Montebourg entre posture et calcul
Il est un fait incontestable dans la vie politique française : c'est l'avance prise par le Parti Socialiste en matière de fonctionnement démocratique. L'ampleur des primaires organisées en octobre pour désigner le candidat socialiste à l'élection présidentielle, ou les ratifications par les militants des candidats aux législatives en sont les meilleures preuves. Néanmoins, ce progrès risque d'être occulté par des batailles d'ego, des calculs personnels et des pratiques passéistes.
L'affaire de la fédération du Pas-de-Calais en est un excellent exemple. Si les faits dénoncés par Arnaud Montebourg sont avérés, les dirigeants socialistes ont fait preuve d'un beau cynisme en fermant les yeux sur des pratiques que l'on souhaiterait remiser au Musée du socialisme d'antan. Mais il est vrai qu'il y avait les primaires, et il ne fallait froisser personne, et surtout pas les responsables d'une grosse fédération comme celle du Pas-de-Calais.
Personnellement, j'ai été content, dans un premier temps, des déclarations du président du Conseil général de Saône-et-Loire, même si j'ai soutenu Martine Aubry lors de la primaire. Et puis des commentaires ont fuité sur les négociations pour les législatives. Pour certaines personnes qui travaillaient sur ce dossier, l'objectif d'Arnaud Montebourg était de libérer une circonscription pour son directeur de cabinet lors de la primaire, Aquilino Morelle (dont le surnom au PS est le "Montebourgeois"). Je l'ai croisé une ou deux fois à des réunions du Parti. L'homme est brillant sur le plan intellectuel, mais n'est pas nécessairement le plus chaleureux. Issu d'un milieu modeste, cet énarque médecin, inspecteur général des affaires sociales est un modèle de réussite.
Mais cette réussite cache une ambition, celle de devenir député, principal passeport pour devenir ministre. En 2001, alors membre du cabinet de Lionel Jospin à Matignon, Aquilino Morelle choisit comme point de chute la Dordogne et se prépare à affronter, lors de l’élection législative de 2002, le chiraquien Saint Sernin. Il abandonne à quelques mois du combat pour se replier sur la circonscription, certes plus facile, du socialiste Christian Pierret dans les Vosges. Ce dernier lui offre de lui succéder à l’Assemblée. Malheureusement, au lendemain du 21 avril 2002, de triste mémoire, Pierret et les responsables fédéraux des Vosges craignent que le Parisien Morelle leur fasse perdre cette circonscription. Ils lui retirent l’investiture.
Morelle aura l’occasion de se rattraper en 2007. S’étant rapproché de Laurent Fabius, il hérite d’une circonscription en Seine Maritime. Mais malgré le soutien de hauts responsables du Parti Socialiste qui font le déplacement pour le soutenir (Ségolène Royal, Claude Evin), il échoue au premier tour. La circonscription sera finalement gagnée par le candidat communiste.
Et en prévision de 2012, sitôt les primaires terminées, son nom a circulé en bien des endroits. On lui prête l’intention d’être candidat dans la circonscription Amérique Latine (Français de l’étranger), puis à Paris pour succéder à Tony Dreyfus. Enfin la rumeur indique que l’opération de Pas-de-Calais de Montebourg était destinée à faire une place à son protégé.
Ce cas illustre bien l’un des travers de certains dirigeants du Parti Socialiste. Il y a toujours eu des places réservés aux amis, aux fidèles, même s’ils peuvent difficilement justifier d’une implantation locale. Cette pratique vient hélas souvent démobiliser les militants locaux, qui subissent plus qu’ils ne choisissent ce parachutage. Et elle oublie que c’est à ses victoires lors d’élections locales, à ses élus de terrain que le Parti Socialiste doit son succès historique aux sénatoriales de septembre dernier.
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