Nathalie Arthaud jette l’éponge !
« Je crois qu’avec l’avancée de l’extrême droite et de la droite dure de 1934, il y a un impérieux devoir de nous rassembler autour d’une candidature attractive et prometteuse qui unifiera enfin la classe ouvrière. » ("Paris Normandie", le 31 mars 2017).
C’est par un simple tweet que la candidate de Lutte ouvrière, Nathalie Arthaud, a annoncé, au risque de décevoir ses 8 000 militants engagés et persévérants, son retrait de la course présidentielle : « Je me retire pour faire gagner la France insoumise. ». Cette décision est inattendue et surprenante de la part d’une organisation communiste qui a toujours refusé de se lier avec des partis "du système", y compris le parti communiste français. En 2002, Lutte ouvrière avait refusé d’ailleurs d’appeler à voter Jacques Chirac pour faire barrage à Jean-Marie Le Pen.
En fait, cette évolution peut être compréhensible. Elle est surtout liée à la très bonne campagne du candidat de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon dont la courbe d’intentions de vote dans les sondages grimpe à forte allure depuis deux semaines, surpassant de loin le candidat socialiste Benoît Hamon.
Dans le dernier sondage "rolling" réalisé quotidiennement par l’IFOP (sondés interrogé du 28 au 31 mars 2017) pour "Paris-Match", Sud Radio et CNews et publié le 31 mars 2017 (qu’on peut télécharger ici), Jean-Luc Mélenchon, avec 16,5%, est en train de rattraper François Fillon qui s’effrite à 17,0%, tandis que Benoît Hamon s’est effondré à 10,0%.
Le pari de Jean-Luc Mélenchon, c’est de se retrouver au second tour. Mais pas contre Marine Le Pen dont il prend chaque jour des électeurs potentiels. Ses partisans comptent prendre la seconde place pour affronter au second tour Emmanuel Macron, ce qui serait le clivage idéal pour, comme dit le leader charismatique, « remettre la France dans sa tradition humaniste ».
Par ailleurs, le renoncement de François Hollande avait particulièrement frustré Jean-Luc Mélenchon dont la stratégie de campagne était ciblée sur le Président sortant. En devenant le principal opposant de celui qui apparaît de plus en plus comme l’héritier de François Hollande (qui a avoué que le programme de son ancien ministre était pratiquement le sien de 2012), il réalise un vieux rêve depuis le début des années 2000, celui de donner une bonne leçon à François Hollande et à ses sbires arrogants de la rue de Solferino.
Lors de son meeting au Havre le 29 mars 2017, Jean-Luc Mélenchon, qui a su faire oublier son caractère bougon et colérique pour laisser apparaître une bonhomie et bienveillance très prisées chez ses militants, a répété son double objectif : éliminer le FN au premier tour, éliminer le hollandisme d’affaires au second tour.
Mais pour atteindre ce but, toutes les voix compteront et il lui faut éviter au maximum une déperdition de voix souvent traditionnelle au sein de l’extrême gauche française avec les multiples chapelles communistes et trotskistes. En marge de son déplacement au Havre, Jean-Luc Mélenchon a ainsi pu s’entretenir avec la candidate de Lutte ouvrière Nathalie Arthaud, elle aussi en déplacement en Normandie pour sa campagne.
Et Nathalie Arthaud a été convaincue que la victoire du peuple sur les banquiers pouvait avoir lieu dès les semaines à venir. Certes, les sondages ne restent que les sondages, mais s’il y a bien un fort mouvement de progression actuellement, c’est bien celui de la candidature de Jean-Luc Mélenchon.
Lutte ouvrière a l’habitude d’être présente à toutes les élections, mais sans attente particulière car ce mouvement croit plutôt à l’importance des périodes de grèves comme ce fut le cas lors des manifestations de 1968, ou de 1995 : « Ce qui est fondamental, c’est que le peuple descende dans la rue (…). Je me dis qu’un moment comme celui-là peut revenir vite. Et s’il fallait attendre longtemps, cela ne m’affecterait pas plus que cela. Je ne suis qu’un chaînon. » ("Le Monde" du 13 avril 2012).
Nathalie Arthaud a expliqué son désistement dans une interview à "Paris Normandie" (qu’on peut télécharger ici), pas loin d’ailleurs d’un article très racoleur : "Près de Rouen, il viole une poule sous les yeux de sa femme et de sa fille !" (sic).
« Si le Grand Soir arrive le mois prochain, pourquoi pas ? Nous y sommes préparés depuis des décennies ! » a-t-elle fait remarquer en insistant sur les qualités intellectuelles et politiques de Jean-Luc Mélenchon qui saura, selon elle, « aller jusqu’au bout de la logique démocratique ». Son désistement a donc valeur d’un pari, celui de faire gagner le plus tôt possible la cause des travailleurs : « On ne peut pas se permettre de prendre le risque d’un échec du candidat Mélenchon de quelques points par le maintien de ma candidature et de celle de Philippe Poutou. ». Voilà qui est clair.
Nathalie Arthaud a bien conscience que son retrait est "historique" en ce sens que ce sera la première fois, depuis 1969, qu’il n’y aura pas de candidat de Lutte ouvrière (fondée le 26 juin 1968 après la dissolution de Voix ouvrière par le décret du 12 juin 1968) à l’élection présidentielle : « Du reste, c’est aussi le cas chez les écologistes et cela ne veut pas dire que les thèmes écologistes ne sont pas abordés au cours de cette campagne. Au contraire. Je crois qu’avec l’avancée de l’extrême droite et de la droite dure de 1934, il y a un impérieux devoir de nous rassembler autour d’une candidature attractive et prometteuse qui unifiera enfin la classe ouvrière. ».
Peu avant, lors de son meeting à Rouen, Nathalie Arthaud avait reçu la visite d’une historique de son mouvement, chaleureusement accueillie : Arlette Laguiller, qui a eu 77 ans le 18 mars dernier, et qui fut la première femme candidate à l’élection présidentielle (à 34 ans) et la personne qui a été le plus souvent candidate, puisqu’elle a totalisé six élections présidentielles (1974, 1981, 1988, 1995, 2002 et 2007). Arlette Laguiller a reçu généralement autour de 2% des suffrages exprimés sauf en 1995 et en 2002 où elle fut "à la mode", dépassant le seuil des 5% (respectivement 5,3% et 5,7% où elle a dépassé Jean-Pierre Chevènement !), ce qui lui a permis d’être élue conseillère régionale en mars 1998, puis députée européenne en juin 1999.
Nathalie Arthaud, agrégée d’économie de 47 ans dans un lycée d’Aubervilliers (elle continue de faire cours malgré sa campagne), fut la porte-parole de la candidate Arlette Laguiller en 2007 avant de devenir, le 8 décembre 2008, la porte-parole de Lutte ouvrière et sa représentante lors de l’élection présidentielle de 2012 où elle a obtenu seulement 0,8% des voix (bien moins qu’Arlette Laguiller dans le passé et que Philippe Poutou dans la même élection).
Ce n’est pas la première fois que Nathalie Arthaud a "transigé" avec d’autres formations de gauche puisqu’elle a été élue en mars 2008 conseillère municipale de Vaulx-en-Velin dans le cadre d’une liste commune avec le parti communiste français, ce qui lui a permis d’être responsable de la jeunesse pendant six ans dans cette municipalité de la banlieue lyonnaise avant d’être nommée dans un lycée de la région parisienne.
Nathalie Arthaud avait été désignée de nouveau candidate à l’élection présidentielle lors du congrès de Lutte ouvrière le 13 mars 2016. Elle a reçu assez rapidement ses parrainages, récoltant d’ailleurs plus de signatures que Marine Le Pen (respectivement 637 et 627 parrainages). Elle avait calculé qu’elle aurait 67 ans à sa sixième élection présidentielle si elle participait systématiquement à ces compétitions présidentielles jusqu’en 2037, atteignant alors le record de sa prédécesseuse : « L’intérêt de la classe ouvrière doit l’emporter bien sûr sur la couverture médiatique de notre mouvement ! ».
Quant au candidat du NPA, Philippe Poutou, il a pour l’instant déclaré n’avoir rien décidé, se méfier des belles paroles de Jean-Luc Mélenchon, qui a passé sa vie de notable au parti socialiste, et qu’il participerait, dans tous les cas, au débat sur BFM-TV et CNews le mardi 4 avril 2017 à partir de 20 heures 30, sans pour autant exclure tout acte qui « sauverait la classe ouvrière des diktats des affairistes ».
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (01er avril 2017)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Nathalie Arthaud.
Interview de Nathalie Arthaud dans "Paris Normandie" le 31 mars 2017 (à télécharger).
Philippe Poutou.
Jean-Luc Mélenchon.
Élection présidentielle 2017.
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