Moderniser la vie démocratique : simple comme un bout de papier ?
Aux dernières élections européennes, nombreux sont les partis qui se sont plaints de l’absence de bulletins au nom de leur liste : les listes Front National, Debout la République, Front de Gauche, Europe Citoyenne, Nous Citoyens se sont dit tantôt victimes d’une mauvaise organisation logistique de leur prestataire, tantôt de fraudes électorales. D’autres listes, plus petites encore, n’ont pas eu les moyens nécessaires à l’impression de leurs bulletins. La vie démocratique s’en trouve affaiblie pour un simple bout de papier. Pourtant, il existe une solution plus pratique, plus écologique, plus économique et plus démocratique : le bulletin unique.
Un gâchis de papier colossal
Le rituel est bien connu des Français : prendre la petite enveloppe libellée République française et un bulletin de chaque candidat ou une liste candidate pour préserver le secret et l’anonymat du vote. Une fois dans l’isoloir, de tous ces bulletins, on n’en garde généralement qu’un seul : les autres finissent à la corbeille. Le bulletin de vote non choisi n’aura eu une durée de vie que de 15 secondes et n’aura été strictement d’aucune utilité. Et si deuxième tour, il y a, le rituel recommence. Pour un bureau de vote, ce sont des kilogrammes de papier qui sont ainsi jetés à la clôture du scrutin. Le code électoral a beau exiger des bulletins qu’ils soient imprimés sur du papier contenant au moins 50 % de fibres naturelles et qu’ils bénéficient d'une certification internationale de gestion durable des forêts, il n’empêche que ce procédé se montre poussiéreux, daté d’un autre siècle. Par ailleurs, chaque liste est responsable de l’impression et de la logistique de ses propres bulletins, chacune y allant de son propre prestataire. Où subsiste donc le souci environnemental lorsque chaque imprimeur affrète jusqu’à tous les bureaux de vote les bulletins d’une seule liste ?
Le nerf de la guerre (électorale)
Ce système archaïque contribue également à la non-représentation des petits candidats et petites listes qui, faute de moyens, ne peuvent doter tous les bureaux de vote de leurs bulletins. Ils doivent de fait inviter leurs électeurs à découper le bulletin de vote présent sur la profession de foi ou les inviter à l’imprimer eux-mêmes via leur site Internet. Autant dire que seuls les électeurs les plus motivés s’en donneront la peine, tout en respectant les critères de grammage et de taille : ainsi, par exemple, le Parti pour la décroissance, présent dans cinq circonscriptions européennes, se résoud à expliquer précisément la marche à suivre. Les 5 % de suffrages exprimés nécessaires pour le remboursement des frais de campagne deviennent encore moins atteignables. Les contribuables financent ainsi un système qui, loin d’être écologique, est inutilement cher et démocratiquement désastreux. Ce « darwinisme électoral » à la française permet d’éliminer naturellement (sournoisement) les formations politiques les moins viables financièrement et confortent les partis majoritaires.
La solution : le bulletin unique

La France ferait-elle figure d’exception ? Tous les pays d’Europe semblent adopter un bulletin de vote standard, où l’ensemble des candidats ou des listes figureraient et sur lequel l’électeur n’aurait plus qu’à cocher pour le candidat ou la liste qu’il souhaite. Belges flamands et Néerlandais ont même inventé un mot pour désigner le crayon – le plus souvent rouge – destiné à cocher sur le bulletin de vote : stempotlood. Preuve que ce rituel est ancré dans les mœurs électorales. Si l’UDI occupe son temps à l’Assemblée Nationale à « reconnaître » le vote blanc, aucun ne semble bouleverser le rituel de vote en France dans ce qu’il a de plus absurde. Qui plus est, le mode de scrutin uninominal majoritaire, légion pour les élections françaises, convient parfaitement au bulletin unique : un seul bulletin suffirait à recenser l’ensemble des candidats d’une élection. Ce bulletin unique ne semble pas davantage souffrir du scrutin de liste, majoritairement présent en Europe : des feuillets plus grands sont imprimés en conséquence.

Le financement français alloué au remboursement des campagnes électorales serait largement suffisant pour l’impression de ces bulletins de vote « grande taille ». Votes nuls et votes blancs continueraient à être comptabilisés, avec les mêmes critères. Guidés par la mauvaise foi, les opposants argueront qu’un bulletin unique serait difficilement compréhensible par un électeur français… c’est exactement l’inverse : dans les pays où l’analphabétisme est beaucoup plus important qu’en France, les noms des candidats sont souvent accompagnés d’une petite icône qui permet de les identifier. Il est en revanche difficile pour un électeur français analphabète de différencier plusieurs bulletins de vote, souvent trompeurs de par leurs couleurs. En réalité, seule la volonté politique manque pour l’adoption d’un changement si mineur, mais lourd de conséquences.

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