Nicolas KO ! Chronique de la dernière semaine du quinquennat de Nicolas Sarkozy et analyse politique d’une défaite annoncée
Au revoir ! finis la vulgarité, l'agressivité, l'affrontement, l' « anormalité », la distance et l'arrogance, finis aussi la mentalité de parvenu, du culte de l'argent-roi et de la loi du plus fort à l'américaine, de la violence, de la nervosité et du mépris des plus faibles. Un autre homme est à la tête de la France aujourd’hui. Bonjour la classe, la distinction, la dignité, la pudeur, la discrétion, le respect, la culture, la normalité, la simplicité, le calme, l'apaisement, la proximité et la santé mentale, surtout ! Un homme bon, un homme équilibré, un homme qui écoute sans arrogance enfin, à l'heure de la montée des périls, à l'heure de tous les risques guerriers.
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Et puis c'est l'affirmation d'une France républicaine, attachée à ses valeurs les plus essentielles, comme la liberté, l'égalité, la fraternité. Tout un symbole, aux yeux du monde ! Nous étions devenus la risée, nous n'étions plus un modèle, une source d'inspiration. Significatifs sont les premiers mots de François Hollande : " Nous sommes égaux en droits et en devoirs... Soyez heureux, soyez respectueux, soyez généreux, soyez fiers d'être des citoyens français...". Et de la bouche de François Hollande, ce n'était pas de la communication, c'était sincère, enfin. Voilà pour l'homme. Je l'ai critiqué sur son programme, notamment parce que j'aspire à un vrai changement, à la sortie de l'euro, de l'OTAN, des Organismes internationaux comme la BM et le FMI, et pour la mise en place d’une véritable réforme monétaire : le 100 % Money, et pourtant en toute simplicité, en toute honnêteté intellectuelle, je pense que François Hollande nous étonnera, parce qu'il y a quelque chose de grand en lui : le sens des responsabilités, et la conscience de représenter la France qu'il aime vraiment, lui ! Et je ne serais pas surpris de voir la fonction présidentielle le grandir encore comme lors du débat du 2 mai, lorsque "Flanby" s'est mué en homme volontariste, déterminé, écrasant son adversaire fébrile et hargneux.
Mais il est prisonnier d'un PS qui n’est pas vraiment socialiste, de puissants centres d'intérêt comme le CRIF ou le MEDEF, d'une Europe aux mains des grands banquiers, d'une OTAN impériale et impérialiste, d'un Nouvel Ordre Mondial financier anglo-saxon, et surtout d'une situation internationale chaotique - et tout cela ne présage rien de bon. Mais il fallait avant tout "sortir" Nicolas Sarkozy qui détruisait et dénaturait la France. François Hollande est condamné à rester un funambule. C'est une situation très inconfortable. Mais enfin, ça y est, on en est débarrassé ! On a viré Sarkozy ! son bilan pour la classe ouvrière était indéfendable : huit millions de pauvres, trois millions de précaires, trois millions de temps partiels, cinq millions de chômeurs, et des salaires de misère pour la majorité des salariés. Et malgré cela une partie de ces laissés pour compte a voté pour lui, car il fait quand même le score inimaginable de 48,38% (je pronostiquais au moins 55 % pour François). Allez comprendre ! Si seulement ceux pour lesquels il défend les intérêts avaient voté pour lui, il aurait fait 3% et aurait été éliminé dés le premier tour. Comme dit Chomsky « si les gens pensaient tout changerait ».
Le bilan de Nicolas Sarkozy est effroyable : Dette, chômage, désindustrialisation, commerce extérieur sinistré, désertification des territoires, services publics dégradés, banlieues à l'abandon, etc. Une France en faillite à cause de la loi du 3 janvier 1973 transformé en articles 104 (Maastricht) et 123 (Lisbonne) dont j’ai déjà tant parlé dans mes précédent articles. La fermeture de très nombreuses entreprises après les élections (plans sociaux gelés pendant la Campagne électorale), une économie en plein effondrement, des disparités grandissantes de revenus, une situation sociale effroyable, de multiples guerres à terminer, une Europe en pleine déliquescence et sur le point d'éclater, voilà ce que nous laisse Sarkozy, autant de cadeaux empoisonnés pour un nouveau Président qui ne s'en prendra pas aux vraies causes de la crise.
