Municipales : l’expérience grenobloise
En 1995, Grenoble fut la première municipalité à voir la victoire d’une liste de gauche incluant les Verts, préfigurant la future gauche plurielle du gouvernement Jospin. Cette année, le maire sortant fait le pari d’une liste allant du PCF au centre droit... sans les Verts.
Du coup, Verts et gauche font, comme en 2001 et 1995, routes séparées au premier tour, en espérant se retrouver au deuxième tour... s’il y a un deuxième tour. Car le maire sortant Michel Destot a ratissé large, peut-être même trop large, pour s’assurer la majorité la plus large possible, surfant sur l’effet des présidentielles (où Ségolène Royal avait rassemblé plus de 58 % des suffrages sur Grenoble) et des législatives (les deux candidats socialistes sur la ville, Michel Destot et son adjointe Geneviève Fioraso ont fait des scores supérieurs à 60 %, la dernière humiliant même Carignon sur une circonscription normalement taillée pour la droite, avec 63 % des suffrages...). Même si son adversaire UMP Fabien De Sans Nicolas bénéficie de sa jeunesse, et de son statut de dirigeant national des jeunes UMP, sa victoire paraît peu probable : aux législatives, il n’a rassemblé que 40 % des suffrages d’une circonscription qui avait pourtant largement voté Sarkozy (face, il est vrai, au médiatique président de la comission Outreau et du Conseil général de l’Isère, André Vallini...), et, surtout, la droite a encore du mal à panser ses plaies entre pro et anti-Carignon. Certes, "FDSN" a récupéré sur sa liste Mathieu Chamussy, l’un des plus célèbres opposants locaux au retour du fils prodigue (qui, bien que non candidat suite à sa déroute aux législatives, continue d’être le président de l’UMP-Isère). Mais certains noms sur la liste de Michel Destot prouve que tout le monde n’a pas voulu se mettre derrière FDSN, soupçonné de n’être que la marionnette de Carignon.
Ainsi, en novembre, Bernard Bhetto déclarait au Dauphiné libéré qu’il soutiendrait la candidature de FDSN, appelant la droite à l’unité. Bernard Bhetto est un ancien UDF, exclu de l’UDF-MoDem après les dernières législatives pour avoir accepté d’être suppléant de son "copain" Richard Cazenave, député UMP et candidat dissident contre un Carignon investi par l’UMP et contre... le président du MoDem Isère, Philippe de Longevialle. Surtout, Bhetto est connu localement pour avoir été l’une des plumes les plus acérées contre Michel Destot et l’équipe sortante dans la presse municipale. Ainsi, c’est quand même une drôle de surprise de voir finalement les noms de Bernard Bhetto et Michel Destot sur le même bulletin de votes... On retrouve aussi sur la liste de Michel Destot des candidats du MoDem, dont Philippe de Longevialle, qui fut un ancien directeur de cabinet d’Alain Carignon ("Une erreur de jeunesse", déclara-t-il au moment d’apporter un soutien assez clair et médiatique à Geneviève Fioraso, face à son ancien patron). Enfin, on retrouve Jacques Thiar, "opposant sortant" sans étiquette, et accessoirement ancien président de "L’Association des amis de Nicolas Sarkozy"... (dont Carignon avait exigé et obtenu la dissolution car elle n’avait pas le label UMP... Rappelons toutefois que si Carignon se vante d’être "un excellent ami" de Sarkozy, ce dernier n’a jamais souhaité faire de meeting à Grenoble, ni même d’être pris en photo à ses côtés...).
Naturellement, un tel patchwork a de quoi faire jaser. L’UMP aura vite fait de parler de traîtrise, la gauche d’ouvertures, à l’exact inverse du national. Les Verts y voient un coup fourré destiné à les mettre encore davantage à l’écart du Conseil municipal. Une élection dès le premier tour permettrait en effet à Michel Destot de ne pas avoir à céder de concessions aux Verts. Un score très large pourrait lui permettre d’envisager, en cas d’échec des négociations, une triangulaire avec optimisme.
La gauche de la gauche aura vite fait de trouver Destot trop à droite, rappelant que dans ses meilleurs amis se trouvent Dominique Strauss-Kahn, Martin Hirsch, Bernard Kouchner... Un procès de traîtrise plutôt injuste : Michel Destot est fidèle en amitié, mais pour l’avoir suivi en campagne, il est aussi fidèle en conviction. Il n’a pas changé de discours pour attirer des candidats du centre et même du centre droit : ce sont eux qui sont venus à lui. Et sa liste contient aussi des personnalités du PCF ou des anciens cadres du MJS, souvent plus à gauche que leurs aînés... Ca ne m’empêche pas d’être sceptique sur la pertinence d’avoir ratissé aussi large.
D’une part, je me demande comment des ennemis d’hier peuvent travailler en parfaite harmonie, je me suis posé la question quand l’idée venait de Bayrou ou que Sarkozy la reprenait, ce n’est pas parce que Destot la reprend qu’elle sera forcément meilleure... D’autre part, je me demande si, en rejoignant Destot plutôt qu’en montant une liste de "droite républicaine", Bernard Bhetto et Jacques Thiar n’ont pas laissé le champ de plus en plus libre à Carignon... Mais enfin, cela, personne ne s’en plaindra à gauche, notamment André Vallini qui avait déclaré que tant que Carignon resterait dans le circuit, il n’aurait aucun souci à se faire dans le département...
Maintenant, si une liste d’union du PCF au centre droit réussit à obtenir des résultats au niveau local, même si la transposition au niveau national est souvent délicate, je me demande si cela pourrait aboutir à un nouveau "Conseil de la Résistance" (je précise pour certains fans absolus du sarkozisme qui aiment déformer les propos des auteurs que dans cette phrase, je fais référence au gouvernement temporaire qui, du centre droit au PCF, a permis de doter la France de notre système social...)
8 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON