des nations qui développeraient progressivement des organismes supranationaux avec une gestion fédérale, projet qui est à reprendre. Avec la domination mondiale du capitalisme financier et de son idéologie néolibérale, on a abouti trop rapidement à une Europe à 27 états , hétérogène, dont la banque et la commission exécutive ont essentiellement en vue la destruction des services publics des pays membres et l’ouverture à la concurrence et la marchandisation de tous les secteurs de l’économie. C’est une Europe des capitaux, pas une Europe des peuples. Il convient donc de repenser la construction européenne et de la dégager de la doctrine économique néolibérale pour que les ferments positifs qu’elle contient puissent se développer mais que chaque nation, selon ses possibilités et sa tradition puisse organiser librement sa vie sociale et ses formes de solidarité sociale. Après le traité de Maastricht qui contenait déjà des éléments discutables, Nice, Barcelone et Lisbonne ont prévu la destruction des services publics essentiels au profit du privé dans la ligne néolibérale et, malheureusement, les partis sociaux démocrates ont participé à cette destruction des acquits de la classe ouvrière dans plusieurs pays. Continuer la construction européenne, oui, mais en annulant les décisions favorables au seul capitalisme financier et nuisibles à la majorité des populations.
2. Le monde
Le monde actuel reste dangereux. Les peuples humiliés par le colonialisme et ses suites sont encore opprimés par des régimes autoritaires susceptibles de les entraîner dans des aventures comme celle du terrorisme international, de guerres régionales et de guerres civiles internes. Partout, les Etats Unis, sous prétexte de lutter contre le communisme, mais tout aussi bien contre le socialisme démocratique (au Chili et ailleurs) ont favorisé l’établissement de sanglantes dictatures de droite et les anciens pays colonisateurs, comme la France, n’ont pas été mieux inspirés dans ce domaine : chaque fois qu’un dirigeant africain démocrate voulait sortir son pays de l’ornière, il a été découragé ou assassiné au profit d’un « roi nègre » se remplissant les poches en livrant son pays à l’exploitation sans frein des multinationales. Enfin, après le hors d’œuvre d’un scandale de l’immobilier américain, une nouvelle grande crise du capitalisme s’annonce et ses hérauts envisagent déjà de fuir en avant en déclenchant une nouvelle guerre en Iran ou ailleurs. Il est temps que les peuples crient au fou !
Le principal danger de guerre résulte du problème du partage de l’eau potable, des ressources naturelles épuisables et des énergies pendant ce siècle.
3. Programme d’urgence
a) Il faut d’abord sauver la planète. Le développement des pays émergents nécessite de l’énergie et il est donc indispensable d’utiliser l’énergie atomique dans des conditions bien maîtrisées plutôt que d’utiliser les réserves de charbon et de pétrole. Un de nos prix Nobel de physique a fait observer que si la Chine utilise les milliards de tonnes de charbon dont elle dispose dans son sous-sol dans les décennies à venir, l’atmosphère de la planète sera devenue irrespirable. Le même indiquait que le pétrole brut était un produit extrêmement riche et sophistiqué dont il était ruineux de détruire les réserves pour faire rouler des voitures. On a donc un besoin immédiat, et peut-être provisoire, de l’énergie nucléaire tout en travaillant à développer toutes les sources d’énergie non polluantes possibles. Les écologistes “antinucléaires” ont une attitude irresponsable en renvoyant à la production de l’électricité par des centrales au charbon et au gaz alors que le gaz carbonique est un des grands responsable de l’effet de serre qui dérègle le climat et alors que l’on ne peut refuser aux pays émergents de se développer comme nous l’avons fait depuis plus d’un siècle. Comme l’écrit Laurent Fabius : “il existe un besoin urgent, vital au sens propre, d’actions politiques : économiser drastiquement l’énergie et en diversifier les sources ; encourager massivement la recherche et l’innovation ; respecter des normes sévères anti-pollution dans les domaines industriel et agricole ; révolutionner les transports, l’habitat et la fiscalité vers cet objectif ; adapter nos modes de consommation et d’alimentation ; mettre en place une Organisation mondiale de l’environnement. Aucune de ces tâches n’est compatible avec une approche traditionnelle, confiant au seul marché le soin d’agir (c’est moi qui souligne). Nous avons besoin d’une régulation nationale et internationale forte, d’une priorité absolue reconnue au long terme, à la personne humaine et à la vie, thèmes qui doivent être précisément ceux de la gauche. A la France, en lien avec l’Europe, d’engager la rupture sur ce terrain-là”.
