Mayotte, pas de pot à Pau pour Bayrou
François Bayrou, récemment nommé Premier ministre, a fait face à une polémique après avoir choisi de présider le conseil municipal de Pau, où il est maire, plutôt que de se rendre à une réunion de crise sur la situation à Mayotte, dévastée par le cyclone Chido. Ce n’est vraiment pas de chance -pas de pot[1]- pour le Palois Bayrou.
J’ai rarement autant procrastiné pour écrire un article, que ce soit sur ce blog où jadis pour les journaux qui publiaient mes « piges » ; rarement aussi je me suis heurté à autant de difficultés : choix du sujet d’abord, ligne d’horizon de l’écriture, axe de la démonstration… Était-ce dû à l’extrême variété des sujets, à la multiplicité des axes d’attaque de ces sujets, au foisonnement de déraison de la société et de ses gouvernants… ? Sans doute y a-t-il un peu de tout ça, et donc il fallait bien faire un choix. Mayotte, que les Mahorais me pardonnent, vint à point pour me donner un sujet sur lequel débattre. La longueur de ce billet est peut-être le témoin de ces difficultés…
L’idée première qui me vint, eu égard aux années où j’étais directeur du secourisme dans une grande association et formé à l’organisation et à la gestion des opérations de secours, fut de parler de ce qui semblait être une inorganisation des secours face aux conséquences du cyclone Chido. Le moins que l’on puisse en dire c’est qu’ils ont tardé à être mis en œuvre comme le montre, entre autres récits, ce témoignage d’un professeur à lire sur le site Le Café Pédagogique[2] : « Ce que décrit Pierre* de sa maison détruite par le cyclone Chido le samedi 14 décembre 2024 est un champ de ruines : “les baies vitrées ont été soufflées au premier étage et la toiture s’est envolée entièrement au deuxième étage. Les cloisons se sont effondrées, la laine isolante et le faux plafond tombés, les chauves-souris et leurs excréments répandus sur toutes nos affaires”. Il a perdu toutes ses affaires, ses meubles. Il se retrouve sans rien : “Nous avons vécu 9 jours dans le dénuement le plus total”. Durant neuf journées, il a vécu sans toit, sans affaires, sans eau, sans nourriture, sans électricité, sans espèces, sans essence, sans réseau. Ce sont des voisins, un ami et sa famille qui lui ont permis de survivre, pendant ce temps qui lui a semblé interminable. Il poursuit : “Aucune aide n’est arrivée pour nous et toute notre commune pendant ces 9 jours. Nous avons vécu l’enfer”. Il décrit les kilomètres parcourus pour trouver de l’eau… »
Samedi 14 décembre 2024 un cyclone dévastateur, Chido, s’abat sur les îles de Mayotte détruisant la très grande majorité des infrastructures (maisons, route, écoles…) et réduisant presque à néant la capacité de l’hôpital local à assurer son service. C’est ainsi qu’à la suite du passage du cyclone 320 000 habitants[3] se trouvent sans habitation ou pour le moins avec une habitation extrêmement dégradée (la plupart des toitures ont été enlevées par le cyclone). Surtout, l’île se trouve désormais sans eau, sans électricité et sans approvisionnement alimentaire (les réserves des quelques magasins se sont taries assez vite). Soulignons, de façon particulière au moment de la description du désastre, l’existence d’une importante population immigrée dont une part d’elle est connue des autorités et donc dénombrée, mais surtout il y a les immigrés « clandestins » qui eux ne sont pas vraiment dénombrés. Il est difficile de connaître le chiffre exact de la population [4] : donc la population de Mayotte est sans aucun doute bien supérieure à 320 000 habitants, certains avancent 400 000 pendant que d’autres estiment cette population à 500 000. Ainsi, chaque fois qu’on parle d’un réseau rétabli, par exemple l’eau, il faut prendre avec circonspection le chiffre donné par les autorités ; dire que l’électricité est rétablie à 65 % ne veut