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Ne pas confondre vitesse et précipitation…

Le processus de consultations locales relatif aux Etats généraux de l’outre-mer s’est ouvert le 15 avril. La loi pour le développement économique de l’Outre-mer (LODEOM) a été votée le 9 avril, après que la procédure d’urgence sur le texte ait été déclarée par le gouvernement…

Alors même que la Guadeloupe continue d’être tiraillée par ses vieux démons, un texte fondamental pour son développement économique sera voté, par la voie (parlementaire) rapide, en quelques semaines. Un texte qui l’engagera sur les dix années à venir. A quoi peuvent servir des Etats Généraux de l’Outre-mer quand tout a été dit ?
 
Calendrier
Le président de la République, lançait le 19 février dernier, soit cinq semaines après le début du mouvement social en Guadeloupe, l’idée d’organiser, après les Etats généraux de la presse, de l’automobile, du sport, du social, des Etats généraux de l’Outre-mer. Dès l’origine, la finalité de cette nouvelle messe était exposée : « Chaque citoyen doit se sentir partie prenante non d’une République abstraite, désincarnée mais d’une République réelle, d’une République qui se manifeste dans la vie de tous les jours… ». L’ambition première des Etats généraux n’est pas, à proprement parler, l’impulsion d’une politique de développement mais bien l’amélioration du « dialogue entre la France ultramarine et Paris » où ils se tiendront, « avant la mi-mai. Sur la base des conclusions des Etats généraux de l’Outre-mer [sera réuni] un conseil interministériel de l’Outre-mer, avant la fin du mois de juin, pour prendre les décisions qui permettront d’arrêter un vaste de plan de modernisation de l’Outre-mer et de refondation de la relation entre les différents territoires et la métropole » (Extrait d’un courrier adressé aux élus locaux, le 26 février). Ils sont une volonté du gouvernement de centraliser ce qu’il voudra décentraliser plus tard. Ils vont à l’encontre de la politique générale et laisse croire que l’Outre-mer a encore besoin d’être maternée, suspendue qu’elle est, aux « mamelles de la République ». 
 
Mélanges
Ces Etats généraux aborderont donc des thèmes aussi divers que variés.
 La formation des prix, les circuits de distribution et le pouvoir d’achat… Tous trois sont inscrits au premier article de la loi-programme votée le 9 avril. Tous trois ont été au cœur du mouvement social qui en appelait clairement au renforcement de la direction départementale de la concurrence et de la répression des fraudes (DDCCRF) et de l’Observatoire des prix, crée il y a deux ans en Guadeloupe. La formation des prix du carburant est le cœur même de la mission d’inspection commanditée par le gouvernement en décembre 2008 et confiée « à un groupe de cinq experts, sous la responsabilité d’Anne Bolliet, inspectrice des finances, avec Gilles Bellec, inspecteur général des mines et ancien cadre de Total ». Les conséquences ont déjà été explicitées. Les causes n’auront pas besoin d’être de nouveau discutées.

Autre thème proposé : les productions locales et les conditions « d’un développement endogène » au bénéfice des Ultramarins… Outre le fait que le débat soit amplement posé au moment des discussions relatives aux Accords de partenariat économiques (APE) signés entre l’Europe et les pays ACP (Afrique, Caraïbe, Pacifique) pour la zone Caraïbe le 15 octobre 2008, la production locale a bénéficié d’un regain d’intérêt né du mouvement du 20 janvier. Il sera pérennisé, suivant les conclusions du sondage Qualistat paru le 15 mars. Il tire un bilan de la grève en Guadeloupe et en Martinique. Parce que l’intérêt des populations pour la production locale continue, depuis les crises alimentaires européennes et malgré le scandale du chlordécone, de grandir. En la matière, des scientifiques s’évertuent à faire inscrire la pharmacopée des plantes médicinales ultramarines dans le Code de la Santé. L’idée est à la fois pourvoyeuse d’emploi et de développement pour l’outre-mer. Jusqu’ici aucune réponse ne leur a été apportée... Les grands projets structurants en Outre-mer et les conditions du développement durable, également proposés comme thème phare, sont abordés lors du lancement des fonds européens. Ils sont inscrits dans les différents schémas d’aménagement régionaux (SAR), dans les schémas régionaux de développement économique (SRDE). Ils sont discutés et arrêtés lors des Congrès des Elus. Le prochain est d’ailleurs prévu, en Guadeloupe, le 7 mai. La formation professionnelle est l’apanage de la Région qui doit, en l’état des évolutions proposées par le rapport Balladur, être renforcée dans ses attributions. Quant à la gouvernance, comment peut-il en être question en même temps que les sujets déclinés précédemment ? Pourquoi mélanger (r) évolution économique et évolution politique, sinon pour des raisons politiciennes ?
 
Juxtapositions
Le projet de loi pour le développement économique (LODEOM) a été révisé, revisité plus d’une dizaine de fois, durant les deux dernières années. Pourquoi une procédure d’urgence sur un texte d’une telle importance ? Pour créditer la tenue postérieure des Etats généraux ?

Il est dit que la passion n’est pas bonne conseillère. L’application doit en être faite au niveau politique. Ce dont la Guadeloupe a besoin a été décrit, 44 jours durant, avant d’être pollué par les débats politiciens. Régulation ne signifie pas intervention insensée et systématique. La LODEOM tient, encore une fois, en bonne place les exonérations de charges sans véritable contrepartie, à l’heure où le monde appelle l’entreprise à jouer un rôle sociétal. Dans le fond, le fait d’avoir pris en compte ces spécialités que sont les énergies renouvelables, l’environnement, l’éco-tourisme, le soutien à la recherche constitue autant de points positifs. Le séisme qui a touché le centre de l’Italie montre qu’en matière de gestion des risques naturels, l’Outre-mer a une carte à jouer.

La solution de son développement passe par le renforcement et le soutien de l’existant : de la direction du travail, pour assainir le dialogue social, de la DGCCRF, de l’Observatoire des prix en leur insufflant un pouvoir d’investigation qui protègera le pouvoir d’achat, permettra de lutter contre les monopoles et d’assainir les circuits de distribution. Il faut soutenir l’Université des Antilles et de la Guyane qui s’est engagée dans la voie du rayonnement régional (caribéen et américain). La solution passe par le renforcement des politiques régionales de formation, continue mais également des formations en vue de la création d’entreprise…
 
« Au-delà des Etats généraux, il faudra de nouveaux rendez-vous législatifs. L’issue des réflexions menées dans le cadre des Etats généraux, qui portent sur l’avenir des outre-mer, devra donner lieu sans tarder à un travail parlementaire  » confirmait le secrétaire d’Etat chargé de l’outre-mer lors des discussions générales relatives à la LODEOM, mardi 7 avril. Légiférer encore. Au risque d’ajouter, d’empiler, d’embrouiller. Alors qu’en toute chose, il convient simplement de ne pas confondre vitesse et précipitation.
 

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