Novelli porte plainte contre France 3
Un reportage rappelait son passé de militant d’extrême droite.
Hervé Novelli, secrétaire d’Etat chargé du commerce, est opposé lors de la primaire de l’UMP pour les régionales dans la région Centre à Serge Lepeltier (finalement battu à... 72%). Celui-ci réclame des débats devant chaque fédération mais Novelli décline l’invitation. "S’il refuse les débats dans les départements, est-ce qu’il refuse justement ce positionnement ? Est-ce qu’il a peur que l’on parle de cet ultra-libéralisme ? Est-ce qu’il a peur que l’on parle de son histoire politique ?", interroge alors son rival UMPiste devant les caméras de France 3. "Quand vous parlez de son histoire politique, vous faites référence à quoi ?", réagit le journaliste interviewer. Lepeltier répond évasivement : "A son histoire politique, à chacun de regarder ce qu’elle est". Le sujet ainsi porté sur la place publique, la mission d’informer impose un reportage explicatif, que Xavier Nayzet se charge de réaliser pour la station régionale de France 3 : "Le fait que Serge Lepeltier évoque publiquement le passé d’Hervé Novelli durant cette campagne a pleinement justifié cette diffusion", explique le confrère sur Le Post, soutenu par son rédacteur en chef, Dominique Delhoume, qui "assume la validation du sujet, et la diffusion du sujet à l’antenne. J’ai tout simplement fait mon travail de rédacteur en chef. J’ai donné mon feu vert pour ce reportage quand Serge Lepeltier a parlé du passé d’Hervé Novelli le 3 février". Ce sujet est toujours visionnable en ligne sur Dailymotion. Mais plus sur le site de France 3 : le journal du 18 mars dernier a été purement et simplement supprimé. En cause, la réaction du secrétaire d’Etat, qui a annoncé qu’il portait plainte pour diffamation, comme LibéOrléans le révèle. Cas typique de l’arroseur arrosé : d’abord, rien dans la séquence incriminée ne peut être qualifié de diffamatoire et Novelli n’a donc aucune chance d’obtenir gain de cause ; ensuite s’il s’offusque qu’on rappelle son passé de militant d’extrême droite, la plainte contre France 3 ne fait que médiatiser, bien au-delà de la région Centre où avait été diffusé le journal télévisé, les informations sur sa jeunesse mouvementée. Ajoutons donc notre modeste contribution à ce salutaire rappel.
Tout jeune étudiant, le futur membre du gouvernement Fillon milite au sein de la Fédération des étudiants nationalistes de 1962 à 1964. Il rejoint ensuite le mouvement Occident, où il côtoiera entre 1964 et 1968 des cadres actuels de la droite comme Claude Goasguen, Alain Madelin, Gérard Longuet ou l’actuel ministre de la Relance, Patrick Devedjian. Une fois Occident dissous - à cause de son choix de la barre de fer comme mode d’expression politique -, Novelli se tourne vers Ordre nouveau, de 1969 à 1973. Pas de chance, ce mouvement aussi est dissous pour violence ! Notre futur secrétaire d’Etat adhère alors au Front national(1973-1974) puis au Parti des forces nouvelles, où il se trouve fort bien puisqu’il y reste sept ans durant, de 1974 à 1981. Ce qui nous donne en tout dix-neuf ans en tant que militant d’extrême droite : on est loin du fugitif égarement de jeunesse ! Novelli, en 2005, se limitera soigneusement pourtant à ne parler que de l’épisode d’Occident, pour déclarer au Monde : "j’étais spontanément du côté de l’ordre. A l’époque, il n’y avait rien entre l’extrême droite et l’extrême gauche (sic). Je n’ai pas un regret. Occident, c’était un engagement anticommuniste dans lequel je me reconnais toujours. C’est une époque révolue, il en reste une sorte d’amitié liée à l’adolescence (largement attardée dans son cas, NdA). Ne tombons pas dans le piège de la béatification de l’extrême gauche et de la diabolisation de l’extrême droite".
