Nicolas Sarkozy et le Parlement : une démocratie irréprochable ?
Nicolas Sarkozy voudrait encore faire travailler plus les parlementaires… La démocratie y gagnerait-elle plus ?

Une information qui a de quoi faire bondir tous les parlementaires alors que ces derniers venaient de donner quitus au président de la République, Nicolas Sarkozy, pour sa réforme des institutions prétendument portée sur la revalorisation des pouvoirs du Parlement et une démocratie exemplaire.
À peine la session extraordinaire du Parlement de juillet 2008 terminée, le président de la République, Nicolas Sarkozy, souhaiterait convoquer le Parlement en session extraordinaire dès le 22 septembre 2008, alors que la rentrée parlementaire commence ordinairement le 1er octobre 2008, neuf jours plus tard.
Le gouvernement a confirmé cette intention en considérant que « le chantier législatif est en effet énorme. » Selon Luc Chatel, son porte-parole, interviewé par Le Figaro du 31 juillet 2008, « la question d’une session extraordinaire du Parlement se pose. Avec un objectif : répondre à l’impatience des Français. »
Le calendrier parlementaire est effectivement surchargé pour l’automne 2008 : les lois du "Grenelle de l’environnement", une loi de programmation militaire reprenant le Livre blanc, une autre sur la police, une sur l’audiovisuel public, une sur l’Outre-Mer, une sur le logement, les neufs lois organiques prévues par la réforme des institutions, plus la loi de finance et la loi de financement de la Sécurité sociale ainsi qu’une loi pénitentiaire sont prévues avant la fin de l’année.
Une cadence infernale déjà inaugurée à la session précédente avec le record de 55 textes de loi votés par les parlementaires. Jamais observée dans la vie parlementaire. Cet activisme législatif serait toujours à cause de « l’impatience des Français » (Vous êtes impatients, vous ? Et de quoi ?)
Cette volonté d’avancer la rentrée parlementaire a même mis en pétard certains députés de la majorité, comme le député UMP Marc Laffineur, vice-président de l’Assemblée nationale, qui estime qu’il est nécessaire de « laisser aux députés et aux sénateurs le temps d’expliquer à leurs électeurs le travail colossal effectué depuis un an ».
Député Vert (opposition), le médiatique Noël Mamère a affirmé que « le président de la République s’empresse de démontrer l’imposture qu’a représenté cette réforme des institutions. »
En effet, comme je l’écrivais depuis longtemps, la revalorisation du travail parlementaire ne pourra pas se faire par une réforme des institutions, mais par la volonté réelle du pouvoir exécutif de laisser plus d’autonomie non seulement aux parlementaires de la majorité (les députés de la majorité étant particulièrement tributaires du président de la République chef de leur parti pour leur réélection), mais à l’ensemble des parlementaires (opposition comprise).
Dans le fonctionnement de la démocratie, le comportement des hommes est beaucoup plus important que les institutions en elles-mêmes.
La IIIe République nous l’a déjà démontré : combative pendant la Première Guerre mondiale avec un Clemenceau offensif, elle a lâché prise au début de la Seconde Guerre mondiale en s’abandonnant à Pétain et Pierre Laval et à leur odieuse Révolution nationale.
Par ailleurs, vouloir anticiper la rentrée parlementaire fait oublier un élément essentiel de la démocratie : les élections sénatoriales. Le 28 septembre 2008, le Sénat se renouvelle pour son dernier tiers (ensuite, le renouvellement sera par moitié). Ainsi, une bonne partie des sénateurs ont bien d’autres soucis à penser qu’à la feuille de route du gouvernement.
Sans oublier que, cette année, il y a fort à parier que le président du Sénat soit remplacé et la campagne cet été bat son plein pour rassembler les sénateurs UMP sous la bannière de Jean-Pierre Raffarin, Gérard Larcher, Jean-Claude Gaudin ou encore Philippe Marini qui songent à remplacer Christian Poncelet.
Cette nouvelle initiative montre à l’évidence que cette modernisation des institutions n’est qu’une vitrine médiatique sans fond et sans réalité politique. Tant qu’il y aura arrogance et volonté de tout contrôler de la part de l’Exécutif, le Législatif ne sera qu’une caisse de résonance et qu’une chambre d’enregistrement.
J’espère que les parlementaires de la majorité sont conscients de ce comportement bien peu exemplaire et bien peu irréprochable.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (31 juillet 2008)
Pour aller plus loin :
Dépêche Reuters (31 juillet 2008).
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