Marine et Jean-Marie, le complexe d’Œdipe en politique
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Mourir ou ne pas mourir ? C’est ici une question centrale, car il ne peut y avoir deux têtes sur un même corps. Après de bons et loyaux services, le Front national se prépare à faire sa mue, ou tout au moins, Marine Le Pen tente une transfusion pour laver le vieux linge de maison. Entre le parti historique, agrégateur de cranes rasés, et sa métamorphose progressive vers une droite moins sulfureuse, il y a un obstacle de taille : la statue du commandeur, le père du parti, son père.
« Tuer le père » comme l’avait si bien analysé Sigmund Freud, peut permettre d’exister soi même, se réaliser sans le regard critique de l’autre. L’autre, cette autorité qui nous a fait. Bien que « sans toi », je ne suis rien, « avec toi » je n’existe pas. C’est bien là la principale difficulté de sa fille. Elle est aujourd’hui à la tête du parti fondé par son père, grâce à son père, en récompense de sa fidélité, mais l’héritière, car c’en est une, est sous tutelle. Elle a la liberté de faire, si son action s’inscrit dans la vision du père, mais dès que celle-ci s’écarte du dogme paternel et qu’elle annonce qu’elle souhaite changer le nom du parti au lendemain des législatives, le vieux lion ressort de sa tanière.
« Moi vivant, le Front National ne changera pas de nom », c’est Jean-Marie Le Pen qui le dit. A qui ? A sa fille ainsi qu’à ses conseillers politiques qui ne représentent qu’un « courant minoritaire » dixit le vieux lion. Les apparatchiks de la flamme tricolore sont prévenus. Jean Marie remue encore.
Pour penser, et donc exister, Marine doit mettre fin à cette emprise et remettre en cause l’exclusivité de son père sur la pensée frontiste. En s’appropriant la pensée, elle s’imposera et elle pourra agir sur elle et la modifier. « Moi aussi je peux penser ça », pourra-t-elle dire une fois son émancipation achevée. Le « ça » étant la chose idéologique autour de laquelle un parti se construit. Mais à qui appartient le « ça » ? A qui appartient le parti ? Est-ce consubstantiel… où l’idée et l’appareil politique peuvent évoluer pour leur propre compte ?
Le Front National est donc en viager tant que Jean Marie, président d’honneur du parti, restera debout. Marine n’a donc pas d’autre choix que de tuer le père. Elle ferait d’une pierre deux coups, une sorte de double homicide : biologique et idéologique. La mort, entendons nous bien sur le principe, est ici évoquée sous l’angle purement symbolique.
Sous l’angle de la psychanalyse, l’entreprise familiale frontiste nous offre une démonstration parfaite, tellement vrai, je dirais même caricaturale, du complexe d’Œdipe. Roger Perron, psychanalyste et directeur de recherche honoraire au CNRS, avait synthétisé la « vocation civilisatrice du complexe » selon Freud par le fait que les humains « étaient organisés en une horde primitive dominée par un grand mâle despotique qui monopolisait les femmes et en écartait les fils, fût-ce au prix de la castration ». Cette synthèse me semble parfaitement s’appliquer à la mue annoncée du Front National. Louis Aliot et Gilbert Collard n’ont qu’à bien se tenir s’ils veulent éviter la castration du père.
C’est ce qui arrive quand on met tout ses œufs dans le même panier. Décidément, les bijoux de famille ne sont pas une proie facile.
Nicolas GEORGES
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