Manuel Valls : Premier ministre et (surtout) gourou de la com’
Ancien porte-parole de Lionel Jospin, directeur de la communication pour la campagne présidentielle de François Hollande, le nouveau Premier ministre Manuel Valls, omniprésent, sait occuper l’espace médiatique. Dès sa nomination à Matignon, Manuel Valls ne perd pas une seconde, histoire de donner le rythme au gouvernement. Exposition médiatique maximale, suractivité : le grand communicant a déjà fini par agacer au sein de la (encore réelle ?) majorité PS.
Valls veut « maîtriser le message adressé aux Français »
On pouvait certes reprocher à Jean-Marc Ayrault une communication pour le moins hésitante, voire parcimonieuse, qui plaçait les médias en situation de manque, comblé à grands coups de vent. Avec Valls, pour sûr, ils auront leur dose.
La stratégie de communication de Manuel Valls a un seul point positif : elle est limpide et ne laisse prise à aucune interprétation, ni aucun doute. En cherchant à s’imposer à terme comme le leader indiscutable de la gauche sociale-libérale – comme Nicolas Sarkozy avait su devenir celui de la droite décomplexée – le Premier ministre brouille trop souvent à lui seul la cohésion générale à gauche et entre dans une logique de rupture avec son propre camp.
Désavoué par une partie de sa majorité lors du vote du pacte de stabilité à l’Assemblée nationale Manuel Valls accroît les tensions au sein du PS et agace jusque dans le gouvernement.
Lors du premier conseil des ministres, le vendredi 4 avril, le Premier ministre avertit : « Dans nos démocraties modernes, la communication n’est pas un vain mot. Elle est le véhicule de l’action, de la réforme au service de l’intérêt général. L’action politique doit donc être conduite dans une parfaite intégration des contraintes de la communication. À l’heure des chaînes d’information continue et des réseaux sociaux, maîtriser le message adressé aux Français demande le plus grand professionnalisme. Les ministres y veilleront, et il m’appartiendra de coordonner et de valider la communication gouvernementale. » La phrase est lancée. « Maîtriser le message adressé aux Français. » Et pour maîtriser ce message, rien de tel qu’un bon communicant.
Un ministre de l’intérieur qui cultive la polémique
Résumons la manœuvre. Un bon communicant occupe le terrain. Au poste de ministre de l’Intérieur, Valls est sur tous les fronts quant aux questions lancinantes : campements de Roms, port du voile, immigration. Il va même jusqu’à organiser son propre show du 14 juillet en Camargue, pour se montrer plus royaliste que le Roi, la veille du défilé et du traditionnel entretien du chef de l’État. Libération titrait même : « En Camargue, ce n’est pas un ministre de l’Intérieur qui a parlé. Mais un futur Premier ministre. Au moins. »
En s’engageant par ailleurs dans la retentissante affaire Dieudonné, Manuel Valls nous offre un show politico-médiatique de premier plan ; un combat largement relayé par les médias, faisant danvatage de publicité que de tort à l’humoriste. Mais au fond, on s’en fout du moment que le moulin à vent fonctionne...
Manuel Valls veille sur sa courbe de popularité, comme Harpagon sur sa cassette. Son capital auprès des Français grandit, en jouant les gammes traditionnelles de l’autorité républicaine. Les discours à connotation sécuritaire sont accueillis comme un soulagement dans une société minée par un sentiment d’urgence face à la crise. L’ancien ministre de l’Intérieur caracole laisse pourtant derrière lui, des chiffres peu reluisants.
« Un homme de communication mais pas un homme de résultat » lance Jean-François Copé. « Maintenant qu’on est en train de voir les résultats de Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, que ce soit l’explosion des cambriolages : +27%, la baisse des reconduites à la frontière : -25% ou l’augmentation de 50% des régularisations, je voudrais être certain que lorsqu’on sonde les Français, ils ont bien ces éléments en tête », poursuit le président de l’UMP. Malgré tout ce qu’il a à dire sur le patron de l’UMP, on ne peut que se ranger à son analyse concernant le locataire de Matignon.
Manuel Valls manie avec art son image. Mais cette image, qui fait partie de l’art politique, ne remplacera jamais les actes du gouvernement. En cherchant à prendre l’exact contre-pied de son prédécesseur, l’ultramédiatique Premier ministre offre certes un contraste net avec la période précédente, mais cette stratégie de communication est-elle gagnante à terme ? Peut-être pour lui, mais certainement pas pour la France.
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