pas dire grand-chose si on ne rajoute pas que ça ne concerne que 43 % du territoire et pour être plus dans la vérité il faudrait corréler ces chiffres avec celui de la population réelle. Il ne s’agit pas là d’une querelle de méthode ni même de chiffres, ce point est important car il est l’objet de polémiques de la part du gouvernement au moment d’organiser les secours : en résumé, doit-on prendre en compte ces immigrés illégaux dans le nombre des attributaires des secours ? Le Ministre de l’Intérieur qui lors de sa visite le 16 décembre en ne voyant personne dans les rues s’était étonné : « où sont les gens !? », a mis en avant la question migratoire dès le 17 décembre soit seulement 3 jours après la survenue du cyclone : « On ne pourra pas reconstruire Mayotte sans traiter, avec la plus grande détermination, la question migratoire », déjà auparavant alors qu’il était encore sur l’île il avait tenu des propos qui montrent bien le peu de considération qu’il a pour les personnes (son archaïsme intellectuel et philosophique ainsi que sa xénophobie ne sont plus à démontrer) : « Ils [parlant des élus locaux] constatent que l’immigration clandestine a tout aggravé. », et il ajoutait : « Si le bilan humain s’annonce dramatique, c’est parce qu’on a laissé s’entasser des populations vulnérables dans des habitations faites de tôles. » Pas une once de compassion pour les gens. L’immigration serait donc le problème majeur à traiter d’urgence qui relègue les personnes à leur statut comme d’immigrés en leur ôtant toute qualité humaine, comme l’a relevé le Premier ministre lui-même à l’occasion de l’émission de télévision sur France2 animée par Karine Baste et Nagui, lorsqu’il a dit : « Oui c'est une population qui, du point de vue des papiers est illégale et du point de vue de la vie, ce sont des hommes et des femmes qui...". Nagui a préféré l'interrompre, vraisemblablement gêné par ce qu'il venait de déclarer. "Est-ce que c'est le sujet aujourd'hui de savoir si c'est légal ou pas ?", lui a-t-il lancé, forçant alors son invité à se rattraper : "Tout le monde est Mahorais… ». Et, si l’expression m’est permise, « il en rajoute une couche » au moment de son arrivée tardive à Mayotte comme le rapporte le journal Regards[5] : « François Bayrou est enfin parvenu à Mayotte. Il en profite pour distiller deux affirmations lourdes de conséquences. “Quiconque prétendrait qu’il n’y a pas de problème d’immigration brûlant à Mayotte est irresponsable”, a-t-il commencé par déclarer. Dans la foulée, il est revenu sur une proposition faite par lui en 2007 de supprimer le droit du sol à Mayotte et en Guyane. Tout son temps devrait se concentrer sur l’urgence du moment, le drame des bidonvilles qu’il ne visite pas, le désarroi et le découragement des populations qui se sentent abandonnées par la République. Il pourrait se dire que, pour bâtir des solutions concrètes, le devoir de l’État est de rassurer et d’apaiser : il choisit au contraire d’attiser les braises. ». Il est vrai que ce faisant il flatte les instincts xénophobes de l’extrême droite tentant d’éviter que le RN ne s’associe à une motion de censure, et va dans le sens d’une population de plus en plus séduite par le discours de l’extrême droite : « Il souffle un vent de paradoxe à Mayotte. Lors du premier tour de la présidentielle française, la candidate d’extrême droite, Marine Le Pen, y a récolté 42,6 % des voix (contre 27,2 % au premier tour en 2017), soit plus que Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise, 23,9 %) et Emmanuel Macron (La République en Marche, 16,9 %)[6]. » ; Ce qui tendrait à confirmer que la politique de François Bayrou a plus pour objectif son maintien au poste de Premier ministre en évitant censure que d’apporter de l’aide aux populations, notamment les plus démunis, pour surmonter les effets du cyclone.