b)La mondialisation économique peut être un facteur de paix sous certaines conditions. Permettre à des entreprises de toute nationalité de travailler dans tous les pays, oui. Transporter sans nécessité les produits courants d’un pays produit à travers le monde, non. Les transports sont un facteur majeur de pollution. La délocalisation des productions industrielles est un facteur majeur de l’asservissement des travailleurs et de ruine d’une partie des pays. La première mesure d’une politique sérieuse de l’environnement est que les entreprises produisent dans chaque pays (ou dans un pays limitrophe) la quantité de produits pesants que le pays leur achète ( à titre d’exemple, que Toyota produise en France les voitures que les Français lui achète ; aussi bien que Renault produise en France les voitures qu’il y vend et vende en Europe centrale les voitures qu’il y produit ). Une telle organisation des productions agricoles et industrielles défendrait à la fois l’environnement et les populations productrices et consommatrices.
c) L’allongement de la durée de vie et l’accroissement du nombre de personnes âgées pose aussi de nouveaux problèmes. L’accroissement de la population mondiale posera des problèmes de croissance , de niveau de vie et de santé.“La préoccupation du vieillissement recoupe notamment les questions de santé et de retraite”. Il faut agir sur l’offre de soins et sur la prévention . On n’obtiendra les capitaux nécessaires pour assurer la sécurité sociale et les retraites que par un impôt spécifique basé sur les profits des entreprises et non sur leur nombre de salariés. Les charges sociales fondées sur le nombre de salariés n’ont plus de sens depuis l’automatisation de pans entiers de la production et elles n’aboutissent qu’à pousser le patronat à employer le moins de salariés possible, ce qui accroît le chômage et donc les déficits de services publics dont le budget est fondé sur la capitation (prélèvement par unité de citoyen employé).
Dans les pays développés, l'industrie automatisée, l :'allongement de la durée de la vie , changent la place du travail dans la vie. On n'obtiendra le plein emploi des 20-25 ans jusque' à 60 ans qu'en réduisant bientôt la durée du travail à 32 heures hebdomadaires et en réduisant la part des actionnaires au profit des travailleurs. Ce ne serait d'ailleurs que rendre au travail sa part dans le produit intérieur puisque cette part a diminué de 10 à vingt % suivant les statistiques diverses au cours des trente dernières années.
Comme les autres services, un service autonome de santé apportera un large concours public aus soins et à la prévention, non seulement à partir des hôpitaux mais à partir de maisons de santé communale et de quartier dans les villes, tout en maintenant un secteur associatif ou mutualiste et un secteur de santé privé.
d) Le chômage, l’emploi à temps partiel et l’emploi précaire détruisent l’aspiration républicaine à l’égalité. Le capitalisme financier, ses médias et les politiciens à sa solde détournent la colère légitime du peuple vers des aspects secondaires de la situation et même vers de purs mensonges. Ils tendent à dresser l’opinion contre les fonctionnaires assurés de la sécurité de l’emploi à défaut de rétributions correctes. La masse des chômeurs est assimilée à une petite minorité de paresseux et d’inadaptés sociaux en visant à réduire, voire à supprimer, les aides qui leur sont apportées. On dresse les français de souche contre les immigrés avec ou sans papiers. Les médias valorisent et favorisent les affrontements entre quartiers, générations, ethnies et religions. La citoyenneté, la laïcité et la solidarité sont mises en cause alors que ce sont ces valeurs qui sont à la base de la possibilité d’une vie humaine pour tous.
Notre communauté nationale comporte déjà des citoyens variés selon leur habitat, leur religion ou leur philosophie, leur âge, la couleur de peau, qui ont droit à une égalité des chances.. La laïcité de l’état et de ses réalisations pour les citoyens est fondamentale : c’est le meilleur de ce que que la République française peut proposer au monde pour régler les conflits actuels dans de nombreux pays entre le politique et les religions.
e) En attendant l’établissement du socialisme, tous les humanistes pourraient se mettre d’accord sur des régulations raisonnables de l’ensemble de l’économie. On ne peut pas se contenter d’un certain nombre de services publics si ces derniers, telle, par exemple, la sécurité sociale, sont écrasés par une puissante industrie des médicaments qui continuerait à dominer l’information des médecins et du public. L’intérêt général doit primer les intérêts des puissances économiques. Mais il ne s’agit pas d’établir des contrôles purement bureaucratiques, il s’agit de mettre autour d’une table les représentants des usagers, les professionnels, l’état et les entreprises intéressées pour élaborer des décisions équilibrées.
