Mon parti éparpillé par petits bouts, façon Puzzle...
A première vue, ces européennes avaient eu beaucoup de qualités pour un parti socialiste qui sortait groggy du congrès de Reims.
Les royalistes avec leur inclusion au bureau national étaient rentrés dans le rang et la constitution des listes pour le prochain scrutin concluait la remise en ordre de notre puzzle. Les enjeux avaient rapidement assagi les responsables du parti, la liste avait finalement été conclue sans accrocs majeurs à première vue.
Ainsi, à en croire un blog du Monde.fr daté du Samedi 28 février, le plus dur était passé et le printemps du PS pouvait commencer.
Cette impression était bien trompeuse.
Les deux principaux courants en perdition :
En fait les deux principaux courants du Parti ont subi, pour le moins, de gros soubresauts. Il est trop tôt pour faire un bilan, mais pour beaucoup les courants A (Delanöe/Hollande) et E (Royal/Colomb) ont explosé1.
Le courant mené par Bertrand Delanoë (Motion A) a ainsi fait la part belle à ses fidèles : les signataires de la contribution « clarté, courage, créativité ». Les autres composantes menées par François Hollande ou Pierre Moscovici ont donc décidé de prendre du champs. Ainsi, comme le dit en toutes lettres dans son blog Pierre Moscovici à propos de son groupe « Besoin de gauche » :
” Il y a, aussi, un vrai problème de fonctionnement collectif. Les signataires de la contribution « clarté, courage, créativité » continuent trop souvent à agir à leur bénéfice exclusif [...]. C’est pourquoi je vous appelle maintenant à faire vivre davantage encore « Besoin de gauche »”.
Le blog du Monde qui parlait samedi de printemps au PS se demande même si le courant existe encore2, Harlem Désir ayant semble t’il rejoint Martine Aubry comme de nombreux dirigeants d’autres courants. Aubry tisserait sa toile mais à quel prix ?
Ainsi notre courant, celui de Ségolène Royal, pour lequel j’avais beaucoup milité pour notre congrès en novembre semble bien mal en point. Celui-ci a vu des tractations peu glorieuses amener des inconnus à des places éligibles et évincer des personnalités reconnues pour leur travail et leur influence dont le moindre n’est pas Gilles Savary. Les places sur la liste ont semble t’il été décidées sur un seul critère : l’importance du candidat comme pièce dans le jeu d’échec du pouvoir pratiqué par nos dirigeants parisiens.
Gilles n’a pas eu accès à la troisième place éligible de la région Sud-Ouest. On lui a préféré Eric Andrieux de la fédération de l’Aude. Ceci n’a pas été fait pour placer sur la liste un jeune dans une optique de renouvellement (Eric Andrieux a 6 ans de moins que lui),ni une pointure locale ou un expert des dossiers européens3.
Il semble que le travail de Gilles au parlement, reconnu par tous à l’intérieur et à l’extérieur du PS, n’ait jamais vraiment compté dans les tractations. Eric Andieux avait le poids de la fédération de l’Aude et derrière elle le très sulfureux et puissant Georges Frêche.
Les voix potentielles d’une fédération bien disciplinée ont bien plus compté que les compétences et l’influence européenne d’un député sortant. Gilles explique très courageusement et en détaisl sur son blog le billard politique qui a conduit à son éviction.
Gérard Collomb qui était le premier signataire de la Motion E n’a d’ailleurs pas de mots assez durs pour ces tractations à la petite semaine dans son blog et dans le JDD. Il n’exclut pas de quitter le courant lié à Ségolène Royale. Et d’après ce que j’ai entendu dire Vincent Feltesse non plus4.
En Gironde : L’union sacrée
J’étais hier au conseil fédéral de Gironde. Tout le monde, quelle que soit sa motion et son opinion vis à vis de Gilles, était consterné des manœuvres qui avaient amené à son éviction. Nos représentants ségolénistes présentaient une motion1 lue par Michèle Delaunay dont la première version n’était qu’une déclaration appelant à voter contre la liste le 12 Mars.