Au-delà de cette polémique, témoin cependant de ce que les hommes politiques sont capables de stupidité ou de xénophobie, c’est qu’immigrés légaux et illégaux ainsi que Mahorais « de souche » (sans compter les métropolitains installés à Mayotte à titre définitif ou provisoire) composent une population disparate qui vit très majoritairement dans une extrême pauvreté : le département de Mayotte est le département français le plus pauvre[7] . Donc, nous sommes en présence d’une catastrophe extrême où une population dans sa totalité est affectée gravement par les conséquences du cyclone, a minima certains parmi les plus riches ont conservé leur maison[8] bien que souvent dépourvues de toiture, mais la plus grande majorité de la population des îles de Mayotte n’a plus de toit ni même de « murs » pour s’abriter, tous riches comme pauvres n’ont plus accès à l’eau, à l’électricité, au réseau téléphonique, aux soins médicaux élémentaires et très souvent à l’alimentation de base. Dans cette synthèse apocalyptique de la situation il faut éviter de mettre en avant que quelques-uns, très rares, parce qu’ils ont un peu (ou plus que d’autres) d’argent peuvent au moins avoir accès à de l’eau en bouteille et à un minimum de nourriture… C’est ainsi, et c’est une bien mauvaise image, qu’on a pu voir un enseignant métropolitain sur BFMTV se plaindre (sans doute à juste titre) des pillages et de la perte de sa console de jeux et de son ordinateur sans que jamais il n’évoque les difficultés d’approvisionnement et la pauvreté des gens dans les bidonvilles, mais sans doute est-ce là un artifice dû à l’organisation du reportage. De la même façon, le reportage de BFMTV que j’évoque étant consacré « au pillage » on nous a montré un directeur d’école qui « se plaignait » de ce que des pilleurs seraient venus prendre tables et chaises, ainsi qu’un ordinateur : à aucun moment ne fut évoqué le fait que les bidonvilles ayant été totalement rasés il n’est pas saugrenu ni incongru que des habitants parmi les plus défavorisés viennent, dans une école au demeurant fortement dévastée par le cyclone, se servir en matériaux pour tenter de reconstruire un abri où protéger leurs familles. D’ailleurs ni la jeune mahoraise « des bidonvilles » ni la députée LIOT entendue ce lundi matin sur France Info n’ont stigmatisé les pillages.
Bien sûr, outre qu’ils sont interdits, les pillages ne peuvent pas être favorisés pas plus qu’on ne peut les excuser, mais on peut les expliquer et les comprendre : expliquer et comprendre sont la clef de résolution des problèmes ; Albert Einstein disait : « Un problème sans solution est un problème mal posé ». J’en resterai là sur ce point me rappelant la polémique lancée par le nouveau ministre des Outre-Mer un certain Manuel Valls[9] qui valse tous azimuts autour des gouvernants et des lieux de pouvoir comme une mouche autour d’un serpentin de papier collant jusqu’à obtenir un poste comme la mouche se prend sur le papier ; Manuel Valls avait ouvert une guerre avec les chercheurs notamment les sociologues à propos de la science (notamment les sciences sociales et humaines) qui cherchent sans cesse à tout expliquer[10]. Chacun reconnaîtra la façon de faire coutumière des ignorants qui faute de moyens (connaissances, capacités de raisonnement) pour réfléchir préfèrent critiquer voire insulter et dresser des anathèmes[11] contre ceux dont ils pensent qu’ils pourraient leur faire de l’ombre auprès du public. Ainsi pour certains, il valait mieux amener rapidement sur l’île des gendarmes plutôt que des secouristes, peut-être aussi ceux-là considéraient‑ils n'était pas urgent d’apporter de l’eau et de la nourriture à la population considérée comme illégalement installée à Mayotte qui pour eux seraient des sous-Hommes dépourvus de tout intérêt. Bayrou a réitéré cette position[12] lors de sa visite éphémère ce lundi 30 décembre : les bidonvilles et leurs habitants n’intéressent pas le gouvernement comme le montre le verbatim d’une séquence sur BFMTV[13] : « Dans une séquence tournée par BFMTV, Elisabeth Borne est interpellée par deux professeurs à Kaweni, dans le nord-est de Mayotte. Evoquant le sujet des secours sur place, un premier professeur affirme que « dans tous les bidonvilles ici […], personne n’est venu ». « La réalité est qu’il y a eu des distributions », répond l’ancienne Première ministre, reprise immédiatement. « Pour atteindre le point relais, c’est 10 kilomètres aller-retour à pied, en plein cagnard, sans eau et sans nourriture. C’est impossible ! » lui rétorque un deuxième professeur. Sourire de Borne, qui tourne le dos et part. « Une honte ! » lâchent ses interlocuteurs, sans qu’on ne voie toutefois l’entièreté de la séquence. » Mais, elle est confortée par les propos de son « chef » qui déclarait que le bilan humain du cyclone Chido ne devrait pas être aussi important qu’annoncé : « Ce qui est frappant pour tous ceux que nous rencontrons[14], c’est que les rumeurs de milliers de morts ne sont pas fondées », a dit François Bayrou. « Quelques dizaines ou quelques centaines, c’est dans ces zones-là qu’on se trouve, disent les observateurs de terrain », a-t-il ajouté. Le Premier ministre a indiqué « ne pas renoncer à faire un bilan définitif », alors que tous les témoignages concordent pour relever et signaler que « ces observateurs » ne sont pas sur les zones des bidonvilles… Élisabeth Borne s’est expliquée par un message sur son compte X où elle explique que la séquence montrait sur les réseaux sociaux n’est que partielle et que bien entendu ce faisant on cherche à tromper le public. Ce mode de défense rejoint celle du président de la République qui expliquant les mots durs qu’il avait eus face à des Mahorais qui critiquaient son action (ou son inaction) dit « qu’il visait le parti lepéniste et ceux qui s’attaquent à la nation. “J’avais des gens du Rassemblement national qui étaient face à moi et qui insultaient la France en même temps, qui disaient qu’on ne fait rien, etc. Mais j’ai dit la vérité”, plaide-t-il, parlant d’un « rassemblement militant » qui a été organisé, selon lui, ce jeudi soir[15]. »
Une fois encore toute une partie de la population de Mayotte est invisibilisée : mort ou mourante, affamée et déshydratée, blessée ou malade, la France, patrie des droits de l’Homme comme aime à le ressasser Emmanuel Macron, ne doit pas s’en occuper ; finalement ça rejoint les discours sur l’Aide Médicale d’État et sur le droit du sol, deux projets portés par un ministre de l’Intérieur, manifestement xénophobe, qui a remis en cause la notion « d’État de Droit ».
Heureusement, comme toujours la Femme et l’Homme en ce qu’ils sont « Humanité » (à part quelques crétins) prennent les affaires en mains et la solidarité suppléait l’impéritie des autorités de l’État et de ses administrations On lira à ce sujet l’article de Médiapart de ce lundi : https://www.mediapart.fr/journal/france/291224/l-etat-c-est-un-fantome-mayotte-une-population-livree-elle-meme.
Les secours officiels ont été remarquablement tardifs, très insuffisants et souvent inappropriés (comme livrer à une population assoiffée de l’eau impropre à la consommation). Je me souviens lors de la catastrophe de Valence (en Espagne) comment nos dirigeants, les représentants des pompiers et de la sécurité civile nous bassinaient à longueur d’émission avec la qualité des secours français et pleuraient de ce que l’Espagne ne fasse pas appel à eux, ce fut pareil avec le dernier tremblement de terre au Maroc et là : on refuse l’aide de Madagascar, de l’Afrique du Sud, des Comores[16] ce dernier pays étant considéré par la majorité de l’intelligentsia politique de la France comme responsable voire organisateur (ce fut dit par certains ministres) de l’immigration de la population en direction de Mayotte, et on est incapable de monter (10 jours après le cyclone) plus d’un hôpital de campagne, de mettre à l’œuvre des équipes du génie militaire pour réparer autant que possible l’hôpital[17], d’envoyer de secouristes de la sécurité civile porter à dos d’homme s’il le faut de l’eau et des vivres aux personnes en détresse (là où des journalistes et des membres d’O.N.G vont à pied, les secouristes d’État attendent que les routes soient dégagées, sans doute parce qu’ils n’ont pas de cirage pour leurs bottes dans leurs bagages) et pourtant comme l’indiquait Médiapart « Certains de ces bidonvilles, comme l’immense Kawéni, sont pourtant en bordure de Mamoudzou, accessibles sans voiture. » En ça ils ne font que suivre l’exemple du Premier ministre qui préféra présider le conseil municipal de Pau, dont il est encore maire, que d’assister à la cellule de crise ou d’aller sur le terrain réconforter au moins moralement les sinistrés.