C’est vrai aussi qu’en l’espace de quelques années, il avait réussi un véritable tour de force : transformer les opprimés et les déshérités en ennemis des classes populaires. La femme de ménage épuisée était remontée contre le RMIste, l’ouvrier au chômage haïssait le travailleur étranger, les militants syndicaux étaient montrés du doigt et le fonctionnaire traité de privilégié. Diviser, diviser, pour détourner l’attention du citoyen et faire des cadeaux aux copains. Sarkozy nous a manipulés et endettés délibérément ! On se rappellera aussi que Sarkozy fut le premier Président de la 5e République à appeler l’extrême droite à voter pour lui.
Cela dit, n’oublions pas qu’Hollande fait partie d’une famille politique qui a accompagné le libéralisme. Le PS en a favorisé l’avènement par ses capitulations successives et ses décisions qui ont libéré les flux financiers. Il a mis en œuvre une politique qui a été douce pour les détenteurs de stock-options, qui a privatisé à tour de bras, qui a œuvré avec zèle pour l’Europe du libre-échange et de la finance toute puissante. Au gouvernement, les socialistes font des cadeaux de riches aux riches et des cadeaux de pauvres aux pauvres.
Mais Hollande a une lourde responsabilité, l’Europe va vouloir des gages, l’Europe des capitalistes veut notamment la suppression du CDI. Et si la politique mise en place par le PS n’apporte aucun espoir aux salariés, dans cinq ans le FN emportera la mise ! Mais ce n’est pas seulement la responsabilité du parti socialiste et de ceux qui participeront au gouvernement qui est engagée, c’est de notre responsabilité collective qu’il s’agit. Car il faut se souvenir que les grandes avancées sociales, notamment en 36, ont été arrachées par la lutte, et non par la volonté d’un gouvernement, fût-il de gauche.
Les verts iront au gouvernement, mais que fera le Front De Gauche dont la « marque » est déjà un enjeu entre le PG qui l’a déposée et le PC. Nous irons vers une nouvelle gauche plurielle après les législatives. Déjà, sous prétexte de faire barrage au FN, ça discute ferme pour les circonscriptions… alors qu’il n’y a pas si longtemps Mélenchon préconisait une dose de proportionnelle qui ouvrait de fait les portes au FN ! Nous devons donc être vigilants. L’avenir ne sera que ce que nous en ferons, et pour le futur de nos enfants et petits enfants, nous ne devons donner de chèque en blanc à aucun homme politique. Il faut que tous ensembles nous nous occupions de politique, sans se la faire confisquer par une poignée de professionnels qui tôt ou tard finissent toujours par nous oublier !
Cette semaine, la dernière de sa présidence active, se termina sur François Bayrou rejoignant le référendum anti-Sarkozy. Désarçonné, le monarque faisait mine d'attendre, encore fois, une vague, cette fois-ci qualifiée d'immense.
Voici la chronique de la dernière semaine du quinquennat de Nicolas Sarkozy.
J-7 : Sarko et les officines
A Dimanche+ sur CANAL+, le Monarque zigzagua une fois de plus, une fois de trop. Il sentait qu'il était aller trop loin contre l'Immigré. Non pas qu'il avait renoncé à convaincre un maximum des électeurs frontistes du premier tour. Mais son propre camp avait fini par être gêné. Et François Bayrou ne s'était pas encore prononcé. Il se félicita donc de la France accueillante, mais ne put s'empêcher de raviver le cliché d'une immigration profiteuse de notre Sécurité sociale : « Je ne peux pas accepter – dans la situation économique, fiscale, sociale de la France – une immigration qui ne serait motivée que par le seul attrait de prestations sociales parmi les plus généreuses d’Europe. Qu’y a-t-il d’antirépublicain à cela ? » Qui y avait-il de républicain à ne jamais parler des bénéfices, notamment économiques, de l'immigration ?
Ensuite, il fila à Toulouse. Son meeting fut retransmis en direct dans 6 autres villes de France, dans des salles parfois à moitié vides. A Toulouse, encore et toujours, il fit peur avec la Grèce, l'Espagne, le drapeau rouge, et l'immigré. Nicolas Sarkozy s'était aussi énervé contre la récente révélation de Mediapart. Mediapart avait commis l'infâme sacrilège de publier un courrier de l'ancien patron des secrets libyens, daté de 2006, adressé à un autre dignitaire libyen, et confirmant le don de 50 millions d'euros à la campagne de Nicolas Sarkozy de 2007. L'auteur, incarcéré au Royaume Uni, et le destinataire, protégé d'Interpol par les autorités françaises, nièrent avoir écrit/reçu ce courrier. Sarkozy dénonça l'« infamie » et, le lendemain, porta plainte contre Mediapart.
Durant le weekend, Dominique Strauss-Kahn avait été surpris rue Saint-Denis, à l'anniversaire de Julien Dray. Et quelques extraits d'un ouvrage sur DSK avaient été publiés par The Guardian. L'occasion fut trop belle pour le clan sarkozyste. Avec un sens de l'opportunité et du contre-feu médiatique parfait, le Figaro publia quasiment de larges extraits du PV d'audition de DSK devant les magistrats dans l'affaire du Carlton de Lille. Une audition vieille de 5 semaines. Interrogeons-nous : la DCRI de Bernard Squarcini demanderait-elle les fadettes de la journaliste du Figaro pour identifier l'origine de cette violation du secret de l'instruction ?
La porte-parole du monarque, celle qui écrivait tout son désaccord à l'encontre du FN il y a 6 mois abusait désormais de tous les excès de langage et amalgames pour fustiger François Hollande, sans trouver rien à redire à la course vers l'extrême droite de son mentor.
J-6 : Sarko élève le débat !
« Chaque fois que je m'adresse aux Français, je veux élever le débat. » Nicolas Sarkozy avait toujours de curieuses et schizophrènes formules, comme ce lundi 30 avril, en Avignon. Les observateurs notèrent que Sarkozy semblait cramé, grippé, épuisé. Il faisait trop chaud. Mais Sarkozy continua dans la surenchère de dernière ligne (d'extrême) droite : « moi, je n'accepterai jamais l'euthanasie ». Sur la dépénalisation du cannabis, « je laisse à Monsieur Hollande et ses amis ces idées-là ». A Avignon, encore et toujours, il fit peur avec la Grèce, l'Espagne, le drapeau rouge, et l'immigré.
J-5 : Fête des travailleurs
Pour le 1er mai, Nicolas Sarkozy fit le meeting qu'il souhaitait, ou presque. C'en était drôle. D'abord le lieu, place du Trocadéro, au cœur du riche 16e arrondissement. Célébrer « le vrai travail » chez les rentiers ! quelle curieuse idée pour le représentant des exploiteurs de fêter la Fête des travailleurs date historique de la lutte des travailleurs pour obtenir la journée de 8 heures. Ensuite la foule. Sarkozy, sur l'estrade, annonça 200000, soit près du double de son meeting de la Concorde, dans un espace cinq fois plus petit. Au mieux, ses supporteurs étaient 30000, ce qui était déjà bien. Pourquoi toujours en rajouter ?
Il parla contre le « faux travail » et les « vrais assistés », sur la prétendue injustice « que les aides soient trop souvent réservés à ceux qui n’ont pas travaillé et que ceux qui ont travaillé soient moins aidés. » Il défendit sa TVA sociale, « une TVA pour freiner les délocalisations, pour protéger l’emploi français. » C'était faux, car la baisse de charges sociales bénéficiera marginalement aux secteurs exposés à la concurrence étrangère (notamment l'industrie). Et la hausse de TVA en octobre prochain - +1,6 point - restera trop dure pour le plus grand nombre (après celle de 1,5 point pour la TVA réduite, les déremboursements médicaux, la hausse des taxes sur les mutuelles, etc), et trop faible pour changer quoique ce soit pour le coût du travail. Il tenta aussi de propager un nouveau concept, « un nouveau modèle français ». Il était trop tard, à 5 jours du second tour, de s'inventer des gadgets électoraux. Au Trocadéro, encore et toujours, il fit peur avec la Grèce, l'Espagne, le drapeau rouge, et l'immigré.
J-4 : Enfin le combat des chefs.
Dans ce traditionnel débat, pas grand chose sur le fond (rien sur l’origine de la dette) mais quel spectacle, quelle virtuosité sur la forme ! Au final, la presse conclut au match nul ou à la victoire du candidat socialiste. Nicolas Sarkozy avait surpris jusqu'à son camp, il nous avait promis de « l'exploser » en plein vol et en plein débat, bien sûr, c'était une confidence en off à quelque journaliste du Figaro, mais ce fut l'inverse, son agressivité ne porta pas. Il semblait usé, incapable de sortir du terrain de son adversaire. Il voulut passer pour une victime, énumérant toutes les méchancetés et énormités prononcés contre lui depuis 5 ans. Dans le même paragraphe, il se félicitait d'avoir réussi à rassembler la France. La preuve, aucune violence, aucune émeute. C'était faux, on se souvenait de la bataille de Grenoble. Les atteintes aux personnes qui augmentent, l'éducation en berne, le bouclier fiscal, la précarité en hausse, la désindustrialisation, le chômage qui explose, les déficits aggravés avant la crise, etc. Etc. Etc. Fallait-il répéter, une à une, toutes les promesses non tenues ?
Il répéta des pans entiers de ses discours de meetings. Mais ce qui passait devant des supporteurs survoltés fut démonté pièce par pièce par François Hollande. Sarkozy avait commis une immense erreur d'appréciation sur son adversaire. Il avait fini par croire aux mensonges qu'il proférait lui-même.
En fait, nous réalisâmes que pour la première fois depuis 5 ans moins deux jours, Nicolas Sarkozy était face à un contradicteur, contraint de répondre sur son bilan et ses propos. Souvent, il usa de termes violents, tels « mensonge » ou « calomnie ». Souvent, il fut à court d'arguments quand Hollande démontait ses outrances.
J-3 : Sarko sent la « vague immense »
Jeudi, Nicolas Sarkozy semblait apaisé. Ses proches lui avaient dit qu'il avait été génial, immense, fantastique. Ses proches, ce sont son premier problème. Son dernier grand meeting était pour Toulon, en fin d'après-midi. Durant la journée, il confiait sa satisfaction après le débat d'hier. Il était plus calme, il ne regrettait pas la violence, la tension (« une campagne, c'est dur »). Il ne fallait pas chercher bien loin, pourtant, pour comprendre combien le trouble était manifeste au sein de l'équipe de campagne. Les éléments de langage étaient mal rodés et confus. Nadine Morano expliqua que 3 débats d'une heure (tiens, d'une heure seulement ?) auraient mieux qu'un débat de trois heures. Guillaume Peltier qualifia Hollande d'agressif. Benjamin Lancard l'avait au contraire trouvé pas assez punchy.
Sarkozy voulait se rassurer, et promettait à ses soutiens et son public, « la plus grande surprise de la 5e République » pour dimanche soir. A Toulon, il éructait encore sur une estrade : « Deux jours de mensonges, et des années pour régler la facture, voilà le projet socialiste » ! Il reprit ses accusations habituelles, contre les « tribus » étrangères, contre la presse, contre la « gôche ». Ses discours étaient si agressifs, qu'une vingtaine de supporteurs se crurent autoriser à cracher et crier sur deux journalistes de BFM-TV présents dans l'enceinte du meeting. Le lendemain sur Europe 1, Sarkozy les excusa : « il faut les comprendre ». La vraie (et seule) nouveauté de cette campagne était celle-là : après le chômeur, le pauvre, l'immigré, le banquier, le trader, Sarkozy s'était trouvé un nouveau bouc-émissaire : le journaliste. Mais le soir, ce fut le coup dur. Le centriste avait franchi le Rubicon. Et non pas par adhésion au programme du candidat socialiste. Mais par rejet de la dérive extrémiste de Nicolas Sarkozy. L'appel au référendum anti-Sarkozy était complet.