Conclusion
On a pu dire que l’humanité ne se posait que les problèmes qu’elle est capable de résoudre . Elle a, aujourd’hui, à organiser la sauvegarde de sa vie et de la vie sur la terre. Les moyens techniques du salut existent déjà en partie ou seront à la portée des sciences et des techniques dans les années qui viennent. Mais cela ne se fera pas dans le cadre de la dictature de fait du capitalisme financier qui ne vise que la recherche du maximum de profit dans le minimum de temps et qui ruine sans hésiter la vie de populations entières du fait des crises économiques et des guerres qu’il a toujours engendré et engendre régulièrement. Cela suppose que partout, aujourd’hui et demain, les humains, quelles que soient leurs idées politiques, religieuse ou philosophiques, se sentent citoyens du monde et se mobilisent tous pour qu’une vie humaine soit possible pour tous sur la planète.
Dans le respect de leur diversité , une organisation des Citoyens du Monde (qui existe déjà à l’état embryonnaire) a d’abord pour responsabilité de lutter du quartier à l’ensemble du monde en passant par la commune, la région et la nation, pour la défense de l’environnement de manière à arrêter la catastrophe climatique qui menace la planète. Leur action à tous les niveaux doit conduire à ce qu’une autorité mondiale,conseil mondial de l’environnement, soit désignée et puisse imposer aux états des décisions urgentes. L’organisation des Citoyens du Monde existante pourrait être réactivée dans cette perspective. Au moment où le système néolibéral connaissait sa première grande crise économique en 1998, ATTAC est née et sa première proposition concrète a été la taxation des transactions financières pour créer un fond d’aide au développement et pour freiner la spéculation, cela a donné le nom de l’association attac : Association pour la Taxation des Transactions financières pour l’Aide aux Citoyennes et citoyens.Aujourd’hui Attac est un réseau présent dans de nombreux pays et travaille sur des sujets divers : l’Organisation mondiale du commerce et les institutions financières internationales, la dette, la taxation des transactions financières, les paradis fiscaux, les services publics, l’eau, les zones de libre-échange (Méditerranée, Amérique, Europe...). Chaque Association nationale a des groupes travaillant sur les différents thèmes. Tous les groupes sont engagés dans des campagnes nationales et internationales pour des propositions concrètes d’alternatives à la pensée unique néolibérale et basées sur la solidarité. Ce type d’association peut prendre une place essentielle dans le combat pour un monde plus humain.
La vie étant sauvegardée, la mobilisation syndicale, associative et politique de l’ensemble des populations est nécessaire pour faire prévaloir partout et en tous temps le souci des humains , de chaque personne, par rapport à la tendance à faire prévaloir l’économie- en fait la richesse d’une petite minorité par rapport à la pauvreté du plus grand nombre- et une organisation bureaucratique des sociétés – qui laisse l’individu , la famille et les groupes défavorisés dans l’impuissance.
Les richesses de l’humanité ont été et sont produites par les travailleurs manuels et intellectuels. Ils sont les actifs de l’humanité, ils sont les plus nombreux, il est capital pour l’avenir de l’humanité qu’ils soient organisés politiquement et qu’ils pèsent, non seulement au moment d’une élection, mais en permanence , sur les décisions du pouvoir politique, quel qu’il soit. En unissant le socialisme et la plus large démocratie, vous ferez réellement entrer l’humanité dans une ère nouvelle laissant derrière vous le capitalisme où 1% de la population mondiale possède 80% des richesses aussi bien que le totalitarisme collectiviste qu’ a connu le défunt monde soviétique où le peuple s’était trouvé frustré de ses victoires par des organismes d'état tout puissants.
Le monde « néolibéral » actuellement triomphant est empêtré dans les guerres qu’il suscite- en Irak, en Afghanistan et ailleurs- et il est menacé aujourd’hui par une nouvelle crise économique mondiale. Les amis des humains peuvent vaincre cette organisation inhumaine. N’ayez pas peur, comme avait dit le Pape Jean Paul II aux ouvriers polonais fondant leur syndicat libre sous le régime « communiste ». En étant unis, les travailleurs, qui sont les plus nombreux, sont les plus forts. La domination du capitalisme, comme de toute dictature, repose sur la peur : les travailleurs aux revenus modestes ont peu de possibilités de se cultiver, ils sont menacés par le chômage et c’est ainsi qu’ils se montrent soumis et acceptent les idées véhiculées par les médias de masse selon lesquelles il n’y aurait pas d’autre société possible. A partir du moment où les travailleurs manuels et intellectuels s’organiseront à nouveau syndicalement et politiquement, se donneront leurs propres moyens de culture et de communication, ils peuvent dominer leur peur et changer le monde en faveur de l’immense majorité des humains.
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