Cette décision a suscité des critiques de tous bords politiques, certains estimant qu'il aurait dû se rendre à Mayotte pour montrer son soutien. Bayrou a défendu son choix en affirmant qu'il était important de ne pas séparer la province du cercle des pouvoirs à Paris. Pensait-il (s’il pense mais peut-être pense-t-il avec une tête vide), que Mayotte ne fait pas partie de « la province » ? Sans doute il s’agit de cela car n’avait-il pas répondu à un député qui lui demandait pourquoi il n’accompagnait pas le président de la République dans son déplacement (qui s’est avéré lamentable[18]) à Mayotte » : « Il n’est pas d’usage que le Président et le Premier ministre quittent en même temps le territoire national ». Il faut s’appesantir aussi sur la manière dont il s'est justifié, en défendant le cumul des mandats puis en laissant entendre devant l'Assemblée nationale que Pau était "en France" alors que Mayotte est un département français. Ainsi s’était‑il exprimé devant les députés : « Pau, c’est en France […] J’ai présidé le conseil municipal de ma ville de 19 heures à 23 heures. Je considère que, ce faisant, j’étais aussi à ma place de citoyen et j’ai l’intention de défendre cette idée, a-t-il lâché, laissant penser que Mayotte ne serait pas un département français » ; remarquez que ce n’est guère plus cocasse que lorsque Macron disait du département de la Guyane qu’il était une île, et ses propos illustrent bien le peu d’intérêt que nos gouvernants manifestent pour les territoires ultramarins de notre pays !
Un journaliste écrivait à juste titre (là où les chroniqueurs de BFMTV parlaient de faute politique) : « La question n’est pas tant ce qu’il aurait dû faire que celle de savoir ce qu’il montre de la politique et de lui en tant que gouvernant ». Voilà ce passionné d’Henri IV n’a que sa passion à mettre en avant mais aucune des qualités qu’il prête au « bon roi » et, contrairement à ce qu’annonçait un journaliste, il ne fait pas référence dans le milieu des historiens concernant Henri IV ; pour faire référence il faut un peu plus que d’avoir signé deux livres : « ils portaient l’écharpe blanche - L'aventure des premiers réformés des guerres de Religion à l'édit de Nantes, de la Révocation à la Révolution en 1998 » et « Henry IV, le roi libre » en 1994. Pour autant ne nions pas que Bayrou connaît bien Henry IV dont il dit : "C'est un ami pour moi", déclare-t-il. Il vaut mieux avoir des amis « défuntés » que vivants tant ils ont peu de propensions à porter la critique. Depuis des années Bayrou est persuadé que ce roi de France peut être une source d'inspiration pour les hommes politiques d'aujourd'hui. Pourquoi pas, il faut étudier la question[19] ; mais dire qu’Henri IV, tout comme les mouvements politiques centristes actuels, sont « la garantie qu’on peut avoir des idées différentes et que ce n’est pas parce qu’on a des idées différentes qu’on ne peut pas vivre ensemble. […] Le bien commun exige de dépasser les camps. On peut dépasser les antagonismes » c’est sans doute très largement exagéré sinon erroné, Bayrou oubli que le bon roi a renoncé à la religion protestante pour adopter celle catholique pour accéder au trône de France, une sorte de trahison[20] dont Bayrou a été coutumier durant sa carrière politique (parlez-en aux membres du parti LR), aujourd’hui encore ne renie-t-il pas ses convictions de jadis à propos du cumul des mandats ? Renoncer ainsi à ses convictions, comme le fit Henri IV avec sa religion, amène plus à de la compromission qu’à un compromis ; peut-être que la gestion politique exige cela (cf la note en bas de page n° 20). Ce qu’il y a de certain c’est que dans la situation actuelle Henri IV se serait sans doute porté au-devant des femmes et des hommes dans la misère plutôt que de rester en son château, c’est tout le sens de sa fameuse phrase : « Si Dieu me donne encore de la vie, je ferai qu’il n’y aura point de laboureur en mon Royaume qui n’ait moyen d’avoir une poule dans son pot » comprendre : « Je veux que chaque laboureur de mon royaume puisse mettre (manger) la poule au pot le dimanche. » en réponse aux famines issues des longues guerres de religions opposant protestants huguenots et catholiques. Il impose alors la poule au pot comme le « plat national français »[21].
En matière de poule au pot Bayrou nous propose un galimatias fait de formules creuses et souvent éculées chargées de cacher et de faire oublier ses perfidies politique et son impéritie à gérer, aujourd’hui à Mayotte, les crises. Il fanfaronne devant les caméras appuyant son jeu politique sur une balance entre son incapacité à mettre en œuvre rapidement des secours et sa volonté d’invisibiliser les immigrés à Mayotte dans un premier temps, puis dans un second temps sa politique trouve des fondations entre rendre les « invisibles d’hier » responsables de tous les maux de l’île et le contournement de ses soi-disant convictions humanistes et catholiques : hier on les affamait, aujourd’hui on les expulse de leurs maigres abris les renvoyant aux excès des éléments du temps et demain on les expulsera…
Mayotte c’est aujourd’hui, écrivait un journal, « Une catastrophe et des questions de fond ». On voit comment Bayrou et ses ministres sont incapables de gérer la crise, et comment ils réduisent « les questions de fond » à la seule immigration. L’analyse du plan « Mayotte debout » laisse dubitatif sur sa capacité à relever l’île, mais confirme la volonté de Bayrou et de Macron de flatter à la fois la population mahoraise de plus en plus attirée par le RN et la droite extrême emmenée par Retailleau et Waulquiez, ce faisant ils espèrent rendre silencieux le RN au moment où serait présentée une motion de censure.
[1] Origine et sens de l’expression « pas de pot » sur :
[3] Source INSEE : Au 1er janvier 2024, la population de Mayotte est estimée à 321 000 personnes. De 2012 à 2017, la croissance de la population est particulièrement dynamique (+3,8 % par an en moyenne). Elle est principalement portée par un fort excédent des naissances sur les décès. En 2023, avec 4,5 enfants par femme, la fécondité à Mayotte dépasse toujours largement la moyenne métropolitaine. La population reste bien plus jeune qu’ailleurs en France : l’âge moyen est de 23 ans (contre 41 ans en France métropolitaine).
[4] Qu’elle est la part de population immigrée comprise dans les statistiques de l’INSEE ?
[6] Courrier International :
Le “mystère de Mayotte”, l’archipel “pauvre et musulman” où Le Pen arrive en tête des votes
[7] Source INSEE : Le niveau de vie médian des habitants de Mayotte est sept fois plus faible qu’au niveau national. Conséquence de flux migratoires importants, une grande partie de la population vit avec très peu de ressources : 77 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté national, soit cinq fois plus qu’en France. [Dans l'approche en termes relatifs, le seuil de pauvreté est déterminé par rapport à la distribution des niveaux de vie de l'ensemble de la population. Eurostat et les pays européens utilisent en général un seuil à 60 % de la médiane des niveaux de vie. La France privilégie également ce seuil, mais publie des taux de pauvreté selon d'autres seuils (40 %, 50 % ou 70 %), conformément aux recommandations du rapport du Cnis sur la mesure des inégalités.]
[8] Ce sont eux que BFMTV a filmés à la terrasse de restaurants le 31 décembre au moment du réveillon.