Il y eut un rapide débat qui n’amena qu’à se demander s’il était possible de voter justement contre la liste. Personne ne savait exactement sous quelle forme se déroulerait le scrutin. Un scénario assez fou mais crédible2 était constitué par un scrutin de liste où l’on n’aurait que la solution de voter pour la liste proposée par la direction ou...une liste alternative inexistante. Il serait donc impossible de voter contre.
Donc même si un Girondin, et un seul, venait voter le 12 Mars pour la liste elle serait adoptée à 100 % !
Philippe Plisson proposa alors que la fédération de Gironde n’organise pas le vote.
Proposition adoptée à une écrasante majorité des votants et sous les applaudissements. Une pétition sera bientôt mise en ligne.
Hier soir, pour soutenir Gilles Savary, la fédération du parti socialiste de Gironde a donc décidé de ne pas organiser le scrutin du 12 Mars ! De mémoire de militant cela n’était jamais arrivé !
Des conséquences
Il serait déraisonnable de faire un bilan, mais ces évènements entraînent des questions fondamentales.
Sur ce que je lis des réactions nationales et ce que je vis des réactions locales, beaucoup de monde du responsable de motion comme Gérard Colomb au simple militant, est remonté contre les directions de courants et du Parti comme je ne l’avais jamais vu.
Mon impression est-elle exagérée ?
Tout cela n’est-il qu’un mécontentement bien compréhensible après la désignation de liste où l’on trouvait plus de six cents candidats pour une vingtaine de place éligibles ?
Ou, comme je le ressens, un profond fossé se crée-t-il entre la base, les cadres régionaux du Parti et une direction nationale ?
La direction nationale est-elle devenue la cour de Versailles ?
Les décisions ne se prennent-elles qu’à Paris par un ensemble de personnels dont la priorité est leur carrière personnelle et dont tous les choix découlent ?
Jusqu’où allons-nous aller ?
La fédération de Gironde a décidé, afin ne pas participer à ce qu’elle considère au final comme une farce antidémocratique, de pas organiser le vote du 12 mars. Nous, les descendants de Jaurès et de Blum, après des siècles de lutte pour le droit de vote en sommes réduits à refuser d’en organiser un !
Hier soir, lorsque j’évoquai ce contre sens on m’expliqua que c’était le seul espoir ( si la Gironde n’est pas la seule à faire ce geste..antidémocratique) de se faire entendre par le national. Je n’avais rien à répondre. Il semble bien que cela soit en effet le seul moyen...
Est-on tombés si bas ?
Combien de temps ce Parti va-t-il encore perdre, après le Congrès de Reims, dans ces batailles d’appareils ?
Il y a toujours eu des histoires d’appareil au Parti, j’en ai déjà parlé. Le problème semble qu’à présent ils accaparent l’écrasante majorité de notre temps et de notre énergie.
Le dernier grand clivage était le vote pour le traité constitutionnel européen. On aurait pu croire que texte de fond sur ces européennes serait donc âprement débattu. Que nenni ! Gérard Collomb nous annonce dans son blog que lors de la réunion du bureau national :
“Vers 1h15 [du matin !] : la direction décide, “qu’en attendant”, on va discuter du texte du Projet pour l’Europe. Le projet est alors distribué aux membres du BN qui, pour la plupart, le découvrent. Un coup d’œil sur le texte donc, et le débat s’engage !”.
L’essentiel du bureau fut consacré aux places sur les listes, places données selon les critères calamiteux cités plus haut.
Quand consacrerons-nous l’essentiel de notre temps aux débats de fond ?
J’ai l’impression tenace en ce moment que le temps et l’énergie que je donne au PS sont dilapidés en majorité et que je ne suis au final qu’une petite main pour dirigeant national tout entier dédié à sa carrière.
Je ne quitterai pas ce Parti que j’aime, il serait ridicule de baisser les bras il y trop de combats légitimes.
Mais alors que des injustices apparaissent chaque jour à deux pas de chez nous, que nos prisons sont devenues la honte de la République, quand nous attaquerons-nous aux vrais problèmes ?
16 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON