Nuit d’épouvante au PS
« C’était un congrès tendu. Nous sommes parvenus à un accord de gouvernance globale qui intègre à la fois la majorité et la minorité. Nous avons prévu de nous voir une fois par semaine en recherchant le consensus. Chacun s’engage à respecter la ligne politique définie pour préserver et la cohérence et la solidarité. » (Olivier Faure, le 28 janvier 2023 à Marseille).
Psychodrame chez les éléphanteaux en Provence. C'est terrible comme des tragédies pour les acteurs deviennent des comédies pour les observateurs. "Nuit d'épouvante au PS", c'est un film qu'on pourrait aussi titrer "Le laborieux destin d'Olivier Faure". Ce week-end, c'était la crise au parti socialiste à Marseille. Lors de son 80e congrès, les socialistes, comme d'habitude (voir Metz en 1979, Rennes en 1990, Reims en 2008), se chamaillent. Si au congrès de Metz, la bataille valait le coup (l'Élysée était à portée de main), aujourd'hui en 2023, avec un PS à la présidentielle complètement démonétisé (1,7% !), la bataille pour conquérir le PS paraît assez stérile et anachronique.
Le 19 janvier 2023 se jouait la bataille du second tour pour le poste de premier secrétaire. Les résultats, confirmés par la commission de récolement, ont proclamé Olivier Faure, le premier secrétaire sortant, vainqueur d'une courte tête face à son adversaire Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen.
Malheureusement pour la quiétude de l'appareil, le candidat battu, émanation rouennaise de Laurent Fabius, a refusé de s'incliner devant les quelques centaines de voix d'avance, alors qu'il sait que « les fraudes et irrégularités » sont en vogue dans ce parti depuis longtemps (avant lui, Ségolène Royal les avait dénoncées en 2008). Nicolas Mayer-Rossignol était même prêt à attaquer la direction socialiste en justice pour avoir gain de cause, ce qui rappelle le congrès de l'UMP en novembre 2012 avec la querelle entre Jean-François Copé et François Fillon.
L'enjeu de ces querelles intestines était purement et simplement l'existence même du parti socialiste, car il ne survivrait pas à une éventuelle scission (1,7% divisé par deux...). Pendant la première nuit du congrès à Marseille, ce fut un échec total : les négociations n'ont pas abouti, si bien que l'hôte des lieux (cela se passait au Palais du Pharo), par ailleurs maire PS de Marseille, Benoît Payan, s'est bien gardé de prononcer son discours de bienvenue, ne sachant que dire devant un tel désastre.
L'agenda a été bouleversé pour laisser place à de nouvelles négociations dans la matinée de ce samedi 28 janvier 2023, jusqu'à l'accord dont le protocole a été rapidement validé par les 186 délégués du congrès, quasiment à l'unanimité (à bulletin secret, le vote par acclamation étant depuis longtemps proscrit pour éviter toute opposabilité). La réconciliation a eu lieu à 14 heures 30 dans un amphithéâtre pas vraiment rempli. Des journalistes ont parlé de fumée blanche, mais qui donc peut sérieusement comparer Olivier Faure à un pape ?
Résultat : tout le monde est chef, si bien que personne n'est chef. Plus une instance est nombreuse, moins elle décide (c'est une règle de management politique ; j'avais pu observer il y a une vingtaine d'années à quel point François Bayrou faisait grossir le bureau politique de l'UDF qu'il présidait, ce qui satisfaisait beaucoup de monde, et lui en premier car ce n'est évidemment pas dans un gros comité qu'on est opérationnel et qu'on prend des décisions).
L'accord prend acte de la collégialité de la direction du PS. Olivier Faure sauve laborieusement son titre de premier secrétaire, mais se voit entourer de deux "premiers secrétaires délégués" (qui n'existent pas dans les statuts, mais qu'importe, les statuts ne les interdisent pas non plus !), qui ont les mêmes prérogatives que le premier secrétaire, qui sont Nicolas Mayer-Rossignol, son adversaire, et Johanna Rolland, la maire de Nantes, proche d'Olivier Faure. Trois premiers secrétaires, il va falloir réapprendre à compter !