[9] Manuel Valls avait juré le 30 septembre 2018 de « rester à Barcelone quoi qu’il arrive » : « Manuel VALLS, ex premier ministre, qui vient de déclarer sa candidature à la mairie de Barcelone, est l'invité de Laurent DELAHOUSSE. Il explique les raisons de son départ. Selon lui, Barcelone est la ville qui incarne plus que jamais l'Europe aujourd'hui. "Quoi qu'il arrive je reste à Barcelone" souligne-t-il. Il confirme que la vie politique française est terminée. » Manuel Valls : "Quoi qu'il arrive je reste à Barcelone" - mediaclip
[10] Manuel Valls : « J’en ai assez de ceux qui cherchent en permanence des excuses ou des explications culturelles ou sociologiques à ce qui s’est passé », avait déclaré le premier ministre au Sénat, deux semaines après les attaques de novembre 2015. Il avait enfoncé le clou le 9 janvier, lors d’un hommage aux victimes de l’attaque de l’Hyper Cacher : « Il ne peut y avoir aucune explication qui vaille. Car expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser. » : Le Monde, « Expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser » : la cinglante réponse des chercheurs à Manuel Valls, 2 mars 2016 « Expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser » : la cinglante réponse des chercheurs à Manuel Valls
[11] ARTHUR SCHOPENHAUER qui, dans son livre, l'art d'avoir toujours raison, décline 38 stratagèmes dont voici l’Ultime stratagème : « Soyez personnel, insultant, malpoli : Lorsque l’on se rend compte que l’adversaire nous est supérieur et nous ôte toute raison, il faut alors devenir personnel, insultant, malpoli. Cela consiste à passer du sujet de la dispute (que l’on a perdue), au débateur lui-même en attaquant sa personne : on pourrait appeler ça unargumentum ad personam pour le distinguer de l’argumentum ad hominem, ce dernier passant de la discussion objective du sujet à l’attaque de l’adversaire en le confrontant à ses admissions ou à ses paroles par rapport à ce sujet. »
[12] Cf plus haut : “Quiconque prétendrait…”
[14] Ce sont les mêmes que les élus, dont Bayrou, rencontrent sur les marchés de leur ville : des anonymes protégés de la fureur médiatique et dont on ne peut jamais capter la « vraie parole » !
[15] Le Monde, A Mayotte, Emmanuel Macron cible l’immigration clandestine, vendredi 20 décembre 2024
[16] Le Monde : « Les Comores vont envoyer « environ 250 tonnes de packs d’eau (…) [par] ferry à Mayotte ce jour », a déclaré vendredi Houmed Msaidie, conseiller du chef de l’Etat comorien, chargé des affaires politiques. « L’aide se fera avec l’assistance sur place de l’organisation religieuse Uzuri Wa Dini », a-t-il ajouté. « Nous avons clairement dit aux autorités françaises que la sécurité civile comorienne était en attente de déploiement à Mayotte », a, par ailleurs, déclaré Houmed Msaidie. »
[17] Il est vrai que nos militaires qui se préparent pour la prochaine guerre n’ont pas le temps de « faire du tourisme » à Mayotte
[18] Le président français s’est rendu sur place le 19 décembre. Mais l’accueil qui lui a été réservé n’a pas été celui attendu. Il a été hué par une foule exaspérée. Et pour cause : cinq jours après la catastrophe, les gens, dans les quartiers ravagés notamment, n’avaient toujours pas vu un seul secouriste ni une seule autorité, et hormis en quelques endroits « privilégiés », il n’y avait eu aucune distribution ni d’eau ni de nourriture. Mais à la colère des sinistré·es, Emmanuel Macron, qui avait une fois de plus revêtu son costume d’OSS 117, a répondu par sa morgue légendaire : « Vous êtes contents d’être en France ! Si c’était pas la France, vous seriez dix mille fois plus dans la merde ! » (Que le lecteur m’excuse mais je n’ai pas noté la source de ce passage : un article (c’est sûr) sans doute de Mediapart ou du Monde.
« La ville est en émoi. Dans la nuit, des packs d’eau ont été largués par hélicoptère sur le terrain de foot. Nul n’en a vu la couleur, peste Abdou Badirou, un habitant. « Comment ça va ? » « Ça va pas ! » « Je sais que c’est dur, les bouteilles arrivent ! (Répond Macron) » « Personne n’était au courant, c’est le premier arrivé qui se sert » , crie une femme irritée, entend-on au passage du président, qui s’avance dans la rue principale pour tenir les mains de ceux qui pleurent et jurer que tout finira par s’arranger, reconnaît-il. Combien de temps faudra-t-il supporter cette vie misérable, demandent ces Mahorais, comme coupés du reste du monde ? Emmanuel Macron répète qu’il ne veut faire aucune « promesse de Gascon ». « On veut de l’eau pour nos toilettes ! On a des enfants ! » « De l’eau, de l’eau, de l’eau ! »… Le Monde, 22-12-2024.
[19] Pour les historiens, cette vision d'un roi de province et rustique est en réalité un peu exagérée.
[20] Mais comme disait le président Edgar Faure : « Ce n’est pas la girouette qui tourne, mais le vent. »
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