Le monarque avait su rassembler une large coalition arc-en-ciel, mais contre lui. Il fallait le virer, et que notre espace démocratique reprenne son cours normal.
J-2 : Sarko ensablé ?
Vendredi matin, sa rage était sourde. Contre Bayrou, étrillé de critiques venant du clan Sarkozy depuis la veille au soir, l'attaque fut directe et sans inspiration : « Bayrou manque de cohérence ». Sarkozy se voulait encore combatif. « Vous verrez dimanche soir, vous verrez une grande surprise ». Il se prenait encore pour la France : « le peuple de France ne s’est jamais senti comme ces dernières semaines, injurié, acculé, manipulé »., un « monde égocentrique qui se regarde le nombril ». Il se croyait encore candidat du peuple.
Bizarrement, il avait encore un meeting, mais dans une petite salle municipale, aux Sables-d'Olonnes, devant 2.000 militants à peine. « Je sais bien qu'aujourd'hui, le classicisme en politique, c'est de faire peur. Ce n'est pas mon intention. » Et le voici qui enchaînait sur ... l'Espagne. Il se répétait, c'était normal. En coulisses, la cellule Riposte de l'UMP propageait ses dernières boules puantes contre Hollande. Leur campagne s'enfonçait un peu plus dans les égouts. Le candidat socialiste était qualifié de « malhonnête, mou, parachuté, mauvais gestionnaire, mal entouré » sur un faux site de campagne. Un autre communiqué de presse dénonçait la « tricherie », la « manipulation », ou la « paresse » du rival socialiste. Ils pouvaient être énervés, à l'UMP. Mediapart avait ouvert son site au public.
Le 6 mai 2012, à 20 heures, les résultats sont tombés. Nicolas Sarkozy était viré, dégagé, renvoyé, LICENCIÉ. François Hollande l'a emporté au second tour de la présidentielle sur la plus grande partie du territoire, Nicolas Sarkozy restant majoritaire dans quelque 35 départements de l'Est, du Centre et du Sud-Est. François Hollande a obtenu 51,62% des suffrages exprimés, contre 48,38% à Nicolas Sarkozy.
Près de 30 départements de métropole et d'outre-mer, qui avaient choisi Nicolas Sarkozy en 2007, ont cette fois basculé en faveur de François Hollande, comme la Sarthe, où était élu François Fillon, la Somme, la Seine Maritime, l'Ardèche ou la Meurthe-et-Moselle. Aucun département favorable à Ségolène Royal en 2007 n'a choisi le président battu. A l'est d'une Bretagne entièrement acquise au nouveau président socialiste une ceinture formée de la Manche, de l'Orne, de la Mayenne, du Maine-et-Loire et de la Vendée restent à droite. Il en est de même, parfois d'une courte tête, des régions Centre, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Alsace, Lorraine et Rhône-Alpes (même si Lyon est à gauche). L'outre-mer a majoritairement choisi François Hollande. La Guadeloupe et la Réunion sont les deux départements qui ont fourni ses plus beaux scores au candidat socialiste, à plus de 70%. François Hollande a emporté dimanche les quartiers populaires d'Ile-de-France et s'est imposé à Paris ainsi que dans certaines communes dirigées par des ténors de l'UMP, dont Meaux (Seine-et-Marne), la ville de son numéro un JF Copé. Pour la première fois sous la 5e République, un candidat de gauche est en tête dans la capitale lors d'une élection présidentielle : François Hollande a remporté un succès inédit avec 55,60%, dépassant le score de Ségolène Royal en 2007 (49,81%). La droite recule dans certains de ses bastions historiques comme le 7e ou le 17e. Confortant la tendance du premier tour, François Hollande s'impose dans les quartiers populaires. En Seine-Saint-Denis, il l'emporte massivement avec 65,32% des suffrages, contre 34,68% pour Nicolas Sarkozy. Nicolas Sarkozy semble avoir obtenu de bons reports parmi les électeurs de Marine Le Pen au 1er tour, bien que le nombre de bulletins blancs et nuls ait été multiplié par quatre entre les deux tours. S'il reste majoritaire dans les Bouches-du-Rhône (52,83% contre 47,17% à M. Hollande), M. Sarkozy recule de près de 6 points par rapport à 2007, et surtout il est battu à Marseille, deuxième ville de France, dirigée par l'UMP, alors qu'il y frôlait les 56%, il y a cinq ans. François Hollande s'y impose avec 50,87% des voix et est majoritaire dans 10 des 16 arrondissements de la ville.