On sait cependant ce que vaut un tel titre, "délégué", c'est-à-dire, pas grand-chose. Dans un autre parti et dans un autre temps, au Centre des démocrates sociaux (CDS), composante démocrate-chrétienne de l'UDF, le congrès d'Angoulême en octobre 1991 était promis à un quasi-putsh : Dominique Baudis allait renverser la table et prendre le pouvoir dans ce parti. Le président sortant Pierre Méhaignerie, très habile politique, a réussi à finalement éviter la confrontation et à l'intégrer à la direction comme "président délégué". Extrait du journal "Le Monde" le 13 octobre 1991 : « Par 448 contre 372, les militants du CDS tenant jusqu'à dimanche leur huitième congrès à Angoulême ont ratifié une motion instituant de fait une double présidence, "afin, précise ce texte, d'assurer au CDS sa pleine efficacité à la veille d'événements politiques majeurs et de donner concrètement l'exemple de l'union". Les centristes ont refusé l'affrontement entre M. Pierre Méhaignerie et M. Dominique Baudis. ». Rien n'a alors changé jusqu'à la conquête du CDS par François Bayrou en décembre 1994 à Vincennes.
Johanna Rolland aurait dû montrer plus de neutralité et elle aurait pu être nommée unique première secrétaire, afin de désamorcer la bataille de coquelets entre Olivier Faure et Nicolas Mayer-Rossignol. Au lieu de cela, elle ne sera qu'une faire-valoir d'Olivier Faure et une caution féminine du PS.
Dans son discours de clôture du congrès, le dimanche 29 janvier 2023, Olivier Faure a déclaré, intimiste, à l'adresse de son rival : « Il y a eu des mots blessants, des désaccords surjoués, et une dernière semaine où de nombreux militants se sont sentis insultés, pas respectés (…). Mais, toi et moi, nous avons fait un choix. Celui de dépasser ces moments [et] faire ensemble plutôt que les uns contre les autres (…). Toi et moi, nous allons faire mieux. À partir de demain, apportons-en la démonstration claire. ».
Tandis qu'Olivier Faure avait refusé initialement toute collégialité, Nicolas Mayer-Rossignol aurait voulu faire nommer trois premiers secrétaires délégués, la troisième aurait été Hélène Geoffroy, la maire de Vaulx-en-Velin, farouchement opposée à l'intégration du PS dans la Nupes (le vrai sujet de divergence des protagonistes), concurrente des deux autres, qui a échoué dès le premier tour le 12 janvier 2023. Celle-ci, finalement, se retrouve présidente du conseil national (l'équivalent du parlement du parti), poste avait occupé bien avant elle une certaine... Ségolène Royal (pour la faire patienter).
Si Nicolas Mayer-Rossignol a réussi à mettre le pied dans la porte de la direction du PS, il n'a en revanche pas résolu le problème de gouvernance du PS. En rendant obligatoire le consensus dans les décisions, le protocole d'accord contraint le parti socialiste à l'immobilisme permanent. Celui qui se frotte les mains, bien entendu, c'est un ancien apparatchik du PS qui l'a quitté depuis quatorze ans, Jean-Luc Mélenchon. Nicolas Mayer-Rossignol, lui, ne cesse de répéter comme un mantra : « Il faut que le PS retrouve des couleurs, de l’énergie, de l’enthousiasme ! ». Pour cela, le PS devra d'abord quitter le service des soins intensifs (au risque d'être transféré au service des soins palliatifs).
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (29 janvier 2023)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Nuit d'épouvante au PS.
Le laborieux destin d'Olivier Faure.
PS : ça bouge encore !
Éléphants vs Nupes, la confusion totale.
Le leadershit du plus faure.
L'élection du croque-mort.
La mort du parti socialiste ?
Anne Hidalgo.
Le socialisme à Dunkerque.
Pierre Moscovici.
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