Nouveau Centre : espoir pour les libéraux ?
Quel parti politique pour les libéraux français, bien seuls ces dernières années ? Le Nouveau Centre est-il vraiment libéral, veut-il évoluer dans ce sens ?
Les
libéraux en France vivent une errance perpétuelle dans la politique
française depuis mars 1998 et les déchirements internes de l’UDF. La
question des alliances avec le Front national avait alors fait éclater
la tendance libérale du parti, qui rejoint majoritairement Démocratie libérale fondée en 1997 par Alain Madelin (le parti était alors partie
intégrante de l’UDF). Une partie des libéraux resta cependant au sein
de la coalition UDF, au sein du pôle républicain indépendant et libéral
(François Léotard, Gilles de Robien, Gérard Longuet).
Quatre
ans plus tard, le déficit laissé par la campagne présidentielle d’Alain
Madelin oblige DL à la fusion avec l’UMP. Le processus allait faire
beaucoup de déçus devant la politique menée par les gouvernements
successifs de Jacques Chirac. Nouvelles déceptions, nouveaux
découragements, nouvelles fuites.
Pour tenter de rassembler
les libéraux éparpillés et lassés de ne pas trouver la moindre écoute à
l’UMP ou au PS, Alternative libérale fut lancée en mars 2006. Le parti
ne dépassa cependant jamais le stade embryonnaire et, malgré les
espoirs que beaucoup mirent en lui à sa création, laissa beaucoup de
doutes quant à la sincérité de l’engagement libéral de certains de ses
dirigeants. Le Parti libéral démocrate, lancé dans la foulée par Aurélien Véron,
tente une nouvelle fois de regrouper les libéraux français. La tâche
s’annonce difficile, surtout si le but est d’obtenir des élus davantage
que défendre les idées libérales. Souhaitons-lui malgré tout bonne
chance, sans renoncer à notre esprit critique.
Face à cette situation déprimante, nombreux sont ceux qui ont vu dans le Nouveau Centre
d’Hervé Morin une lueur d’espoir, une formation politique libérale
classique. Il est vrai que le parti fait beaucoup pour rallier à lui
les libéraux déçus par l’absence de rupture effective dans la politique
de Nicolas Sarkozy : Hervé Morin déclarait ainsi dans Le Figaro du 14
mars 2008 : « La défense et la promotion des libertés forment un tout
qui conditionne le projet centriste et en détermine le contenu », et
ajoutait : « Les centristes doivent avoir le courage de promouvoir
franchement la liberté économique et, en particulier, la liberté
d’entreprendre, celle qui combine la réussite personnelle avec le
progrès matériel de la collectivité dans son ensemble. Il est très
préoccupant pour notre pays de constater que plus personne ne semble
pouvoir revendiquer cette liberté sans être aussitôt qualifié d’« ultralibéral
», formule qui est une sorte d’équivalent du cynisme absolu ! »[1]
Ajoutez-y une grande pétition contre la dette et pour la présentation
d’un budget à l’équilibre et de nombreux libéraux tombaient en pâmoison...
Je fus, certes sans trop d’illusions, l’un de ceux-là. J’ai donc pris
sur un coup de tête ma carte au parti il y a plusieurs semaines. Pas
tant dans l’idée illusoire de transformer d’un coup de baguette
électorale magique la situation française ou dans celles plus illusoire
encore de rejoindre une version française du Libertarian Party américain.
Il s’agit plus d’une découverte de l’intérieur de la vie politique et
d’une modeste tentative pour faire évoluer « dans le bon sens » les
idées et le programme d’un parti encore en gestation... Après quelques
rencontres, un premier bilan est assez facile à dresser : le champ est
immense et l’enthousiasme que manifestent certains libéraux vis-à-vis
du Nouveau Centre est clairement excessif.
Car, au-delà des
envolées lyriques d’Hervé Morin, le libéralisme réel du parti est bien
minime. Ainsi, la pétition contre la dette ne se résume qu’à de vaines
paroles en l’air sans engagement précis sur la baisse des dépenses
publiques qui en est la condition nécessaire. Or, loin de s’engager
là-dessus, le Nouveau Centre dans sa pétition affirme au contraire que
« l’Etat doit pouvoir s’endetter, mais pour investir ». Et de citer,
évidemment, l’Education nationale ou la recherche. Très politiquement
correct, mais légèrement contradictoire quand on sait que l’Education nationale est le premier budget de l’Etat... Et un homme politique qui
refuse de s’engager de façon courageuse alors qu’il n’a pas le pouvoir
n’a aucune chance de donner un réformateur courageux.
Le premier séminaire national des Jeunes Centristes
qui avait lieu ce week-end à Paris a conforté ces funestes
pressentiments. Pour inaugurer dignement la séance, Damien Abad,
président des Jeunes Centristes, affirmait sans ciller qu’il fallait
abandonner toute baisse d’impôt. Cela alla de mal en pis au fil des
heures, avec en particulier l’exemple de l’inénarrable Jean-Christophe
Lagarde, député de la circonscription de Drancy (93). Avec un certain
cynisme (mais une certaine honnêteté...), Lagarde d’affirmer : « nous ne
sommes pas là pour réfléchir, mais pour agir et appliquer des idées ». A
ceux qui doutaient de l’efficacité des think tanks...
Le summum était à venir avec des affirmations péremptoires « le
capitalisme financier a échoué » ou « regardez ces financiers qui
s’enrichissent sans rien produire, c’est amoral, Nicolas Sarkozy a
raison de les critiquer »... Ayant apparemment du mal à intégrer que les
services participent aussi de la richesse, il lançait sans surprise une
nouvelle énormité dans la foulée : « l’échange ne crée aucune valeur ».
J’avoue qu’à ce moment-là j’ai abandonné et que je suis parti boire un
café. Le masochisme, très peu pour moi. Cela fait pourtant plus de deux
siècles que Condillac
(portrait à gauche) a écrit ces phrases qui devraient faire partie de
l’enseignement minimum de tout élève : « Il est faux que dans l’échange
on donne une valeur égale pour une valeur égale. Au contraire, chacune
des parties toujours abandonne une moins grande pour une plus grande
valeur »[2]. La route est longue...
En outre, les intervenants
de ce séminaire national des Jeunes Centristes m’ont franchement gêné
sur un point particulier. L’opposition récurrente, quasi systématique,
des libertés politiques aux libertés économiques. La liberté
d’entreprendre semble être la seule qui trouve grâce aux yeux des
dirigeants du Nouveau Centre, probablement en raison de l’image
socialement clean de l’entrepreneur... A vouloir ainsi distinguer
artificiellement libertés politiques et libertés économiques, on finit
par perdre les deux, comme l’ont pourtant déjà souligné de nombreux auteurs.
Dès lors, l’enthousiasme serait déplacé vis-à-vis du Nouveau Centre. Ce
qui ne veut pas dire qu’il soit inutile, au contraire ; comme aiguillon
du gouvernement, il pourrait, s’il le voulait, infléchir la politique
menée vers une plus grande rigueur. Mais le veut-il ? Il aurait
pourtant tout à y gagner, une ligne politique courageuse attirerait à
lui tous les libéraux déçus du sarkozysme... En l’état, ce sont donc les
libéraux qui sont un espoir pour les centristes, et non l’inverse.
Notes
[1] "Qui sont les centristes ?", tribune parue dans Le Figaro, 14 mars 2008
[2] Le Commerce et le gouvernement considéré relativement l’un à l’autre, 1re partie, 6e section
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