Les raisons du KO.
La droite était installée à l'Elysée depuis 1995 et à Matignon depuis 2002 : le désir d'alternance et de « donner sa chance » à celui qui n'a pas encore de bilan constitue l'explication la plus évidente de la victoire de François Hollande... à laquelle il faut ajouter l'ardent désir de la gauche de retrouver le pouvoir.
Aucune équipe sortante n'a jusqu'à maintenant survécu à la crise, et Nicolas Sarkozy pas plus que les autres. George W. Bush, Gordon Brown, José Luis Zapatero, tous ont été balayés depuis 2008. La hausse du chômage, le climat économique et les mesures de rigueur (moins dures qu'ailleurs mais hyper-médiatisées) ont rendu le président sortant impopulaire. Ce qui a été jugé n'est pas le bilan en valeur relative dans un contexte donné, mais en valeur absolu, même si cela a peu de sens.
Dans la campagne de 2007, Nicolas Sarkozy avait théorisé la mise sous tension du débat public autour de ses idées. Son énergie, son goût de la transgression, son hyper-présidence (à la fois concentration des pouvoirs et banalisation de celui qui les exerce) ont « hystérisé » son mandat. Aux yeux du monde, son énergie était admirée et son leadership reconnu à Washington, Berlin et Pékin. Mais aux yeux d'une partie des Français, son énergie est devenue négative (au sens physique du terme, répulsive), autre façon de parler de rejet parfois viscéral . « La campagne sera très difficile parce qu'on va payer les erreurs du tout début, pourtant totalement secondaires », déplorait déjà à l'automne Jean-François Copé, le patron de l'UMP. Le parallèle avec Valéry Giscard d'Estaing est frappant : tous deux ont eu à affronter une crise (pétrolière, financière) ; tous deux ont été élus parce qu'ils sont apparus comme des opposants à leur propre camp ; tous deux sont apparus jeunes et énergiques au moment de leur élection ; tous deux ont tenté l' « ouverture » politique (JJSS, Giroud, Kouchner) ; tous deux ont traîné le boulet de comportements personnels critiqués (Diamants, Fouquet's).
Le président voulait être le champion du « story-telling » et du « carpet-bombing » pour signifier la volonté de saturer le terrain politique et médiatique avec des annonces. Cela a été vrai pendant cinq ans et encore plus vrai dans la campagne. Une partie de son entourage militait pourtant pour une campagne différente, sur le registre : « pendant cinq ans, je vous ai protégé et j'ai préparé l'avenir ». Et de citer : la réforme des universités, le Grand emprunt, le Grand Paris, le Grenelle de l'environnement malgré tout. Réponse du candidat : « On ne gagne pas sur un bilan et les Français qui votent Front national veulent un autre discours ». Il a du coup choisi une ligne immigration / anti-Europe / non à la rigueur / rejet des corps intermédiaires, contraire au moins sur les trois derniers points à son discours antérieur et son action. Et moins présidentielle que l'image qu'il avait voulu forger (Géorgie, G20, Libye...) alors même que la stature d'homme d'Etat de lui était reconnue, y compris dans les tout derniers sondages. N'a-t-il pas fait, enfin, une erreur d'analyse sur les ressorts du vote FN ? Le score élevé de Marine Le Pen dans les milieux ruraux ne signifie pas nécessairement un rejet de l'immigration mais plutôt un sentiment d'abandon.