On veut bien ne pas diaboliser l’extrême droite, mais rappelons tout de même, avec la fiche Wikipédia dédiée à ce mouvement, qu’ "Occident adopte pour mot d’ordre "Tuez les communistes partout où ils se trouvent !", reprenant à son compte l’exhortation du maréchal Suharto en Indonésie, où les communistes et présumés communistes sont assassinés par centaines de milliers. (...) Occident approuve le coup d’État des colonels en Grèce et ajoute même : "La seule méthode reconnue pour mettre fin à l’agitation marxiste étant l’élimination physique, nous suggérons au gouvernement grec de ne pas se laisser prendre au piège d’un pseudo-humanitarisme". (...) Il se montre ouvertement raciste, s’en prenant par exemple aux "métèques" (...) exhalte "l’ethnie française" (...). Le terme "fasciste" n’est pas renié : "Dans toutes les démocraties, la jeunesse s’ennuie, et dans toutes les démocraties, il y a des "blousons noirs". Alors que dans les pays qualifiés de "fascistes", il n’y en a jamais eu. Cela tient au fait que tout fascisme est l’expression d’un nationalisme, qui seul peut cristalliser la volonté de la jeunesse en un immense élan révolutionnaire ; le nationalisme, c’est la jeunesse au pouvoir." Voilà ce qu’était Occident, ni plus ni moins qu’une bande de petits voyous fascistes. Mais Novelli n’a aucun regret ! Tout juste s’il n’avoue pas en être fier - sûr qu’il l’est, au fond.
De là à le revendiquer en public... L’odeur de ce passé reste sulfureuse en période électorale et ça ne lui a pas plu du tout que le reportage de France 3 le rappelle au téléspectateur. D’où la plainte. Entre parenthèses, le sujet de Xavier Nayzet aborde aussi le fait que Novelli ait qualifié le collaborationiste Claude Harmel, arrêté à la Libération, condamné à quatre ans de prison, libéré en 1947, amnistié en 1951, de "père spirituel", ainsi que ses fricotages avec l’organisation patronale UIMM, célèbre pour sa caisse noire antigrève. Sans doute ces éléments ont-ils également déplu à notre membre du gouvernement. Mais ce n’est pas cet aspect-là qui est mis en avant : "Un proche du secrétaire d’Etat, qui ne souhaite pas lui-même se prononcer sur cette affaire, a expliqué cette décision, rapporte L’Express. "On ne peut pas dire n’importe quoi sur le passé de M. Novelli, explique cette source. Son passage par l’extrême droite est une étape dans sa jeunesse politique. On ne peut pas la lui reprocher indéfiniment." La lui reprocher, ça se discute, mais le journaliste ne faisait qu’énoncer des faits ! Ne pas la lui reprocher reviendrait donc à devoir la taire ? En traînant France 3 devant les tribunaux, Novelli tente de créer une nouvelle jurisprudence : on ne parle pas de... ce qu’un membre du gouvernement ne veut pas que l’on parle. Gravissime. "M. Novelli ne supporte pas que des journalistes informent sur son passé de militant d’extrême droite, proteste un communiqué des Verts sous la plume de leurs porte-paroles, Djamila Sonzogni et Jean-Louis Roumegas. Le fait même de s’attaquer à la presse prouve qu’il n’a pas rompu avec son passé. Rappelons que L’Etat est le garant constitutionnel de la liberté de la presse. On peut craindre avec le gouvernement Sarkozy-Fillon qui comporte un autre membre ayant milité activement à l’extrême droite (Patrick Devedjian) que les pressions sur les journalistes soient de plus en plus fortes. Les citoyens ont le droit de savoir pour qui ils votent. Les Verts apportent tout leur soutien à la rédaction de France 3 Centre." Plume de presse aussi !
12 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON