Moscovici l’outsider

Rentrée politique délicate pour Pierre Moscovici. Le député du Doubs comptait légitimement sur la tribune offerte par son ami et allié Arnaud Montebourg lors de la Fête de la Rose départementale à Frangy-en-Bresse ce week-end pour bénéficier d’une bonne couverture médiatique et jouer les premiers rôles dans cette prérentrée. En vain. Ses attaques très acérées contre Nicolas Sarkozy n’ont trouvé qu’un faible écho face à l’actualité des JO.

La vie du Parti socialiste est loin d’être un long fleuve tranquille. Amours alliances et trahisons constituent les ingrédients d’un feuilleton qui intéresse souvent plus les médias eux-mêmes que leurs lecteurs ou auditeurs. Réduisant un peu trop rapidement la complexité de la situation, la presse donne le sentiment que le combat des chefs au sein du PS se limite au choc des titans Delanoë-Royal.

C’est compter sans la détermination policée de Pierre Moscovici. L’ancien ministre de Lionel Jospin se révèle rebelle, pas du tout prêt à s’effacer. A 50 ans, “Mosco” l’éternel second, s’estime mûr et veut crânement tenter sa chance. La démarche l’oblige à faire sien le mot de Voltaire « Mon Dieu, gardez-moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge. »

Ses “amis” naturels, les strauss-khaniens n’ont dans leur majorité guère goûté la volonté d’émancipation de l’un des leaders du courant « socialisme et démocratie ». Vouloir voler de ses propres ailes, c’est quelque part donner le sentiment de fermer la porte à un retour de DSK en 2012. Un crime de lèse-majesté que ne lui a pas pardonné l’intéressé qui a non seulement refusé de l’adouber publiquement, mais qui a fait le choix de soutenir, en off, les aspirations Martine Aubry. Surprenante alliance du directeur général du FMI et de la mère des 35 heures, la mesure économique la plus décriée de la décennie.

Heureusement pour lui, Pierre Moscovici semble avoir trouvé dans son collègue bressan, Arnaud Montebourg, un allié fidèle. Une quasi-gémellité de choc à la Remus et Romulus dans la perspective de fonder un nouveau Parti socialiste. « Ensemble, nous partageons l’idée qu’il faut dépasser le Parti socialiste tel qu’il est aujourd’hui et en finir avec les bagarres d’écuries présidentielles. Ce que nous voulons, c’est arriver à la construction d’un nouveau projet qui rassemble tout le monde », a notamment déclaré Arnaud Montebourg, parfait maître de cérémonie de la 36e Fête de la Rose de Frangy. En face, l’alliance des anciens Aubry-Fabius-DSK apparaît comme contre-nature. L’affrontement prend des allures d’éternel combat entre anciens et modernes. Ce clivage incite « Mosco » à courtiser tous azimuts les partisans de la réforme, des grands élus réunis dans la contribution « la ligne claire » aux anonymes du pôle écologique.

Donné perdant par la plupart des observateurs dans son affrontement avec Martine Aubry, Pierre Moscovici dispose cependant d’un atout inattendu : sa personnalité. Dénué d’agressivité, intellectuellement brillant, il véhicule une image positive qui tranche avec le visage fermé et l’autoritarisme du maire de Lille, surnommée un temps rue de Solférino « la Mère emptoire ». Or, dans une société ultra-médiatisée et dans un PS orphelin de tout projet politique, cet élément ne doit pas être négligé d’autant que la lassitude est bien réelle dans les rangs éclaircis des militants.

Reste à savoir de quel côté penchera le cœur du PS. Considéré comme trop « droitier » par ses concurrents du PS, Pierre Moscovici incarne le virage à droite entamé par la société française. Conscient de ce handicap, le député du Doubs a choisi de muscler son discours et de contester à Ségolène Royal son titre de première opposante à Nicolas Sarkozy. Qui sortira du jeu et succédera à François Hollande ? Difficile de se hasarder à un pronostic d’autant que les cartes seront rebattues au cours de la prochaine université d’été de La Rochelle. Outsider dans le long steeple-chase qui débute, Pierre Moscovici avec seulement une cote de 7 % parmi les sympathisants socialistes pourrait constituer la surprise du congrès de novembre.