La gauche, et notamment François Hollande pendant le débat télévisé de l'entre-deux tours, a réussi à installer Nicolas Sarkozy dans le corner du bilan (un débat télévisé que les proches du président sortant reconnaissent ne pas avoir préparé avec leur candidat). La clef de son deuxième mandat aurait été, à l'entendre, la compétitivité de l'économie française et la réforme de l'Etat providence pour répondre à l'exaspération d'une partie des Français sur l'assistanat. Mais il n'a pas trouvé les mots clefs à retenir (« la fracture sociale » de 1995, la « valeur travail » de 2007). Sur l'Europe, c'est encore plus frappant. Il y a consacré une part exceptionnelle de son temps (présidence de 2008, crise grecque...) mais il n'a jamais développé la vision générale qu'il avait de son avenir (sinon, la chaise-vide sur Schengen), préférant peser en coulisses sur Angela Merkel plutôt que d'affirmer ses positions. Résultat : François Hollande a occupé seul l'espace du « non à l'austérité, oui à la croissance » en Europe quand la situation espagnole a modifié les esprits.
A l'été 2009, deux de ses proches, Xavier Musca (conseiller économique puis secrétaire général de l'Elysée) et Raymond Soubie (conseiller social jusqu'en 2010) lui ont conseillé de changer de cap. La crise justifiait, selon eux, une inversion des priorités en axant toute la politique sur le redressement assumé de la France. Des réformes chocs (35 heures, compétitivité...) qui auraient été contrebalancées par l'abandon également assumé du « paquet fiscal ». « Il fallait sortir du contre-pied intenable qui nous faisait vendre la rigueur aux marchés et la relance à l'opinion », soupire un ex-conseiller de Christine Lagarde à Bercy. Le refus de ce tournant n'a satisfait ni les partisans de la rigueur, ni les syndicats, qui n'ont eu de cesse de dénoncer une contradiction entre les efforts demandés sur la réforme des retraites et des « cadeaux aux riches ». Nicolas Sarkozy a par ailleurs surestimé le réformisme et la volonté de la CGT d'entrer dans des donnant-donnant. « La génération aux vraies commandes du syndicat de Bernard Thibault, ce sont encore des anciens du Parti communiste », décrypte un expert social.
Tout au long du quinquennat, la gauche a réussi plusieurs vrais hold-up sur le plan politique : en assimilant dès l'été 2007 le plan de relance TEPA au seul bouclier fiscal qui ne représentait que quelques centaines de millions d'euros sur une douzaine de milliards ; en imposant dans le débat public l'indicateur le plus large pour l'évolution du chômage (le fameux million supplémentaire) ; en bloquant au Conseil constitutionnel tout en réussissant à faire croire que le pouvoir avait reculé sur l'environnement ; en s'indignant pendant la crise de la modestie du plan de soutien à l'économie pour fustiger deux ans plus tard l'augmentation des déficits et de la dette ; en refusant de soutenir les plans européens et d'aide à la Grèce -cas unique en Europe ; en évoquant de façon répétée « l'Etat Sarkozy » sans saluer les nominations de personnalités de gauche à des postes sensibles ou en refusant de voir que Bouygues et Vivendi, pour ne citer qu'eux, paient cher l'arrivée de Free. L'opposition a fustigé des réformes qu'elle gardera pour l'essentiel (service minimum dans les transports, universités, hausse du seuil d'entrée dans l'ISF, service public de l'emploi, burqa etc.). Présenté comme un communicant hors pair, le président sortant s'est la plupart du temps pris les pieds dans le tapis.
Le candidat socialiste ne s'est trompé ni sur l'airbag de sa campagne, ni sur son plan de route, ni sur son agenda. Son airbag ? Le souvenir de 2002 a rassemblé très vite la gauche et il n'y a jamais eu aucun doute sur les consignes de vote au second tour. Son plan de route ? Il a beaucoup misé sur l'anti-sarkozysme, très réel, et ne s'est pas installé dans le « duel » dont rêvait un Nicolas Sarkozy qui a manifestement sous-estimé son adversaire. Du coup, il n'a pas eu à donner énormément de gages à la gauche de la gauche. François Hollande a inscrit son projet dans un sérieux affiché sur les finances publiques (il est tenu par un retour à l'équilibre en 2017) même si les moyens pour y parvenir, toujours dans une logique ou l’Etat s’interdit de monétiser sa dette, restent largement imprécis hormis les hausses d'impôt. Ensuite, la proposition d'un taux à 75% sur la part des revenus supérieure au million d'euros apparaît comme un coup de génie politique dans la mesure où elle lui a permis de contrer l'image de mollesse qui lui était opposée. L'agenda ? Les négociations avec les Verts ont eu lieu suffisamment tôt pour qu'elles soient vite oubliées, et les approximations du programme (sur la fiscalité) lui ont permis de rectifier le tir assez vite. François Hollande a enfin convaincu que sa colonne vertébrale idéologique personnelle était sociale-démocrate et il a commencé à « atterrir » ces dernières semaines.
Tous les journalistes qui suivent la politique depuis longtemps peuvent le dire : rarement un chef de l'Etat n'a suscité autant d'engouement avant son élection et de critiques après. Ont-ils voulu se faire pardonner l'empathie qu'ils avaient longtemps manifestée ? Les « Une » des magazines se sont longtemps bien vendues dans un cas comme dans l'autre... On peut tenter également une autre hypothèse : le mandat a coïncidé avec la grande interrogation des médias papier sur leur avenir face à la multiplication des canaux d'information. L'affirmation d'une ligne éditoriale plus engagée, L'Humanité affichant Pétain et Sarkozy côte à côte par exemple, est apparue à certains comme une solution au déclin du leadership du papier. Mais ce n'est pas tout. Dans le concret, le pouvoir sortant a pâti de la distance qu'il a instaurée avec les journalistes. Jamais un Premier ministre n'avait eu aussi peu de contacts avec les médias que François Fillon. Nicolas Sarkozy lui-même, pendant la plus grande partie de son mandat, a gardé la même distance. A l'inverse de ce qui se passe dans les autres grandes démocraties, les conférences de presse en France ont été rarissimes. Sa stratégie médiatique a enfin été étrange pendant la campagne. Un seul exemple : le président sortant a été le seul des cinq grands candidats à ne pas accorder d'interview aux « Echos », alors que le public des chefs d'entreprise attendait ses propos économiques...
Envie de changement, fatigue de la crise, stratégie difficilement lisible du président puis du candidat : la défaite était prévisible. L'étonnement vient du coup du score finalement obtenu par Nicolas Sarkozy : 48,38 %. Il est honorable et est en décalage avec « l'atmosphère » de ces derniers mois. Le président sortant a été battu, il n'a pas été balayé. Il n'en restera pas moins celui dont le mandat aura été le plus cours depuis le début de la 5e République (hormis celui interrompu par la mort de Georges Pompidou). La logique du quinquennat est que le président réalise deux mandats pour entrer de plain-pied dans l'Histoire (comme aux Etats-Unis). Le passage au quinquennat aura sans doute été fatal à Nicolas Sarkozy : une fin de mandat en 2014 lui aurait-elle été plus favorable ? Toujours est-il que la campagne présidentielle aura été la plus longue de la 5e République (un an) alors que le temps s'est rarement autant accéléré qu'au cours de ces dernières années.
Alors « adios » Sarko et bienvenu à notre nouveau monarque : François II de la 5e ! Tous nos vœux t’accompagnent, tu peux être un très grand président pour la France, à toi de jouer !
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