Mondialisation sociale : un bond en avant dans un silence assourdissant
La confédération syndicale internationale vient de voir le jour, réunissant 360 syndicats issus de 150 pays et représentant environ 190 millions de salariés. Dans l’indifférence générale, ou presque.
Qui en France pourrait pourtant contester l’intérêt d’une telle
confédération, qui permettra de donner corps à un "monde social",
d’accélérer la progression du pouvoir d’achat et des conditions de
travail dans les pays à bas salaires, et de donner une contrepartie
sociale à la mondialisation des marchés de biens et de capitaux ?
Peu de métiers, et peu de catégories socio-professionnelles pourraient ne pas saluer cette création, à l’heure où ne sont épargnés
ni les services informatiques (délocalisés en Inde), ni les services
financiers haut de gamme (une grande banque anglo-saxonne a récemment
annoncé la création de centaines de postes dans le même pays dans la
réalisation de produits financiers dits "structurés" sophistiqués), ni les
services de santé (de plus en plus de patients vont se faire opérer
dans les pays à bas salaires notamment pour la chirurgie esthétique ou dentaire, et
les cliniques américaines font déjà réaliser une partie des analyses
radiologiques en Inde), ni les services de vieillesse (il existe un
statut fiscal spécifique pour les retraités européens qui se font verser
leur retraite au Maroc), ni même les services publics (certains guichets
d’information par téléphone sont externalisés à
l’étranger).
La classe politique a, étonnamment, peu parlé de l’évènement. Certes,
la création d’une telle organisation ne rélève pas, à proprement
parler, de leurs prérogatives ou de leurs projets (voir cependant
cet ouvrage, page 193). Mais
on aurait aimé que les voix, nombreuses lorsqu’il faut réagir à un
drame social, le soient tout autant pour accueillir la naissance d’une
initiative aussi salutaire. Tout au moins aurait-on pu attendre
quelques encouragements adressés aux centrales syndicales françaises (CGT, CFDT, FO et
CFTC) qui ont adhéré ensemble à cette initiative - la gauche aurait pu
y voir une alliance salutaire des forces sociales, et la droite une
union qui, cette fois, ne serait pas faite contre un programme
gouvernemental. Mais non, rien !
On aurait pu attendre que le patronat s’en félicite : en effet, quels
meilleurs alliés peut-il trouver dans la recherche d’une
compétition "non faussée" avec les pays émergents - une
augmentation des cotisations et des salaires dans les pays à bas
salaires aurait le même effet que la baisse des charges qu’il
invoque régulièrement. Et pourtant, rien non plus de ce côté-là.
Un peu comme si ce silence venait confirmer une réalité dérangeante : trop concentrés sur leurs débats franco-français, nos décideurs voient le monde leur échapper, autant dans ce qu’il a de pire que dans ce qu’il a de meilleur...
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